Shanghai est un bruit de fond

 

 

Vas-y engouffre-toi dans la ville tu sors de l’avion et l’air moite caresse ta vieille peau tu cherches un coin de soleil un coin de bleu mais tu te souviens qu’ici le gris habille le ciel alors tu hausses les épaules et tu retrouves le bruit de fond de la ville qui te voit apparaître chaque année lorsque se pointe la fin de l’été tu souris au chauffeur de taxi lui dis bonjour Ni Hao et tu te poses face à la route qui avance maintenant vers l’autre bout vers l’ouest et tu lis un gros quarante cinq écrit en rouge tu crois il te semble que c’est bien peu quarante cinq kilomètres pour aller de l’autre côté de Shanghai où tu es attendu c’est plutôt soixante tu te dis alors tu respires un grand coup et tu commences à tenter de parler un peu avec le jeune homme aux deux téléphones un pour le GPS et l’autre pour tchatcher avec un collègue tu penses que c’est par WeChat c’est autorisé ici au volant tu te demandes mais tu t’en moques car il est père de famille tu comprends que son enfant a trois ans il te montre les années avec ses doigts l’auriculaire replié avec le pouce ils énoncent les chiffres ainsi avec les doigts les Chinois tu t’en souviens Clément te l’a montré cet été tu as un peu révisé avec lui tout comme les mots de chinois qui te permettent d’échanger avec le chauffeur qui est tout sourire en te disant que tu parles bien alors tu réponds que tu adores parler chinois même si c’est difficile et l’écrire encore bien plus il te demande si le français c’est dur aussi tu réponds que oui alors il met la radio chinese music il te dit avec un zeste d’ironie c’est de la musique au mètre avec paroles en chinois il danse un peu sur son siège en souriant encore puis il baisse la vitre se racle la gorge et crache vers le bas côté lorsque la voiture ralentit car les embouteillages commencent à freiner le flot de véhicules dans la nuit installée maintenant sur la ville ça klaxonne moins que l’an passé tu te dis sauf les gros camions verts sur la droite bondés de travailleurs aux visages épuisés avec derrière des remorques chargées de rouleaux de fil de fer de plaques de béton de tuyaux géants car ça construit à tour de bras à Shanghai tu le sais bien que la ville pousse vers l’ouest chaque jour davantage cet ouest où tu arrives maintenant tu reconnais le quartier la station service le practice de golf avec ses hauts filets de protection l’hôtel un peu moisi d’en face le restaurant italien où la pizza se défend et l’établissement de massages au parking qui ne désemplit pas tu passes le poste de garde et tu arrives au bout de l’allée il y a des drapeaux chinois fixés sur les poteaux électriques parce que bientôt la Chine fête l’anniversaire de la création de la République populaire ça y est tu descends et marches à présent dans l’air tiède et déjà les grillons font cri cri cri doucement tu avances vers la maison où tu es attendu pour l’anniversaire de Raphaël deux ans tout juste le pitchounet que tu chéris de tout ton cœur et tu sais que tu vas fondre en l’embrassant .

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