Le saut de l’ange #7 et fin

Le saut de l'angePhoto numéro un.

L’avant-dernière.

Pourvu qu’elle ne soit pas floue. Mise au point sur les flammes qui brusquement empourprent le ciel. Elles s’agitent là-haut comme des sorcières, tout au fond des jardins. Les larmes se coulent à l’intérieur de mes paupières. Le travail du deuil m’a toujours consumé les yeux. A quel coin du parc le feu a-t-il pris naissance ? Mystère. Il a sauté les haies de cèdres et de cyprès, pour filer à toutes jambes vers les champs d’oliviers. En plein mistral, le voilà qui roule tel une pieuvre rousse le long des allées. Incompréhensible ballet qui me force à reculer plus vite encore en direction de la mer. Les nervis, les chiens et les écoliers se sont mis à courir eux-aussi, poursuivis par des nuages de cendre et de fumée. Les cinq enfants aux arrosoirs ont disparu. Le vent m’ engourdit le visage et je claque des dents. Les rafales giflent les pins-parasol qui se bousculent dans le viseur au fil de mes foulées. Renversants, ces arbres lorsque l’on arrive à Angelo par bateau. Stupéfiants car accrochés à même le rebord de la falaise tels d’ immenses gibets. De très loin, leurs silhouettes s’imposent et trônent au dessus des flots. Personne n’imagine alors un seul instant les jardins cachés derrière ces statues décharnées. Vite, les photographier avant qu’elles ne s’embrasent. Ce sera mon tout dernier cliché.

J’accélère l’allure pour me donner un peu plus de recul.

Les arbres ont disparu du viseur.

J’ ai basculé soudain vers la mer.

Je crois que j’ai entendu le déclic de mon Leica.

Juste à côté de la chaise-longue, mon fils Angelo joue aux petites voitures et me demande : dis, papa, on va promener ?

Fin

 

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