C’était ma première soirée à l’air libre depuis des lustres. Une vraie soirée d’octobre. Douce comme un beignet aux courgettes, légère comme une robe d’été, joyeuse comme la ronde qui remontait de l’école maternelle plusieurs fois par jour. Je suis sorti bien après la dernière récré. Le col remonté, j’ai marché jusqu’à la mer. Le soleil commençait à plonger derrière le Frioul. Plus aucun enfant dans la cour. Seuls quelques miettes par terre et des pigeons autour. Une nouvelle fois, les souvenirs sont revenus me narguer. Un pied de nez impromptu, mystérieux et feutré. Comme un « coucou ! » murmuré par le fantôme de Jo.
Bientôt un quart de siècle qu’il me visite ainsi sans prévenir. Depuis son retrait volontaire et pour toujours. C’était un beau matin d’août, un lendemain de rude bras de fer. La routine pour deux frères élevés de concert. Même chambre plein sud, même fenêtre sur mer, même jeux et mêmes angoisses au moment d’éteindre et de se plonger vers le sommeil. Plus tard, même appêtit de fêtes. Même plaisir à échanger ses secrets. Même envie de se faire sauter la tête à coups de résine ou de tétine. Même désir de baisers profonds avec des filles à cheveux longs.
(à suivre)