La radio en surround au cinéma Longueur d’Ondes #1

S’installer dans une salle de cinéma et participer à une séance d’écoute de la radio en surround. J’ai vécu ce moment inédit hier-soir, proposé par le Festival Longueur d’Ondes à Brest. Plus de 70 personnes avaient fait le même choix, attirées comme moi par la découverte d’une écoute collective singulière. Le documentaire qui a été projeté dans le noir –  Lyon-Saint-Étienne / Regarder aux vitres du train – nous a été proposé avec une réalisation multicanal. Du coup, le son était spatialisé et nous nous sommes retrouvés comme embarqués à bord du train, aux côtés des passagers, nous avons partagé leurs pensées en même temps que nous avons regardé avec eux le paysage défilant sous leurs yeux comme dans un long et beau travelling. Extrait

Après la projection, je me suis retrouvé dans l’ambiance des cinéclubs d’autrefois. J’ai apprécié ce radioclub animé par Hervé Déjardin, passionnant ingénieur du son à Radio France, très enthousiaste et hyper-pointu sur son métier comme sur les projets que sa maison met en oeuvre pour développer le son multicanal et binaural. J’ai appris que bientôt, Radio France offrirait une écoute au casque personnalisée de ses programmes, adaptée aux particularités singulières de chacun, notamment de son appareil auditif.

Lyon-Saint-Étienne / Regarder aux vitres du train est un documentaire réalisé par Laure Bollinger et Véronique Lamendour. C’est une coproduction L’Atelier de la création (France Culture) et NouvOson. L’intégralité de l’oeuvre est en ligne sur le site de NouvOson et c’est par ici.

 

 

Chambre seize #4

Chambre 16

Je n’ai retrouvé Aglaé qu’au détour d’un voyage en Espagne. Plus de vingt longues années s’étaient égrenées. Elle réchauffait ses doigts au fond du cinéma l’Imperial. En plein Madrid. Ouvreuse elle était devenue. Un quotidien confiné à la lueur d’une lampe de poche. Des journées à tourner le dos à l’écran et à ses rêves d’actrice anéantis. Entre deux séances, elle m’a laissé effeuiller son costume de nonne et déchirer ses bas noirs. J’ai épargné le foulard orné d’une broche dorée, une cigale allongée de tout son long entre ses seins.

Une fois nos cauchemars mélangés et apaisés, Aglaé m’a montré ses croquis couchés sur un épais carnet et m’a tout raconté. Leur dernière nuit avant le clap de fin, leurs cris de rapaces, leurs ultimes baisers jetés par dessus mer. Et puis ce coup de feu qui soudain claque dans la bouche de Jo et le torrent de son sang. Comme un adieu lancé aux angelots du papier peint. Aglaé m’a décrit aussi les voisins saisis d’effroi à l’entrée de l’hôtel, l’ambulance où avance en tremblant le drap blanc, les menottes glacées à ses poignets et pour finir, le cachot. Sans un mot. Vingt ans elle a pris. Vingt années à se taire au fond de sa tanière. Honteuse et coupable. Pas un mot pour se défendre. Rien. Pas le moindre avocat pour la tirer de là. Elle n’en voulait pas. Vingt ans à se terrer, à se souvenir et à dessiner.

(à suivre)

Ondes de pluie sur Brest

Me voilà donc à Brest. À l’autre bout de la France. Là où se finit la terre. Là où la vieille Europe regarde vers l’Amérique. Brest où m’attendait l’ami Fañch, de Radio Fañch. Où m’attendait la pluie aussi. Abondante comme les tourteaux du Crabe-Marteau.

La pluie, m’a sorti du sommeil cette nuit. De la fenêtre de ma chambre d’hôtel, j’ai entendu un tapis d’eau chuter du toit et j’ai deviné la pleine lune qui là-haut pointait le bout de son nez.

Fañch m’a invité à Brest pour parler de ma passion de la radio au Festival de la radio et de l’écoute Longueur d’Ondes qui se tient jusqu’à dimanche. Retrouvez son blog par ici et Longueur d’Ondes par là.

Chambre seize #3

Chambre 16Sauf qu’un beau soir, soudain, plus qu’un seul secret à partager. Un seul rôle pour deux. Chacun voulait danser contre la même comédienne. Aglaé elle s’appelait. Une brunette aux yeux caramel et aux doigts aussi fins que des suce-miel. Elle nous aimait tant qu’elle ne pouvait pas trancher. A vous de jouer ! Le jeu a vite chaviré en dispute. Lourdement. Puis en guerre-éclair. Jo a perdu sur le champ et a disparu corps et biens. Je ne me suis jamais pardonné ce sabordage. Cette impuissance à éviter le naufrage. Ces paroles absentes alors qu’elles auraient pu sauver. Trop accroché à ma conquête, j’ai oublié de le consoler, mon Jo. Je ne m’en suis jamais relevé. Jamais. Une fois mon frère envolé, Aglaé s’est laissée enfermer et n’a rien craché. Elle n’a même pas regardé les cendres de mon frère s’éparpiller vers le large. En quelques jours, Marseille s’est dépeuplée, s’est vidée de mes moitiés.

(à suivre)

Cornemuse et trompette

Il n’y a pas de hasard. Alors que je m’apprête à prendre la route pour Brest – je monte y participer à Longueur d’Ondes, le 11ème Festival de la radio et de l’écoute – mon ami Jean Bernard m’adresse un cadeau sonore où résonne la cornemuse, en duo avec une trompette. J’adore la sonorité de la cornemuse, instrument mystérieux qui se nourrit du souffle des humains. J’avoue que la mescle avec la trompette que voici m’émeut profondément. Sans doute parce que la Bretagne me tend aujourd’hui les bras, tout comme mon ami Jean.

Ce duo fugace et splendide, Jean l’a enregistré vendredi dernier dans l’église de la Dalbade à Toulouse.

Une petite histoire de la cornemuse, c’est par ici.

Sabine Réthoré inventeuse de mondes

Nous nous étions perdus de vue depuis quelques années et puis dernièrement, Sabine Réthoré est réapparue. Juchée quelque part sur l’un des globes terrestres ou arpentant l’une des cartes qu’elle fabrique dans son atelier d’artiste. Cartographe contemporaine, la dame. Passionnée par les territoires et les représentations qui nous en sont fournies. Je l’avais rencontrée il y a quelques années dans le quartier Noailles à Marseille. Elle s’était racontée. Avec poésie et malice.

La Méditerranée est sans doute le territoire préféré de Sabine Réthoré. Le globe qui lui est dédié a donné naissance ensuite à une carte pensée avec un regard différent. Une Méditerranée réinventée.

Depuis juin 2011, Sabine Réthoré fait vivre son projet Méditerranées sans frontières. Elle l’a démarré après avoir constaté que les gens ne pouvaient plus trouver de carte de Mare Nostrum dans le commerce. Alors, elle s’est lancée dans le dessin d’une Méditerranée à partir de zéro, en proposant un regard neuf sur cette grande surface bleue, histoire de réorienter la vision et de questionner les représentations tout en permettant de tisser des liens entre les gens qui vivent sur les rives de cette mer mythique. Autant dire que ette carte ne tient compte ni des frontières, ni des nations.

Sabine Réthoré vous en dit plus sur son site. C’est par ici.

 

Chambre seize #2

Chambre 16C’était ma première soirée à l’air libre depuis des lustres. Une vraie soirée d’octobre. Douce comme un beignet aux courgettes, légère comme une robe d’été, joyeuse comme la ronde qui remontait de l’école maternelle plusieurs fois par jour. Je suis sorti bien après la dernière récré. Le col remonté, j’ai marché jusqu’à la mer. Le soleil commençait à plonger derrière le Frioul. Plus aucun enfant dans la cour. Seuls quelques miettes par terre et des pigeons autour. Une nouvelle fois, les souvenirs sont revenus me narguer. Un pied de nez impromptu, mystérieux et feutré. Comme un « coucou ! » murmuré par le fantôme de Jo.

 Bientôt un quart de siècle qu’il me visite ainsi sans prévenir. Depuis son retrait volontaire et pour toujours. C’était un beau matin d’août, un lendemain de rude bras de fer. La routine pour deux frères élevés de concert. Même chambre plein sud, même fenêtre sur mer, même jeux et mêmes angoisses au moment d’éteindre et de se plonger vers le sommeil. Plus tard, même appêtit de fêtes. Même plaisir à échanger ses secrets. Même envie de se faire sauter la tête à coups de résine ou de tétine. Même désir de baisers profonds avec des filles à cheveux longs.

(à suivre)

Chambre seize #1

Chambre 16

– La seize, mon beau jeune homme, ça fait bientôt cent ans que je ne la loue plus !

 Au rythme de mes secousses désenchantées, la patronne de la Fausse Monnaie enfonce son regard lavande entre mes yeux d’obsédé. Je suis sans doute le premier client depuis la fin de l’été. C’est la première femme que j’approche de près depuis une éternité. Et comme ça fait une éternité que je n’ai plus été jeune, autant en profiter. Son décolleté se balance juste en dessous de mes lèvres énervées. La faute à nos coups de langue, comme au Cordon Rouge qui nous vide la tête depuis que j’ai enfin mis les pieds dans cet hôtel au coucher su soleil.

C’est une ancienne demeure juchée sur le calcaire à l’aplomb de la mer. Décorée façon colonies. Inondée de palmiers, de plantes grasses et de totems en bois noir. Trois étages avec vérandas pour chaque chambre. Une trentaine en tout. La seize me suffira. Voilà une bonne heure que je m’affaire sur le comptoir, une main sous ses hanches, l’autre accrochée aux gros billets qui claquent sur le guichet. Entre deux baisers, je lui montre les dessins et la clé dorée qui brille dans l’armoire en verre. Mais rien n’y fait. Elle gémit, accentue la cadence, roule des reins et réclame d’autres câlins mais ne veut rien savoir. Mon carnet lui fait peur et mon argent l’indiffère. Alors, je me retire de ses cuisses et plonge la liasse vers la poche revolver de mon blouson. Un peu plus, un peu moins, je me dis…

(à suivre)

Lo Carnaval Biarnés à Salies

Ce samedi, Salies-de-Béarn a accueilli pour la première fois le Carnaval Biarnés, organisé depuis 30 ans par l’association paloise Carnaval Pantalonada. La cité du sel a donc pu faire partager à tous les courageux qui ont bravé la pluie cette tradition festive béarnaise, incarnée entre autres par de truculents personnages, comme le légendaire Sent Pançard et sa femme Carronha. Ce Carnaval Biarnés a Salias a permis aussi de se plonger avec plaisir dans les musiques, les danses et les chants béarnais, portés par la langue occitane que je trouve si jolie et si poétique. Voici un florilège d’ambiances sonores offertes par ce Carnaval salisien qui en appelle bien d’autres j’espère.

La « philosophie » de l’association Carnaval Pantalonada, en béarnais et en francais :

FAIRE CARNAVAL !

Bohar
Desconar, hartar, peguejar,
Dançar, cantar, dinc a càder de fatiga
La gentilhessa, l’umor e la toleréncia
Las diferéncias
Vestí’s en hemna quan èm un òmi
Vestí’s en òmi quan èm ua hemna
Mascà’s e cambiar de votz
Denonciar l’injustícia, los mèstes deu monde
Har tentar los pisha-vinagre, los de qui cau
Desbotoà’s, arrebendí’s
Deishar har la soa fantesia
 

Souffler
Déconner, bouffer, faire le « pec »
Danser et chanter jusqu’à épuisement
La gentillesse, l’humour et la tolérance
Les différences
S’habiller en femme si l’on est un homme
S’habiller en homme si l’on est une femme
Se masquer et changer de voix
Dénoncer l’injustice, les maîtres du monde
Faire râler les pisse vinaigre, les bien pensants
S e débrider, se rebeller
Laisser libre cours à sa fantaisie

L’Ostau Bearnès, lieu de diffusion de la culture occitane, c’est par ici.