La photomaton parlant, avec J.S. Bach

Froide et triste cette voix synthétique qui nous guide pas à pas une fois assis dans le box. Je l’ai mesclée avec l’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, interprétée par Glenn Gould, en imaginant qu’un jour pourquoi pas, lorsque nous irons nous faire tirer le portrait, le photomaton nous proposera d’écouter Bach, ou Chopin, ou Bob Marley, ou Pharell Williams…

Pour illustrer ce son, j’ai emprunté la photo à Valentin Gall, jeune et talentueux graphiste-illustrateur freelance.

Découvrez son blog par ici.

In Paradisu #17

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C’est la dernière image que je garde de ma Place.

Après, il n’y a que de l’obscurité d’un hall où m’entraîne le chauffeur. Je ne sais pas pourquoi je saigne du coeur des arcades. De l’intérieur de la bouche aussi. Sans douleur. Je ne capte plus rien de rien. La cornée se sauve. Les photons ignorent mes pupilles. Que j’ouvre les yeux ou ferme les paupières, aucune forme sur l’écran, là, tout au fond du crâne. Pas la moindre couleur n’est palpable. Seul, le noir se fraie sa place en douce. Il étale partout son encre sale et compacte.

(à suivre)

In Paradisu #16

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En titubant parmi les poubelles éboulées sous la neige, j’ai cherché les bateaux à travers les barreaux rouillés du domaine maritime. Il m’a semblé entrevoir là-bas de longues rayures blanches et bleues étalées de l’autre côté de la Place.

Je crois bien que des cheminées allongeaient leur palette anthracite au-dessus des bastingages. Aucun marin, aucun docker à bord de ces silhouettes de navires. Pas de passager non plus. Seulement de larges taches blanches avec un peu de bleu ajouté en frise légère au-dessus de la mer.

(à suivre)

In Paradisu #15

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Le taxi a fait le tour de la place une bonne dizaine de fois. Je me suis hasardé à comprendre pourquoi. Sans succès.

– Savoure le paysage, savoure, m’a lancé Sauveur. Le manège est bientôt terminé, alors profite.

La Mercedes s’est arrêtée au pied d’un immeuble d’angle. C’est pas très loin d’ici que je suis né. Juste en face des Docks où Ernesto touchait sa paie à la semaine et m’accompagnait le dimanche pour tester mon désir de tenir debout.

(à suivre)

Dedans, dehors, le vent

Ici, Mars a donc débuté sous le vent. Dedans, dehors, partout. Je l’ai teinté de quelques accords paisibles de Takahiro Kido, musicien et compositeur japonais dont la musique m’emporte souvent vers Tokyo. Vers ce Japon que j’aime et où je languis de retourner. Une pensée amicale pour le poète Francis Royo, amoureux lui aussi de ce Japon magique.

En bonus, voici le dernier opus de Takahiro Kido, intitulé Krageneidechse et composé de 12 petites pièces subtiles et déroutantes.

In Paradisu #14

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A l’intérieur, j’ai retrouvé le chauffeur. Trahi par ses lunettes de glacier et son blouson noir.

Il m’a souri et m’a offert une Sol, puis deux, puis trois. Nous avons trinqué au retour du printemps. Je lui ai demandé son prénom en bafouillant et pourquoi tout à l’heure il m’avait laissé en plan sous la tempête.

– Je m’appelle Sauveur, il m’a répondu en faisant cliquer des menottes et un briquet sous mon gosier. Puis il m’a conduit dans sa voiture. En claquant la portière, il a dit d’une voix assurée :

– J’ai quelqu’un à te présenter.

(à suivre)

Comme à l’école

Parfois, dans une gare c’est comme à l’école. On y sonne la fin de la récré. Entendu cette sonnerie hier-soir en gare de Dax, après une belle semaine de vacances avec mes enfants. Ce matin, ils ont repris le chemin du collège et de l’école. Fin de la récré…

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In Paradisu #13

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Terminus Quai du Port. J’ai débarqué hagard près des baraques à frites et des kiosques à journaux, en grelottant dans mon manteau vert sapin. Des rafales de folie hurlaient dans les haubans et les coques des voiliers grinçaient comme de lourds dragons empêtrés sous des tonnes de neige. J’ai accéléré le pas pour tenter de me réchauffer et j’ai filé vers la gauche.

En arrivant Place de la Consolation, je me suis écroulé sur le trottoir gelé. Les pieds en cloques et les jambes sciées. Transi d’une immense tristesse. Plus de fontaine, plus d’azalées, plus de micocouliers. Pratiquement plus aucun commerce. Seul vestige du campo de mon enfance, un bar à la devanture bleue outremer. Le Bar d’Orient. Avec un taxi stationné juste à côté. J’ai un peu hésité à entrer, puis j’ai poussé la porte presque machinalement.

(à suivre)