Du miel au bout des doigts #13 (suite et fin)

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A peine à l’intérieur de la chambre, une ombre se jette sur moi et me cogne ferme à la tête.

Je hurle et je m’éboule face à la baie vitrée entrebâillée.

Avant de m’évanouir, j’aperçois Lisa allongée les jambes offertes.

Les mains dans les cheveux, elle ordonne : – “ Viens vite mon Luis, viens me donner ton miel ! “.

Lorsque j’ai rouvert les yeux, il faisait jour mais je n’ai vu que du rouge, enfin un peu de blanc aussi, le blanc de mes doigts

tranchés éparpillés sur la moquette.

Plus de piano dans l’air, rien que le rire acide des mouettes.

* * *

Du miel au but des doigts est l’une des treize nouvelles de mon recueil « Marseille rouge sangs » publié l’an passé aux Editions Parole. C’est aussi l’un des trois textes du livre adaptés au théâtre par les comédiens de Base Art Compagnie. Dimanche-dernier, ils ont donné la douzième et dernière de leurs représentations du spectacle au Bar culturel de l’Angle, dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon.

En Février prochain, leur Marseille rouge sangs devrait être programmé lors de la 6ème édition du Festival « Polar en Lumière » au cinéma Les Lumières de Vitrolles, lors d’une soirée « Marseille » à laquelle je suis invité aux côtés d’autres auteurs marseillais.

 

Comme des poissons dans l’eau

Clément, mon petit-fils de 4 ans, est sans doute né avec des nageoires. À la piscine hier après-midi, il s’est régalé à me montrer l’étendue de son registre. Et il s’est prêté avec gourmandise à la séance de plongeons aux côtés de son grand-frère Alexandre et de mon petit neveu Samuel, tous deux âgés de 7 ans.

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Il paraît que quand il est en grande forme, Clément est capable de s’offrir un salto avant…

 

Du miel au bout des doigts #12

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À la lisière du Marseille encore intact, le Régent pointe vers le ciel ses trois étoiles.

Larges fenêtres et balcons à la vénitienne.

Pas de groom à l’entrée, il est trop tard.

Pas de Luis non plus.

D’habitude le veilleur m’accueille en baillant dans le hall devant sa télé.

Là, il a dû monter aux étages faire sa ronde.

Ce soir, je ne prends pas l’ascenseur.

La cent est au premier, juste en arrivant sur le palier.

L’inconnue a laissé la porte entrouverte et a mis de la musique, valse et jazz mêlés.

“ Romantic but not blue “ , un de mes morceaux préférés.

(à suivre)

L’Auzon s’écoule juste là

De Flassan à Bédarrides dans le Vaucluse, l’Auzon s’étire paisible sur à peine un peu plus de 35 kilomètres jusqu’à la Sorgue, qui elle-même s’en va rejoindre le Rhône. Son nom signifie rivière des Aulnes. M’y suis promené l’autre jour avec Chantal aux côtés de nos amis de Mazan. Reviendrons sans doute cet automne nous reposer auprès de ce cours d’eau charmant comme tout.

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Du miel au bout des doigts #11

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Du brouillard sur les quais délaissés et au pied des grues rouillées.

Sur le Chemin de la Vigie, je longe les ateliers éventrés, vidés de leurs machines.

J’avance en terrain de connivence. Quinze ans à réparer les bateaux, ça donne quelques repères.

Il y a plus pittoresque mais je déteste les cartes postales.

Il y a plus court aussi jusqu’au Régent mais c’est le trajet que je préfère.

Parce que le port est devenu un vestige à peine tiède, décoloré, presque anesthésié.

Vite, profiter encore un peu des hangars gris, longer les entrepôts au bord de l’eau, se laisser bouger par les courants d’air, deviner près des filins le cri des voix anéanties.

Surtout, peser chacun de ses pas sur ce domaine massacré.

Car les nouveaux conquérants débarquent et s’installent et rêvent à voix haute de fortune en bord de mer.

Accent pointu, costumes larges, attaché-case, anglais courant souhaité.

Des casinos et des bureaux à la place des bateaux.

Par milliers de mètres carrés. Les plans sont déjà prêts.

Plans sociaux et plans fonciers.

Un troisième millénaire pépère s’avance au rythme du dollar et des croisières.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #10

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“ Vous avez du miel au bout des doigts. Venez me rejoindre au Régent. Je vous attendrai chambre cent. “

A peine envolé le dernier morceau de la soirée, “ I didn’t Know about you “ – c’est toujours avec Monk que je prends congé – je décachète le billet bleuté. L’écriture est souple et délicate, mystérieuse et assurée.

L’inconnue n’a laissé ni signature ni prénom mais ses derniers mots sonnent comme un aveu : “ Ne vous éternisez pas après Thelonius… “.

La gourmande est une habituée du piano-bar.

Dans moins de dix minutes, je saurai si mes doigts ne tremblent pas.

(à suivre)

Le rideau est tombé sur « Marseille rouge sangs » à Avignon

Après douze représentations de Marseille rouge sangs au Bar culturel de l’Angle, dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon, les comédiens de Base Art Compagnie, Laure Bruno, Frédéric Chiron et Paul Bruno, sont rentrés à leur(s) maison(s). Ils vont d’abord se reposer un peu avant de reprendre la route. Dès mercredi-soir, Base Art Compagnie retrouve la scène au camping Bélézy de Bédoin (84) pour une représentation de son spectacle La Sorcière du placard aux balais, une adaptation du célèbre conte de Pierre Gripari. Dans les mois qui viennent, le trio a prévu de se retrouver pour travailler avec le désir de porter sur scène d’autres nouvelles de mon recueil. Bonheur immense d’avoir pu savourer plusieurs fois leur spectacle. L’ai reçu comme un magnifique cadeau. Très touché par la passion qu’ils ont déployée pour incarner les personnages de mes textes et ce faisant leur offrir une seconde vie. Bien évidemment je reste en lien avec eux et vais suivre à la trace les prochaines escales de leur Marseille rouge sangs. Les prévues comme les non-encore fixées.

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Du miel au bout des doigts #9

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Lisa ne les supporte pas, ne leur parle pas, ne les sert pas.

Lisa les expulserait si elle s’écoutait.

Mais ce soir, ma malgachine a la tête ailleurs.

Elle surveille la pendule et m’ignore depuis l’engatse du billet.

Même le tempo de mon “ Love you madly ”, à l’instant, ne l’a pas happée de son indifférence.

J’ai bien tenté de l’arraisonner en improvisant un “ Lover Man “ vigoureux façon Petrucciani, Lisa ne s’est pas déroutée de ce fil ténu et tendu qui la soutient pendant des heures du comptoir aux tables et des tables au percolateur.

J’ai eu envie de ses lèvres et de ses dents contre mes mains.

Lorsque la petite aiguille s’est effacée au creux de la grande, je l’ai aperçue au pied du porte-manteaux, en grande discussion avec Mado.

Ensuite, Lisa s’est enroulé les cheveux dans son keffieh et elle a filé sans se retourner.

(à suivre)