Du brouillard sur les quais délaissés et au pied des grues rouillées.
Sur le Chemin de la Vigie, je longe les ateliers éventrés, vidés de leurs machines.
J’avance en terrain de connivence. Quinze ans à réparer les bateaux, ça donne quelques repères.
Il y a plus pittoresque mais je déteste les cartes postales.
Il y a plus court aussi jusqu’au Régent mais c’est le trajet que je préfère.
Parce que le port est devenu un vestige à peine tiède, décoloré, presque anesthésié.
Vite, profiter encore un peu des hangars gris, longer les entrepôts au bord de l’eau, se laisser bouger par les courants d’air, deviner près des filins le cri des voix anéanties.
Surtout, peser chacun de ses pas sur ce domaine massacré.
Car les nouveaux conquérants débarquent et s’installent et rêvent à voix haute de fortune en bord de mer.
Accent pointu, costumes larges, attaché-case, anglais courant souhaité.
Des casinos et des bureaux à la place des bateaux.
Par milliers de mètres carrés. Les plans sont déjà prêts.
Plans sociaux et plans fonciers.
Un troisième millénaire pépère s’avance au rythme du dollar et des croisières.
(à suivre)