Du miel au bout des doigts #3

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Le problème avec Lisa, c’est sa jalousie aiguisée comme un Laguiole.

Elle ne supporte pas que les clientes me tournent autour et m’invitent à prendre un verre après le service. Aussitôt, les larmes la possèdent et dès que la caisse est bouclée, elle file s’enfermer dans son studio. J’ai beau lui répéter à travers la porte que c’est elle ma gâtée, ma préférée, mon caramel, Lisa se met minable. Je ne dois pas être assez convaincant. Pourtant, un double whisky avec madame avant le dodo, je trouve qu’il n’y a pas mort d’homme, moi.

(à suivre)

Marius fait le pitre

Peut pas s’empêcher parfois de produire des onomatopées, mon fils. Ça ne m’amuse pas tout le temps, mais bon, là, ça m’a fait sourire. Il aime bien faire le pitre, Marius. J’aimerais bien qu’un jour il s’essaie au théâtre. Je crois qu’il en a les dispositions. Mais bon, le choix lui appartient et lui appartiendra.

Du miel au bout des doigts #2

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Lisa me prend pour un émigré cubain. A cause de mon béret vert-olive, de ma peau mat et de mon faux air caribéen. Petite erreur de feeling mais je lui ai tout de suite pardonné. Le rhum et le citron vert la rendent très douce ma malgachine et si généreuse une fois notre journée terminée.

Je la trouve encore plus délicieuse depuis qu’elle vient me caresser les doigts lorsque je m’assieds à mon Steinway. Elle approche ses cils de mes joues et d’un sourire, me glisse qu’un petit massage ne me fera pas de mal.

– “ Ca va même vous porter bonheur, senor havanero ! “.

Lisa me parle souvent espagnol. Elle a des mains d’accoucheuse et le bout des doigts bombé comme un dé de couturier.

La tête contre son épaule, je me laisse masser de la paume aux ongles. Pour saupoudrer la valse de ses pouces, elle m’offre aussi un zeste de son souffle teinté de Cuba Libre . Je le savoure, silencieux et apaisé.

(à suivre)

À Avignon, Laure Bruno joue « Andoni et Léa »

C’était hier après-midi au Bar Culturel de l’Angle, à Avignon. Laure Bruno dans le rôle de Léa, fille d’Andoni, héros de la Guerre d’Espagne. Émouvante et sensible interprétation du personnage, tiraillée entre son amour pour son père et la détestation de celui qui l’ignore et ne pense qu’à lui et à construction de ses avions. Extrait de l’une des scènes du spectacle que Base Art Compagnie donne jusqu’à dimanche prochain 27 juillet dans le OFF du Festival d’Avignon, à partir de trois des treize nouvelles de mon recueil Marseille rouge sangs publié aux Éditions Parole : Du miel au bout des doigts, L’affaire de ma vie et donc Andoni et Léa. Y ai assisté avec mes enfants. Reviendrai samedi aux côtés de ma compagne, si heureux de voir l’existence de ces personnages prolongée sur scène. Laure Bruno, Paul Bruno et Frédéric Chiron leur donnent vie et les installent dans une dimension qui me touche, me séduit et me plait beaucoup. Je reçois leur spectacle comme un immense cadeau. Remerciements à eux ainsi qu’a Dominique Lhotte, la patronne du Bar culturel de l’Angle, investie depuis des années dans le OFF du Festival.LaurePaulBruno

Paul Bruno joue Oscar, pianiste de jazz dans Du miel au bout des doigts

LaureFredChiron

Frédéric Chiron dans le rôle de Pierrot, journaliste licencié et reconverti en nettoyeur de pierre tombales dans L’affaire de ma vie

 

Du miel au bout des doigts #1

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Du miel au but des doigts est l’une des treize nouvelles de mon recueil « Marseille rouge sangs » publié l’an passé aux Editions Parole. C’est aussi l’un des trois textes du livre adaptés au théâtre par Base Art Compagnie et joués jusqu’au 27 juillet dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon. Le spectacle est accueilli par le Bar Culturel de l’Angle.

Je baignais en plein “ Chloé meets Gershwin ” lorsque Lisa est venue me tendre un petit billet bleuté et parfumé en me chuchotant, la bouche tordue:

– “ Encore une cagole folle de toi, Oscar ! ”

Du regard, je lui ai montré le rebord du Steinway. Elle y a déposé le papier cacheté et s’est éloignée furieuse vers le comptoir du piano-bar.

Lisa c’est ma serveuse préférée. Une de ces métis sensas qui swingue et suce comme une Rolls. Douce et dingue mais peu docile. Idéal pour ne pas se lasser.

Trois mois que nous nous connaissons, depuis mon arrivée à la “ Vierge Dorée ”, la cave à jazz la plus en vue de Marseille.

Le premier soir, dès que je me suis installé au piano, j’ai senti ses yeux violets posés sur ma bouche, là, tout contre mes lèvres.

– “ Un petit Mojito senor Oscar ? “

(à suivre)

L’éducation est un placement pour l’avenir / Barcelona #8

Juste à côté de l’immeuble où nous résidions avec Marius, sur le chemin de la boulangerie et du marchand de légumes, une école avec terrain de sport, fréquentée par de jeunes enfants joyeux. Sans doute l’équivalent de nos centres aérés. De l’autre côté du pâté de maison, cette banderole apposée à l’entrée de l’école

éducation

À Barcelone comme partout en Espagne, la crise n’épargne bien évidemment pas le système éducatif. Les petits ciseaux barrés symbolisent le refus des coupes sombres opérées depuis 2012 par le gouvernement espagnol, impitoyable adepte du néo-libéralisme.

 

Livres de ma vie / Calligrammes #3

CalligrammespageavectitreUn poème en forme de cheval. De buste de cheval plus précisément, dont la jambe droite piaffe élégamment. Toujours eu peur des chevaux mais là, ce poème-dessin m’enchanta dès sa première lecture. Une ode courte à la poésie. À la nécessaire beauté de la poésie. Une invitation à oser les vers et les rimes. Oser l’enchantement des mots posés sur la page. Ou l’écran…

 » Homme vous trouverez ici

une nouvelle représentation

de l’univers en ce qu’il a de plus

poétique et de plus moderne

 

homme homme homme

homme homme

 

Laissez-vous aller à cet art

où le sublime n’exclut pas le charme

et l’éclat ne brouille pas la nuance

c’est l’heure ou jamais d’être sensible

à la poésie car elle domine

tout terriblement  »

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918)

L’attente devant le Teatre-Museu Dalí à Figueres, puis la découverte

Je ne voulais pas manquer cette visite à Figueres. Surtout, je tenais à montrer à Marius ce musée dédié à l’artiste catalan, après avoir visité à Barcelone le Museu Picasso. Un accordéoniste nous a aidé à patienter en longeant l’Église Sant Pere parmi des visiteurs – étrangers comme nous pour la plupart – et puis nous avons pu accéder au Teatre-Museu, édifié sur le site de l’ancien théâtre municipal. Incendié par les troupes franquistes, laissé à l’abandon jusqu’en 1974, il fut restauré ensuite par Salvador Dalí, aidé par la mairie de Figueres et donc transformé en ce Teatre-Museu exceptionnel de beauté et de richesse, empreint de tout l’amour que le peintre avait pour sa compagne Gala. La visite a plu à Marius. Il a trouvé que Dalí avait « beaucoup d’imagination ». Ce qu’il a préféré, ce sont les œuvres les plus figuratives, les plus réalistes. Les horloges molles et les flûtes de pain sur les têtes des statuettes l’ont amusé. Sûr que nous n’oublierons pas cette promenade ensemble au cœur du génie de l’artiste de Cadaqués.

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Livres de ma vie / Calligrammes #2

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Les vers de ce sublime poème d’amour dessinent le visage de la bien aimée. L’ai découvert tout jeune, à l’époque de mes premières amours tenues au secret par timidité. Ou bien parce que c’était sans doute plus fort encore de les taire et de leur préférer la beauté des lettres ainsi posées sur la feuille. Plus fort peut-être de s’attarder un instant sur les sons de ces mots à peine murmurés face à la fenêtre de ma chambre qui donnait sur la mer. J’ignorais à l’époque que ce texte figurait dans le recueil Poèmes de la paix et de la guerre, écrit par Apollinaire entre 1913 et 1916. La tragédie absolue de la Grande guerre vint en moi plus tard. Lorsque ma grand-mère raconta que son promis n’était jamais revenu du front.

 » Reconnais-toi

Cette adorable personne, c’est toi

Sous le grand chapeau canotier

Œil

Nez

La Bouche

Voici l’ovale de ta figure

Ton cou Exquis

Voici enfin l’imparfaite image de ton buste adoré

Vu comme à travers un nuage

Un peu plus bas c’est ton cœur qui bat « 

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918)