
Quitter Shanghai sous la pluie
et en l’espace d’un demi jour
te voilà de retour
là où il fait froid
le nez bouché
même sans clore les yeux, tu laisses te rejoindre les visages et les paroles
les couleurs et les sons qui peignaient tes journées
garder aussi chaque odeur vivace
tenter de
garder les parfums qui flottaient dans l’air
essayer de
les parfums de là où tu fus tout ce temps
là qui est déjà là-bas
et qu’aucun clic sur aucune touche ne pourra ressusciter
ni aucune photo
se résoudre à l’impasse
tu voudrais tant pourtant
pauvre voyageur
tu rêves d’une écriture parfumée, de pages qui hument, de livre aux senteurs teintées de ce lointain
se contenter d’une liste de mots :
coriandre, grésil, peinture fraîche, feuillages pourris, raviolis fumants, poubelles égarées, gaz d’échappement, friture d’insectes, huile de vidange, roses des ruelles, fumier épandu, cloaques abandonnés, café au lait, canard laqué, toilettes publiques, merde, pisse, lessive en plein air, coquettes demoiselles, brochettes de chenilles, terre retournée, encens à l’entrée des temples, vieux pieds, vieux pets, menthe sauvage, tas de gravier, macadam mouillé, poissons séchés, tabac froid, carcasses à mouches, poulets en cages, maïs grillé, écrevisses au piment, étals de fruits, crayon taillé, encre de Chine, thé noir fumant, couronnes de jasmin, bol de riz blanc, osmanthus …
renifler encore, profond, sans qu’une seule seconde ton nez se débouche
accepter l’impossibilité d’écrire odorant .