Au Flamenco Bar
chacun est libre
de jouer ou d’écouter
le professeur et son élève
partagent leur vie
et leur passion du flamenco
en ce lieu aux murs tout blancs
petit et bondé
repère discret et réputé
des aficionados de leur art
Au Flamenco Bar
chacun est libre
de jouer ou d’écouter
le professeur et son élève
partagent leur vie
et leur passion du flamenco
en ce lieu aux murs tout blancs
petit et bondé
repère discret et réputé
des aficionados de leur art
Sur son orgue doré
le virtuose offre
Bach à Murillo
une brillanteToccata et fugue en ré mineur
le chef d’œuvre de Jean-Sébastien Bach
pour célébrer les quatre-cents ans
de la naissance ici du peintre baroque
Bartolomé Esteban de son prénom
vénéré par Séville
comme son aîné Velásquez
privilège d’assister
au concert-hommage
donné en l’église toute en dorures
de l’Hospital de los Venerables *
le virtuose
Padre José Enrique Ayarra
est depuis bientôt un quart de siècle
organiste titulaire de la Giralda
la monumentale cathédrale sévillane
ce grand maître de l’orgue
a donné plus de mille concerts
dans trente deux pays
* jusqu’au deux avril
l’Hospital de los Venerables
accueille une expo dédiée
aux deux peintre enfants de la cité
Illustration de ci-haut : La Vierge de l’Immaculée Conception – Murillo
Font la fête entre femmes
avec à gogo
alcool et flamenco
https://soundcloud.com/ericschulthess/yo-soy-gitano
le rendez-vous des copines
ce bar du quartier
Las Alamedas de Hercúles
décompressent ensemble
après longue semaine
boulot casa minots
ne sont pas les seules à Séville
à s’escaper ainsi le samedi
pour retrouver l’ambiance
du temps où leur vie
ne s’écrivait pas encore
avec chéri ou mari
Les yeux lancés vers avril
s’entraînent dur
les porteurs de pasos
https://soundcloud.com/ericschulthess/les-costaleros-a-lentrainement
à trois semaines de l’ouverture
de la Semaine Sainte
croiser dans Séville
à l’approche du soir
les costaleros en plein effort
les écouter racler semelles
sous leur gigantesques autels
pour l’instant ni Christ ni Vierge dessus
mais le paso pèse son poids de bois
et il faut à chacun
régler son pas
accorder son rythme
avancer en harmonie
guidé par un pilote
de la même confrérie
se poser un peu parfois aussi
et repartir jusqu’à la tombée de la nuit
Sur l’avenue bruyante –
son offrande,
des Nocturnes de Chopin
Il a appris le piano en solo
Francisco
à peine un peu plus de trois ans
quelques cours quand-même
depuis janvier
désire en vivre
passe des heures sur son piano droit
chez ses parents où il demeure
parfois les voisins s’agacent
alors il sort
le soir
et vient s’installer
Avenida de la Constitución
en face de la station de tramway
Archivo de Indias
Francisco joue Chopin
Nocturne N° 20
s’en émerveille
dans la housse de son instrument
tombent les pièces
pas une fortune
mais ne se plaint pas
et lorsque la ville se fait silencieuse
il s’arrête
donne quelque monnaie
au sans domicile voisin
et retourne d’où il vient
reviendra demain
Dans leurs costumes d’époque
ils chantent pour
quatre sous espagnols
tradition vivace ici
les Tunas regroupent des étudiants
le soir
se promènent de bar en bar
avec leurs instruments
et offrent chansonnettes
en échange de quelques pièces
sur leur poitrine en travers
une beca
large bande aux couleurs de leur université
le vert sur celle de ceux-ci
raconte qu’étudient
vétérinaire ou pédagogie
au Cafe-Bar La Teresas
ces Tunos m’ont sorti
du labyrinthe empreint de passion
de nostalgie aussi
des affiches et photos
dédiées à l’aficion
Près du Guadalquivir
les rameurs ignorent
les bateaux à touristes
Un fleuve ça n’est pas la mer
mais la promenade ouvre aussi l’horizon
sur les deux rives de la ville
les unit et les sépare
les rassemble et les éloigne
Séville touristique d’un côté
fière de son histoire multi millénaire
où tinte sur les pavés
le clac clac des sabots
des chevaux en calèches
et où résonne en bord de fleuve
ces pasos dobles qui invitent
à se promener sur l’eau
en face Triana
quartier populaire
fier de ses artisans d’azulejos
Triana amoureux de ses toreros
même si c’est sur l’autre rive
que se pressent les aficionados
à la monumentale Maestranza
la Plaza de toros
lorsqu’arrive l’heure de la Feria
la Maestranza où trône Curro Romero
le Pharaon statufié en bronze
non-loin de l’hommage à un autre maestro
Wolfgang Amadeus Mozart
Patientent et pleurent parfois
pour baiser le pied
du Christ éploré
Me suis toujours senti en paix
dans les lieux de prière du monde
le temps d’un voyage
d’un court passage
je range dans ma gorge
tous les mots durs
que souvent j’adresse à Dieu
quel que soit le nom que lui donnons
je laisse de côté ma colère
face à son laisser-faire
devant la barbarie des hommes
et je me mets à l’unisson
des croyants rassemblés
inondée de ferveur
la Basilique de Jesús del Grand Poder
avec tout au fond du chœur
son Christ éploré en bois foncé
protégé d’une paroi translucide
avec juste un espace dédié
aux baisers sur son talon
le Besapié
après la messe
célébrée par Carlos Amigo Vallejo
le cardinal de Séville
ai saisi d’autres baisers offerts
à la Vierge del Mayor Dolor y Traspaso
puis suis rentré dans la nuit
adresser un baiser
à Dame Lune
en méditant sur son dénuement
ses dorures fugaces
son inquiétante noirceur
chaque mois
et sa lumière bienveillante
que j’espère éternelle
Ses journées entières
à sillonner parcs et rues
le flûtiste basque
https://soundcloud.com/ericschulthess/le-flutiste-basque
Miguel est guitariste
c’est son métier
chaque matin
avant d’aller gagner sa croûte dans les rues de Séville
il prend le temps de parfaire son jeu de flûte
au creux des bosquets
sous les grands arbres
des Jardins de Murillo
Vingt ans que Miguel a quitté Bilbao
pour s’installer ici
en Andalousie
doux exil
chaud exil
de Séville, il dit
qu’il est tombé amoureux de sa lumière
de sa foi palpable
de ses orangers
de sa nature préservée
malgré le trafic qui obscurcit un peu
les notes tirées de sa flûte andine
De Séville il dit aussi
qu’elle est une œuvre d’art
tournée surtout vers le passé
que l’ambiance de fête
de convivialité
cache souvent
en profondeur
l’individualisme des Sévillans
difficile de s’y faire des amis
doux exil
chaud exil
amer exil
et pourtant
Miguel confie qu’il finira sa vie ici
car c’est dans cette ville qu’il se sent le plus libre
Dans la chaleur de mars
lavent et frottent les marches
du Palais géant
Séville
déjà le printemps ici
Séville et ses pavés poudrés
d’ocre et de bistre
ses orangers offerts aux oiseaux
cette lumière teintée d’or et de blanc
aux murailles maures et aux façades des maisons
Séville
ses Gitans cochers
ses guitaristes en liberté
et ses femmes de ménage
écrasées de chaleur
solidaires et bavardes
aux marches du Palais
de la Plaza de España