Dresser l’oreille
juste avant les éclairs
dans la moiteur de l’air
ma rue est un concert
piano, violon et hirondelles
encore quelques mesures
et le tonnerre approche
la féerie du matin
s’enfuit le long des murs
je reviendrai demain
Dresser l’oreille
juste avant les éclairs
dans la moiteur de l’air
ma rue est un concert
piano, violon et hirondelles
encore quelques mesures
et le tonnerre approche
la féerie du matin
s’enfuit le long des murs
je reviendrai demain
Rêver d’orage
deviner le sombre
masqué par le doré
laisser grandes ouvertes les fenêtres
à peine clore les volets
laisser retomber le poids des heures
leur fureur comme leur vacuité
s’allonger et fermer les yeux
écouter le tonnerre approcher
l’entendre passer aux ras des toits
comme un avion de guerre
attendre un orage de paix
Plus rien à lire ici
plus rien à découvrir
plus rien à écouter
sinon le frôlement fugace
des passants silencieux
des enfants pressés
il fait si chaud que mes heures défilent
à siester à l’aplomb des maisons
grand temps que reviennent les saisons
des journées fraîches
des passants bavards
des enfants étonnés
des livres palpitants
Juste en face est un nid
tout seul
tout rond
sous le toit bâti
dès l’aube il émet les cris
lancés par la petite hirondelle
à sa mère déjà partie
vers le ciel et ses insectes
je guette son retour fugace
quelques secondes à peine accrochée
pour donner la becquée
puis repartir sans tarder
j’aime quand elle virevolte
et trace de son ventre blanc
ses fugaces calligraphies
arabesques gorgées de vie
elle plane au-dessus des toits
jusqu’au crépuscule gris
où peu à peu s’efface et s’oublie
la déchirure de son cri
hirondelle du toit d’en face
reste encore un peu avec moi
le temps que ton petit s’envole
de ce nid rond comme une nasse
pourvu que bientôt reviennes
lorsque l’été s’éteindra
j’attendrai tout le temps qu’il faut
pour contempler tes ébats
Jamais ne vous arrêtez
joyeuses hirondelles
le tournis toujours me donnez
à tire d’ailes
j’entends là-haut vos tout petits
les becs offerts
criez criez donc les chéris
un jour aussi fendrez l’air
prisonnier de la pesanteur
je vous envie
jamais ne vivrai le bonheur
de frôler vos nids
hirondelles des matins clairs
jamais ne cessez de voler
que monte vers vous ma prière
pour l’éternité
L’été m’a donné des ailes
me suis échappé de la mer
et suis remonté vers le nord
porté par des flots d’air brûlant
parvenu en rivage de Seine
me suis posé près de l’eau
où flottaient bateaux par centaines
tous en papier, blancs et légers
vers où voguez-vous coquilles frêles
si loin encore est l’océan
votre appel à la mémoire vive
rend hommage à tous les migrants
l’été jamais ne soulage
ni la douleur du souvenir brûlant
de ceux qui en mer disparurent
ni le deuil de tous les survivants
C’était hier la Journée mondiale des réfugiés
Toujours pareil lorsqu’arrive l’été
filer dès que possible tout près des vagues
respirer
se laisser terrasser par la chaleur
et lui faire un pied de nez près des galets
en disparaissant sous le bleu
une fois en dessous
se souvenir des étés d’enfance
passés à cuire sur les rochers
et à plonger
souvent
vers le fond
là où se promenaient encore crabes et poissons
toujours pareil lorsque filent les saisons
se réfugier sur un coin de passé
et mesurer que rien n’a vraiment changé
malgré les plongeons vers le fond dépeuplé
Pour Manoli et Jesús
nos amis espagnols
ce petit poème écrit en terre d’Aragón
Lejos de las golondrinas
que vuelen con ligereza
crecen tantas amapolas
con su rojo de esperanza
pasa y pasa siempre el tiempo
siempre nos vamos en cariño
aunque estemos lejos
como son las golondrinas eternas
y las amapolas rojas .
Loin des hirondelles
qui volent avec légèreté
poussent tant de coquelicots
teintés du rouge de l’espérance
passe et passe le temps toujours
restons toujours en affection
même si éloignés vivons
comme les hirondelles éternelles
et les rouges coquelicots .