Dans le grand parc de la Place du Peuple il finit sa nuit qui ne fut pas une nuit
a dû arriver ici dès l’ouverture
pour se poser près de l’étang aux lotus
les yeux engourdis de misère
deux balluchons accrochés à une large tige de bambou pour seul bagage
il grignote un bout rassis de mán tou 馒头 petit pain cuit à la vapeur
se gratte la tête chasse ses poux à coups d’ongles secs
puis écoute la ville s’agiter au-delà des arbres que d’autres humains embrassent pour leur gym du matin
a dormi où a grelotté où sous quel pont sous quelle voie rapide
où a-t-il pu se nicher pour prendre sa part de rêve et de repos
qui l’a donc chassé un jour et chassé encore de quel lieu de la ville
dans quelle usine a-t-il été indésirable
banni du jour au lendemain renvoyé sans un mot ni un yuan
le matin avance sur Shanghai
pour une fois avec le soleil
de sa tiédeur le vagabond se délecte les yeux clos
puis se relève s’étire et les mains jointes
semble prier pour l’avènement d’un nouveau printemps.