Hiver #2 Lune et rêve de paix

Si lointains, si proches sommes. Leitmotiv de ces jours derniers, d’où que nous ayons osé contempler la lune et ses escapades, de la cime des pins jusqu’à la mer, du fond des campagnes jusqu’au creux des villes. Lointains, les horizons partagés. Proches, les espérances murmurées les yeux dans les yeux ou devant l’éternel vide du ciel. Bientôt évanouies les notes joyeuses de la fête. Tenter de mesurer la distance qui nous sépare encore et toujours de nos rêves de justice et de paix.

L’hiver se faufile en douce entre deux éclats de lumière. Sois la bienvenue, saison du ralentissement ! Il paraît que tes oripeaux de froidure vivifient le sang tout autant qu’ils le glacent face à la « saloperie du monde », comme l’écrivait Jean-Claude Izzo. Jusqu’à l’an nouveau, continuer de serrer les dents, ravaler sa colère, faire le dos rond. Ensuite, il sera grand temps de songer à réchauffer nos âmes.

Gymnopédie 1 de Erik Satie – Gautier Capuçon, violoncelle – Orchestration de Jérôme Ducros

Hiver #1 Oiseaux et bain de mer

Entamer l’hiver nouveau auprès des oiseaux, près de la mer et du long étang où quelques pêcheurs tuent leurs heures, ignorés des canards et des poules d’eau. M’extirper des espaces de la ville où suintent la claustrophobie et la phobie tout court. Mesurer mon incapacité à nommer les êtres qui volètent et s’agitent autour des barques. Me contenter de suivre leur ballet et de savourer l’acidité de leurs petits cris. Ne comprendre rien de rien à un langage vivifie l’humilité, nourrit l’imagination, excite la curiosité.

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« Pourquoi les oiseaux chantent » Dévorer cette petite merveille de livre – recommandé par mon libraire – et en ressortir sans voix devant le profond mystère de la création. Noter que les oiseaux chantent parce qu’ils s’aiment, se haïssent et voyagent. Retenir que pendant la Grande Guerre, Jacques Delamain tint son Journal d’un ornithologue. Extrait : « Les Moineaux piaillent, pendant que le bruit des 75 déchire l’air. Le Rossignol de muraille fait entendre sa note triste. Un 77 allemand tombe à une cinquantaine de mètres du bureau. Un Merle chante dans le lointain. Une Hypolaïs polyglotte chante sous le départ des coups de 90. Je remarque pourtant qu’une interruption de deux ou trois secondes a lieu aussitôt après la détonation, mais pas toujours. Par contre, une Fauvette des jardins ne suspend pas sa petite strophe commencée sous un coup de 90… » Delamain offre une initiale majuscule à chacun des oiseaux observés. Respect.

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Le premier soleil d’hiver étire les secondes et lance quelques poignées de lumière en plus. Oser un bain de mer. Nager sans compter les minutes. Interroger un souvenir lointain : mes cheveux dans la mer. Le confronter au présent : mon crâne nu entenaillé d’eau frisquette. Tirer la langue au temps qui file, aux saisons qui défilent et replonger sans retenue. Face à l’horizon, tenter de visualiser le rallongement des jours vers le printemps. Déjà.