Sur la mer du soir
Les ultimes coups d’ailes
Avant les grands pins
Iboly, par Mitsoura
Il y a des partages comme ça qui font tellement plaisir ! Je vous raconte. Sur le coup de cinq heures de l’après-midi hier, mon ami Bernard Seignouret y va de son petit post joyeux sur X (ex Twitter) : « Vé ! Balèti à la Bédoule ! » , accompagné de cette photo de l’un des musiciens du groupe Bagalenti Chapacan, basé à Saint-Zacharie, dans le Var.
Balèti ! Ce mot entendu souvent à Bauduen dans mon enfance me donne envie de sentir l’ambiance, de découvrir avec du son à quoi il ressemble. Je le dis à Bernard. Ni une ni deux, il fait chauffer l’enregistreur et m’envoie deux extraits de cette musique. En les mesclant, j’ai esquissé quelques pas de danse !
Régalade, non, cette mescle d’accordéon diatonique, de vielle à roue , de fifres et de tambourins ? Elle est bien dansante, pas vrai ? Ce balèti, Bagalenti Chapacan est venu l’animer à l’invitation de La Respelido Bedoulenco, une association qui à Roquefort La Bédoule se consacre à la promotion de la langue et de la culture provençales, grâce entre autres à des concerts, des balètis, des ateliers de danse et des cours de lengo nostro. Gramaci à elle et à mon ami Ber !
Photos @Bernard Seignouret
Oui, je sais, je suis un peu fada de me baigner un 20 novembre dans une eau à 15 degrés. Mais que voulez-vous, chaque fois que je reviens au quartier, à Marseille, les rochers et la mer me tendent les bras et je ne peux résister. Je suis même sûr que je viendrais prendre le bain tous les jours si j’y vivais encore. En sortant de l’eau, il faisait encore bon et tout en me séchant, j’ai bavardé un court instant avec un homme qui patientait au bord de l’eau, le temps que son collègue lui trouve ses lunettes de nage perdues dans les flots. Figurez-vous que cet homme, m’a fait une drôle de révélation.
Papa fut instituteur de la République jusqu’en 1988, à l’école de La Roseraie, rue Pierre Mouren, dans le 7eme arrondissement de Marseille. S’il vivait encore, il se souviendrait à coup sûr de son élève Serge, souriant enfant d’Endoume devenu pâtissier.
Maman écrivait, oui. Je vous le racontais ici l’autre jour. Aujourd’hui, envie de partager ce court poème que lui inspira un souvenir ancien.
L’orage
Nuage noir zébré de feu, colère des cieux
Visage sombre, mains levées, poings fermés, tables renversées, vaisselle cassée,
Les larmes coulaient
C’était dans le temps mais encor j’entends, mais encore je vois, quand l’orage est là. Lucette
Cette image a été conçue par l’artefact génératif DALL-E. Aurait-elle plu à Maman ?
(à bientôt !)
Maman écrivait, oui. Au crayon noir, au stylo bille, à la main la plupart du temps. Elle aimait lire mes histoires – je les lui envoyais régulièrement par mail pour savoir si elles les jugeait dignes d’intérêt – et elle appréciait d’inventer les siennes par écrit. Maman fréquenta même pendant des années des ateliers d’écriture – à Marseille et à Bauduen – à soixante-dix ans bien sonnés. Poèmes, haikus, textes courts, histoires cocasses, rêveries surréalistes, récits teintés de souffrance, pieds de nez à la mort, elle se lançait avec désir sur de multiples pistes. Elle prenait plaisir à créer des situations et des ambiances. Elle consignait aussi des citations. Maman n’écrivait pas dans des carnets, non. Rien que sur des feuilles volantes au format imprimante ou feuilles volées, arrachées à des cahiers d’écolier. En mettant un semblant d’ordre dans les rayons de ma bibliothèque cette semaine, j’ai retrouvé trois pochettes avec dedans des enveloppes plastifiées garnies des écrits de Maman. J’ai tout lu, le cœur battant, et je me suis souvenu que sa calligraphie aussi était jolie. Serait-elle heureuse de découvrir que je vais publier quelques-uns de ses écrits dans ce carnet-ci ? Je crois bien que oui. C’est ce qu’il m’a semblé qu’elle me glissait à l’oreille l’autre nuit, lorsque nous avons bavardé un petit moment en souriant et rêvant ensemble comme au bon vieux temps.
Celui que j’ai vu
Ce matin-là en ouvrant tout grand les doubles volets du séjour, grimpait prestement le long du sapin enneigé : je l’ai suivi des yeux sauter de branche en branche jusqu’à la cime ; des copeaux de neige tombaient lourdement à son passage et s’écrasaient sur le sol. Quand il a disparu j’ai regretté de l’avoir dérangé ; il devait avoir repéré quelque graine sous l’arbre, autour du tronc encore herbu ; il s’y était précipité peut-être pour les emporter dans un coin de son nid ; je ne savais pas à quelle période les écureuils ont des bébés et la tristesse s’est mêlée au plaisir du spectacle. C’était le jour de Noël et je n’avais encore jamais vu la neige. Des écureuils, j’avais l’habitude d’en voir ; ils avaient même l’audace de laisser tomber des coquilles de noisettes sur nos têtes ; c’était à la fin de l’été, quand ma mère et moi tricotions assises dans cette allée de noisetiers si ombragée. J’ai refermé la fenêtre, me suis cachée derrière les rideaux et attendu longtemps, espérant le voir redescendre accomplir son précieux travail. Ce matin-là il n’est pas revenu…
Lucette
Maman aurait sans doute souri devant cette image conçue par l’artefact génératif DALL-E. Jusqu’à la fin de ses jours, elle se plut à naviguer sur la toile depuis son ordi. Je suis sûr qu’elle se serait bien amusée elle aussi à bidouiller pour créer des images virtuelles.
(à bientôt !)
La semaine passée, nous étions à Marseille en compagnie de Dédée, l’une de nos amies très chères. Dédée et sa douceur, sa gentillesse, son sens de l’humour, sa gourmandise. Dédée et ses bientôt 93 printemps. Cet été, elle nous avait confié l’un de ses plus grands rêves : connaître Marseille et ses calanques. Avec Chantal, mon épouse, nous savons bien que les rêves, il faut toujours oser les réaliser. Alors, ni une ni deux, nous avons organisé un petit séjour dans ma ville natale. Les Goudes, Callelongue, la Bonne Mère, Cassis, et j’en passe. La Maison Empereur et le couscous de chez Saf Saf, un petit programme bien aïolisé ! Je ne vous surprendrai pas en vous révélant que Dédée a adoré.
Une autre Dédée – la sœur de Chantal – et Josette ont accompagné leur grande copine Dédée dans ce périple marseillais. Fabienne et Thierry, ses voisins, lui ont fait la surprise de l’accueillir à nos côtés à l’aéroport. Eux aussi ont pris plaisir à découvrir Marseille. Le prochain voyage que nous partagerons ? Mystère… Nous avons prévu de nous revoir sans tarder pour en parler.
Maritima. Je vous ai mis un oiseau pour l’illustrer parce que c’est depuis ce nid-là, dans les locaux d’une petite école transformée en radio, quai Lucien Toulmond à Martigues, que tout a démarré il y a près de quarante ans. Tout = mon parcours – j’abhorre le mot « carrière » – de journaliste. C’était au temps de la liberté des ondes et des premières fréquences sur la bande FM.
Maritima, une radio libre. Ma fréquence à moi : deux après-midis par semaine pour commencer. Je venais donner la main à la petite équipe. M’imprégner, copier, oser. M’essayer au reportage. Faire mon grand curieux micro en main et magnéto à bandes en bandoulière. Assouvir mon appétit d’écoute, de tchatche et d’interview. M’initier au montage. Apprendre à choisir. Mesurer la difficulté d’éliminer. Plus tard, parler au micro, présenter les flashes d’info puis les journaux. Une émission dédiée à la généalogie aussi. Confiance totale de celles et ceux dont j’allais devenir le collègue un an plus tard. Exigence avec un grand E de mon ami Gabriel Natta – il est comme un grand frère – qui m’écoutait patiemment depuis son studio à lui : Radio Monte-Carlo, s’il vous plaît, sur la Canebière à Marseille. Toujours à l’agachon, Gaby ne manquait pas une seconde de mon travail et me proposait un retour critique. J’ai tellement appris et progressé depuis ce nid avec lui et les autres. Je me suis tellement régalé.
De Maritima je me suis envolé un jour vers d’autres radios mais je n’oublie rien de rien. Trop beau, trop précieux. Irremplaçable. Alors, quand depuis ses studios marseillais *, Laurent Coureau m’a appelé l’autre jour et proposé de venir parler de mon dernier livre « Gens de Bauduen » dans son Grand Réveil, vous imaginez bien que je n’ai pas pu résister.
J’aime souvent lancer « Aïoli ! » à mes amies et amis de Marseille comme d’ailleurs, comme un clin d’œil pour témoigner mon affection. Je l’adresse aussi à toutes celles et tous ceux qui ont fait Maritima et qui la fabriquent aujourd’hui avec passion.
En ajoutant, bien sûr, « Vive la radio ! »
*Maritima à Marseille s’écoute sur 107.2 FM
60 ans au poste ! Vous vous rendez compte ? Cette passion ressemble presque à une addiction. Ses six décennies à écouter la radio l’ont tant et tant nourri que Fañch Langoët a désiré en fabriquer un carnet d’écoute. Son journal de bord bien éclectique, parfois touchant et poétique s’ouvre sur les genoux de Mamée, la grand-mère adorée, juste avant la sieste. Fañch a quatre ans. La magie opère illico, dès les premières minutes du feuilleton échappé d’une boite d’acajou au bouton de bakélite. Cette fascination ne l’abandonnera jamais. De Radio Luxembourg à Europe Numéro 1, de France Inter à Fip, de France Culture à Lorraine Cœur d’acier, les ondes circulent, les madeleines se dégustent, le jardin extraordinaire s’agrandit. Fañch l’arpente partout, au boulot, dans le métro, au dodo, à la sieste, en voiture. Pas un lieu qui soit épargné par l’écoute passionnée. De jour comme de nuit. Feuilletons, émissions quotidiennes, documentaires, créations sonores, les rendez-vous sont autant de trésors qui tissent son lien charnel avec la radio. Voici comment il raconte dans son journal d’auditeur l’une de ses plus belles pépites, intitulée « La gloire de mon père », tiens tiens…
L’été avec Pagnol, les portraits sensibles de Kriss la divine, le Pop Club de José Artur, les Nuits magnétiques d’Alain Veinstein, la Marche de l’histoire de Jean Lebrun, les documentaires sonores de Yann Paranthoën, les matinales de Philippe Caloni, Pollen de Jean-Louis Foulquier, tant de moments de grande et belle radio peuplent ce carnet d’écoute, rythmé par Dylan, les Who, Ferré ou Béranger. À le feuilleter et le savourer page après page, je me suis pris à imaginer que ce livre puisse se transformer un jour, qui sait, en véritable œuvre radiophonique.
60 ans au poste – Journal de bord d’un auditeur est publié aux Éditions L’Harmattan
Depuis juillet 2011 sur internet, Fañch Langoët a publié 2430 chroniques sur la radio : RadioFañch