Juste assez

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Un jour peut-être approcher de la cime essoufflé juste assez pour braver le chemin étonné juste assez pour mesurer tes pas à l’échelle du monde un jour peut-être chasser le vertige éveillé juste assez pour goûter l’éphémère émerveillé juste assez pour te fondre dans le paysage.

Ce miracle

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Juste avant la naissance du crépuscule il arrive que des mots s’échangent en silence d’arbre à ciel et de feuilles à lune toi aussi tu parles au chaud de ton désir que tes yeux s’ouvrent demain encore sur ce miracle.

Pauvres fantômes

Sonatine

Je les avais pourtant prévenus le clavecin est piégé n’y touchez pas mais si têtus ils sont les fantômes surtout lorsque leur désir de revanche sur les riches leur mange le cœur ils ne m’ont pas écouté les ai vus entrer dans le salon désert sentait l’amour le parfum de femme et le tabac hollandais leurs éclats de rire obscènes me claquent encore aux oreilles suis resté dehors en embuscade ai aperçu le plus vieux s’approcher de l’instrument avec une hache à la main il ne l’a pas actionnée non il a regardé ses deux acolytes en tirant la langue et au ralenti a avancé son poing vers le blanc des touches déplié ses doigts puis tenté une note avec son index et là le clavecin a craché des torrents de cailloux de poussière un tourbillon géant a pris d’assaut l’espace et les fantômes ont disparu sous les gravats dans un silence de mort.

Photo de ci-haut @RomainVeillon

Si peu

sipeu

Si peu aujourd’hui
les mots à l’arrêt
le désert
le calme plat
le vide
le rien du tout
l’infime
le silence
à peine quelques perles de pluie sur les fleurs
si peu

Le cauchemar du rescapé

baignoire

Découvert avec effroi hier-soir sur Arte.tv le documentaire Heinrich Himmler – The Decent One consacré à Heinrich Himmler chef de la SS et architecte de la solution finale ai haï encore plus fort le fascisme le fanatisme le nationalisme et dans la nuit a surgi et tourné un cauchemar que j’ai tenté d’écrire tôt ce matin

Les traces de sang ont disparu lorsque la terre a tremblé sous les bombes tombées autour du camp le souvenir des méfaits de l’homme à la tête de mort sur la casquette s’est infiltré peu à peu dans les fissures ouvertes à l’endroit même où il avançait chaque jour en riant en claquant des talons cravache en main posait ses bottes noires là juste entre les deux anneaux puis se penchait vers nous et questionnait à voix basse de plus en plus basse au fur et à mesure que les coups pleuvaient nos silences se sont enfuis nos cris se sont tus nos hurlements ne résonnent plus que dans le crâne nu de l’homme aux lunettes cerclées maintenant que le voilà tête de mort enfoncée dans la bouche empierré et ligoté aux poignées de cette baignoire où il régnait en maître il y a peu avant de quitter le camp nous avons coupé l’eau pour le dissoudre à sec dans sa honte en vain il est trop tard à présent trop tard pour entendre et accepter les pardon pardon qui résonnent jusqu’au plafond de cette salle où l’homme demeure seul à ressasser remords ou peut-être dernières volontés tandis que chaque jour qui passe depuis voit le désert envahir un peu plus la terre et le camp où je me souviens avoir été jeté piétiné ce camp où des nuits entières ai prié pour en ressortir vivant.

après le cauchemar la nausée encore la bête immonde à la tête de mort remue encore et dans ma ville en plus sans que grand monde s’en émeuve

Photo de ci-haut @RomainVeillon

Le tocsin éternellement ?

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Encore le tocsin hier matin tout près de la maison ces deux notes lancées en boucle par les cloches novembre déroule sa peine il n’y a que Bach pour me consoler m’empêcher de trop m’enfoncer sur le sentier glacé du chagrin penser aux chers disparus partis trop tôt penser à la mort à la mienne dans longtemps ce serait bien désir d’aller respirer dehors aussi de marcher vers les tombes au pied des arbres et juste avant de sortir presque par hasard mais existe-t-il vraiment le hasard tomber sur ce Tweet énigmatique de Nicolas Esse dont j’apprécie la poésie les photos de rando à vélo au bord du Lac Léman il me semble et puis l’humour décalé

Nous ne sommes pas faits pour mourir éternellement forcément je clique vers son site je lis le billet et je partage à voix haute

 

une fois le texte lu et enregistré et mixé je réalise que Nicolas Esse le publia en décembre 2014 à peine un peu plus de deux mois après le départ de Maman trop tôt envolée vers l’autre monde je suis sûr qu’elle aussi aurait été touchée par ces mots puissants ces vérités glaçantes sûr qu’elle non-plus n’aurait pas désiré mourir éternellement…

Migrants mineurs : en montagne ou en mer, même calvaire

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Journée internationale des droits des enfants ce lundi pensée forte pour ces mineurs migrants africains abandonnés en montagne il y a dix jours dans les Hautes-Alpes au Col de l’Échelle près de Briançon ai découvert leur calvaire en écoutant ce reportage poignant et révoltant de Raphaël Krafft sur France Culture

Ce reportage a été diffusé vendredi dernier dans l’émission Le Magazine de la rédaction

Ne donnez pas à la mort le droit de dire le dernier mot, lançait Erri de Luca à la Maison de la poésie en avril dernier en évoquant le sort des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Ses mots valent également pour tous ceux qui empruntent plus au nord la voie de la montagne eux aussi au péril de leur vie.

Photo de ci-haut @RaphaëlKrafft

 

Dans le Tanger de Candice Nguyen

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Il faudrait pouvoir dérouler la longue contemplation
du détroit de Gibraltar et de Tarifa :
cette Europe qui semble si proche, si proche…
combien de personnes noyées entre ses bras ?
déstabilisant le vertige ressenti ici
depuis le petit muret sur lequel nous sommes assis.

Ils résonnent fort en moi ces mots de Candice Nguyen publiés dans son Carnet tangérois me souviens que début mars à Tarifa de ce côté-ci de la mer avais marché avec mon amoureuse jusqu’au bout de la digue qui mène à l’Île des Colombes le point le plus au sud de l’Europe l’endroit où se mélangent l’Atlantique à droite en regardant la mer et la Méditerranée à gauche avec le Maroc en face juste là on touchait presque Tanger nous étions émerveillés devant ce ballet des flots avions senti aussi monter en nous de la honte devant cette Méditerranée qui pleure tant de migrants disparus noyés à quelques brassées à peine de notre continent tellement égoïste ensuite je me souviens avions hésité un moment à prendre un ferry et partir découvrir Tanger et puis non trop court pas assez de temps devant nous une journée bien trop court Tanger ne se déguste pas au pas de course alors en remontant vers Cadix et Séville nous sommes promis d’y aller sans tarder en prenant vraiment le temps cette ville magique Candice l’a arpentée l’a respirée l’a lue l’a photographiée y a écrit combien de temps est-elle restée je ne sais mais de là-bas elle a ramené un Carnet tangérois tellement beau tellement touchant que je ne résiste pas au plaisir d’en lire à voix haute un extrait Le Café à l’anglaise ça s’appelle

à Tanger irons bientôt j’espère Inch’Allah boire le thé et parler avec ces femmes magnifiques qui le tiennent en écoutant Sabâ Peşrev – Tanburi Büyük Osman Bey découvert grâce à Candice.

 

Photo de ci-haut @CandiceNguyen

 

Retrouver les chênes et les bouleaux

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Remonter vers les chênes et les bouleaux retrouver leurs écorces râpeuses et douces respirer profondément dans la fraîcheur du jour sentir ma peau se gercer bien sûr un peu moins souple qu’avant cette peau hé hé Papet le temps te travaille lui tire la langue lui envoie des grimaces en souriant puis cherche contact et parfum silencieux au pied des troncs dressés en majesté vers les cieux me souviens soudain de ces branchages contemplés l’hiver dernier à Tarifa nus dépouillés de feuilles tendus sous la lumière dorée tels des bras en prière pour que le printemps s’en revienne vite prière surtout je les ai entendus ces arbres pour que plus un seul migrant ne périsse en mer entre l’Afrique abandonnée et notre vieille et honteuse Europe presque à la nuit quitter les chênes et les bouleaux et rentrer écouter une histoire mise au chaud en début de semaine dans ma collection de podcasts l’histoire d’un fou d’arbres lui aussi.

Le fou d’arbres est l’un des trois personnages découverts dans l’émission Les Pieds sur terre de lundi dernier sur France Culture

Bach, Candice et Sama

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Pas un jour sans Bach violoncelle seul les six suites m’accompagnent en écriture Rostropovich Casals bien sûr et Queyras au jeu moins lyrique moins romantique disons davantage protestant l’écoute religieusement et l’emmène avec moi regarder les grues passer là-haut près des des traces fugaces laissées par les avions

un peu de Twitter aussi juste ce qu’il faut pour rester connecté avec celles et ceux dont j’aime la petite musique et justement hier un tweet de Candice Nguyen exilée à Montréal pour combien de temps je ne sais quand reviendra à Marseille reviendra-t-elle mystère mais savoir que tout le temps où je veux quand je veux sa merveille de site m’est ouverte

 

et donc ce tweet qui ouvre la curiosité « Un après-midi avec Sama, la DJ qui a ramené la techno en Palestine » et là je clique découvre l’interview de l’artiste dans Noisey son courage son engagement sa liberté de ton et en quelques minutes par la magie du Web passe du Québec à Ramallah en me disant que Twitter quand même c’est chouette j’écris quand même parce que souvent las me trouve devant la foire aux egos on s’aime mais surtout on aime qu’on nous aime vous me comprenez hein mais bon avec Candice c’est un autre feeling jamais déçu suis par sa curiosité sa poésie et son talent pour partager voilà à mon tour je partage avec plaisir les morceaux de Sama découverts alors que la nuit tombe ici qu’il commence à faire froid dehors moins beaucoup moins qu’à Montréal mais tellement chaud dedans comme à Ramallah cette musique c’est de la régalade.

https://soundcloud.com/sama_saad