Lève la tête

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Lève la tête
enfant de cette terre
envoie tes yeux tout là-haut
le voyage t’emmènera
vers continents nouveaux
avec ses terres d’ombres
et ses mers de lumière
ses peuplades camouflées
ses oiseaux de passage
et toujours en dessous
la bienveillance des arbres
guetteurs patients
témoins paisibles
de notre petitesse
de notre évanescence
sous les cieux infinis

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Cacarinette vole

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Ai failli l’écraser
la petite cacarinette*
elle avançait dans l’herbe
où je trainais mes semelles
me suis penché pour la saluer
le temps de déclencher
s’est envolée la pitchounette
comme quoi, oui, parfois
il y a un Bon Dieu
pour les petites bêtes

Me souviens d’une comptine
la chantions à la maternelle :

Cacarinette vole,
ton père est à l’école,
ta mère va mourir,
va vite la secourir

elle ne m’a jamais fait sourire

*cacarinette, c’est ainsi que chez moi on appelle les coccinelles

Traces vives

bouleau

Le jeune bouleau
désire le monde
et ses traces vives
ose l’embrasser
frotter tes lèvres à sa peau
si douce et rose dedans
te tatouer de sa sève
emplis-toi de l’élan
offert pour des siècles
respire et jouis de tous tes pores
sans peur de blesser
sans craindre la chute
ose et ose longtemps

Miette de vie

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Ne fais pas les gros yeux
ne te cache plus
je t’ai démasquée
ose te montrer toute nue
vis à découvert
lâche-toi en pleine lumière
assez paressé dans l’ombre
ne crains rien
ne fuis pas la chute
n’oublie pas
finiras coincée entre quatre planches
ou aspirée par des poussières de soleil
miette de vie

Tempus fugit

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Une vie de lézard
ce serait quoi ?
jouir au soleil, peu importe l’heure
retourner s’allonger au temps des Romains
une respiration simple
un corps gracile
des pattes lestes
sans autre vertige que celui de l’instant

une vie de lézard
ce serait aussi
sans pensées ni calcul
retrouver
l’art de la fugue à volonté
à l’ombre des cadrans
la recherche des failles
l’adoration des fissures
le culte des cachettes
les plaisirs de l’obscur

une vie de lézard
ce serait un peu comme
nous rêverions nos vies
si nous pouvions l’espace d’un instant
oublier le temps qui s’enfuit

Le merle et l’angélus

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Il suffit de s’asseoir là
lorsque le jour résiste fort encore
au surgissement attendu de l’obscur
s’installer dans la lumière et guetter l’angélus
qui sonne le retour du calme
même pour ceux qui n’entendent rien du tumulte du monde
de jour comme de nuit
de mai à avril et d’avril à mai
se laisser absorber par ces cloches qui sonnent aussi le retour des champs
elles chantent même pour ceux qui n’ont jamais travaillé la terre
jamais semé, jamais récolté
jamais vendu leur force pour un plat de lentilles
s’asseoir là dans avril qui se meurt
et sourire au merle posé en face sur la murette
pour un concert à la mémoire des paysans

me revient l’odeur de mon grand-père de retour des vignes
des arbres fruitiers
des plants de tomates et des sillons à patates
il sentait la sueur et la terre et le bois et l’herbe
il sentait la force de travail louée jour après jour
l’angélus pouvait sonner dans le lointain
il travaillait jusqu’à la nuit noire

perché sur le balcon d’en face
il y avait un merle déjà
s’arrêtait de chanter lorsque Pépé allait se coucher
de mai à avril et d’avril à mai
et même le 1er

Brouillard des hautes landes

Comme une mer légère
lancée vers les sommets
pour envahir les âmes
des marcheurs égarés

Partout autour la trace
des quêtes d’autrefois
des souvenirs vivaces
des secondes de joie

Brouillard des hautes landes
ravive ces instants
avant que ne se rende
la vie qu’on aimait tant

Premières

2016-04-28 20.10.22

Soudain au-dessus des tilleuls
tout là-haut
les premières hirondelles
envolées à tire d’ailes

Bientôt près du cimetière
tout en bas
les premières lucioles
tournées vers les nuits d’été

Demain vers ne sais quelle heure
autour de nous
les premières prières
lancées vers les cieux et les dieux

Cache-cache

Achever le décompte
puis
dans la forêt offerte
se lancer aux trousses
d’un autre soi-même
d’un soi-même d’autrefois
quand il pleuvotait des frissons
à fleur de sang
au cœur du ventre

puis
tomber nez à nez
avec la vie qui fut
repartir en quête de présage
d’un doux effroi encore possible
d’un dévoilement soudain
d’un mystère à éclaircir

puis
parmi les violettes et les feuilles mortes
pas à pas
retrouver la voix des arbres
cette voix qui siffle en silence
la fin du jeu

Six lettres chair

MaoLou

Sur l’écorce du vieil hêtre
six lettres chair dessinées
gravées par quelque fiancé
penché à la fenêtre
d’un amour envolé

Lointaine Chine rouge
douce France en guerre
pleurs répandus sur la terre
désormais rien ne bouge
hormis le parfum des prières

Grand Timonier, Apollinaire
osez vos vers ressusciter
pour rappeler ce jour d’été
où les fiancés s’embrassèrent
au pied du vieil hêtre blessé