Todoliste * de Pâques

Séduit par les Todolistes *de Christine Jeanney – j’ai adoré celles des lycéennes du Lycée Chartier de Bayeux écrites à son initiative et publiées avant-hier – j’ai proposé à Zoé et à Marius, mes deux jeunes enfants, d’écrire à partir de deux de mes photos. Ils ont pris plaisir. Moi aussi en les lisant. Voici leurs textes

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– Manger la petite cocote en chocolat

– En avoir plein les doigts

– S’essuyer sur son beau chemisier

– Aller galoper dans les prés

Zoé

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– Se laisser emporter par leurs regards lointains

– Imaginer leur imagination insistante

– Succomber à leurs regards à plein temps

– Regarder la fille avec de l’empathie par rapport à sa tristesse qui dure éternellement

Marius

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Fenêtre à livres

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Sur le rebord de la fenêtre
ils attendent d’être choisis
livres en libre service
dormaient dans un coin
en attendant meilleur sort
après gros chantier à la maison
avec Chantal, ma femme, avons pensé qu’à la lumière du grand air
seraient plus heureux
plus ouverts à la vie qui va
aux passants qui passent
aux histoires à découvrir et à partager

Le monde de Sophie – Jostein Gardiner
Le parfum – Patrick Süskind
La mystérieuse flamme de la Reine Loana – Umberto Eco
Crime impuni aux monts Wuyi – He Jiahong
Vive la vie – Pierre Bonte
La queue du singe – Jorge Luis Camacho
Le dernier des Iroquois – Joseph O’Connor
C’est comment l’Amérique ? – Frank Mc Court
Chants d’été – Colette Matuszek
Une famille en péril – Carla Cassidy
Un dangereux admirateur – Sheryl Lynn
Nedjma – Kateb Yacine
L’enfer des ombres – Slaughter
Rouge Brésil – Jean-Christophe Rufin
Les petites filles modèles – Comtesse de Ségur
Le document secret – Cécile Aubry
Le baiser du congre – Del Pappas
Fantômette et le mystère de la tour – Georges Chaulet
Les trois jouvenceaux et les trois fées – Contes du XVIème siècle
Mémoires de porc-épic – Alain Mabanckou
Colette Matusek – Chants d’été
La Belle et la Bête – Mme Leprince de Beaumont & Mme d’Aulnay
Un instant d’abandon – Philippe Besson
Le voleur d’innocence – René Frégni
Mourir d’enfance – Alphonse Boudard
Le temps des secrets – Marcel Pagnol

L’ombre blanche

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Le vois-tu le fantôme qui ouvre le feu ?
ne me dis pas non
tu le dévisages
il a pisté l’auteur du massacre
tu le sais
et lorsqu’il l’a coincé
là, à l’angle de la maison
de notre maison
là où tu venais prendre ta douche le soir après l’usine
lorsqu’il l’a mis en joue
le toit s’est effondré
seule son ombre est restée depuis
l’ombre blanche d’un tueur
d’un vengeur
de celui qui rend justice au nom des condamnés au deuil
au nom de ceux qui se taisent car un beau jour le passé s’est enfui en poussière
et toi tu restes là à compter les carreaux
à imaginer quelle lumière passait par les fenêtres de la maison
lorsque les murs tenaient encore
lorsque le trottoir n’existait pas
lorsqu’il faisait bon se prélasser sous l’eau chaude
l’épaule collée au carrelage
ne me dis pas que tu as oublié les voisins du dessus
qui passaient leurs nuits à crier leur plaisir dans cette chambre juste en haut
étaient si jeunes
notre âge ils avaient
sont partis à la ville maintenant
peut-être au-delà de l’océan car ici
il n’y a plus d’avenir
tu le sais

FKA Twigs – Pendulum

À travers l’Aragón

Je ne peux m’empêcher
de faire des travelling

là c’est l’Espagne
à travers l’Aragón
en direction de Zaragoza

les rares arbres nous tournent le dos
le paysage file à rebours
tandis que serions à l’arrêt
nous nous enfoncerions sous terre
puis happés par le ciel
nous ne résisterions pas à l’appel
de ces moulins à vent modernes
troupeaux de géants
certains déjà bien las
de tourner en rond dans le sens du temps
comme nous autres parfois

j’aime longer cette terre
ses champs ouverts comme une mer
ses entrepôts, ses silos
ses usines d’autrefois
leurs cheminées gratte-ciel
ses wagons de marchandises délaissés
ses voies ferrées qui espèrent les trains

j’aime deviner l’horizon de cette terre
au-delà de la caresse des arbres et des roseaux

Un Bella Ciao pour Bruxelles

Bordilles
c’est je l’avoue le premier mot qui m’est venu à la bouche
en apprenant hier la nouvelle de Bruxelles ensanglantée
très laid ce bordilles
presque aussi laid que ordures
traduction en français de ce mot marseillais

bordilles ! j’ai hurlé devant mon écran mais n’ai pas voulu en rester là, non
me suis dit que l’horreur et la peur jamais ne doivent et ne devront
gagner contre la beauté et la paix
alors, ai entonné Bella Ciao *
comme chaque fois qu’il s’agit de penser à résister

puisse ce chant remonter
jusqu’à Bruxelles l’endeuillée

* La version de Bella Ciao ici publiée est l’œuvre de l’Académie de Chant Populaire fondée à Marseille en 1994 par Alain Aubin. Le chœur qu’il dirige interprète un répertoire de chants de résistance et de lutte.

Le temps des coquelicots

Je suis revenu sur nos pas
ce chemin bistre
où nous aimions jouer
c’était joli en été
tu te souviens ?
des coquelicots à foison
poussaient jusqu’à la porte
en apportions au chevrier
s’amusait de nos mains blanches

nous laissait caresser les bêtes sous le toit frais
se moquait de nos grimaces
quand buvions un coup de son vin
partagé à la bota
puis l’abandonnions à ses bêtes
collions nos bras contre les pierres
osions parfois quelques baisers

revienne le temps du vin vert
des murs chauds et du chemin bistre
des grimaces et des coquelicots

Parler le poule

Juste en face de l’église, le poulailler de Monsieur le curé
sur les coups de midi me suis délicatement approché des gallines
pas osé arracher le grillage pour les libérer
ai senti qu’elles auraient bien fait un tour dans le village
auraient apprécié de prendre l’air
de s’éloigner un peu du coq qui les surveillait sans avoir l’air
la moins timide me l’a fait comprendre
a osé cligner de l’œil d’un cot cot cot sans équivoque
lui ai répondu d’un cot cot cot cot cot complice

s’en est vite retournée au fond du réduit
cot cot cot cot cot ai-je ajouté
histoire de dire cette nuit je viendrai vous libérer

cette audace folle de parler le poule
je la dois à Lucien Suel
poète jardinier dada de Picardie
le tweet ci-dessous posté par lui samedi
m’a totalement décomplexé
qu’il en soit moulte fois remercié