La ligne rouge #3

Lalignerouge

Ensuite, j’étais parti du régiment à ses côtés.

Avions marché au pas je crois en avançant vers sa voiture.

Lui, fredonnait un chant militaire.

« Contre les Viets, contre l’ennemi

Partout où le devoir fait signe

Soldats de France, soldats du pays

Nous remonterons vers les lignes »

 Je me souviens. Il m’avait d’entrée glissé quelques gros billets dans les poings et montré ma chambre.

Une piaule à l’étage de sa propriété aux murs blancs gardés par des chiens aussi baveux que gros.

Leur ressemblait un peu je trouve.

–      Tu dormiras là. Je te sonnerai. Tiens-toi toujours prêt. Je voyage beaucoup. Tu m’accompagneras partout. Je suppose que tu sais conduire ?

(à suivre)

Lalignerouge

J’avais fait l’affaire. Ça n’avait pas traîné.

Choisi surtout parce que ma peau est très foncée.

–      Ça clouera le bec à tous ceux qui me traitent de raciste, il avait lâché devant le colonel. Sans même me regarder dans les yeux.

J’avais dit oui parce que j’aime les défis.

Fils de Tirailleur algérien je suis. Mon père libéra Marseille aux côtés des Tabors marocains.

L’assaut à Notre-Dame de la Garde en août 44, il en fut.

Patriote il s’était dit. Ça m’avait bien plu.

J’aime ma patrie moi aussi. L’avais salué au garde-à-vous.

(à suivre)

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

Que ses créateurs en soient ici une nouvelle fois remerciés.

Je vous invite vivement à vous abonner à La Nuit.

C’est très simple et cela coûte une euro par semaine. Pas plus. 

La ligne rouge #2

Lalignerouge

J’avais fait l’affaire. Ça n’avait pas traîné.

Choisi surtout parce que ma peau est très foncée.

–      Ça clouera le bec à tous ceux qui me traitent de raciste, il avait lâché devant le colonel. Sans même me regarder dans les yeux.

J’avais dit oui parce que j’aime les défis.

Fils de Tirailleur algérien je suis. Mon père libéra Marseille aux côtés des Tabors marocains.

L’assaut à Notre-Dame de la Garde en août 44, il en fut.

Patriote il s’était dit. Ça m’avait bien plu.

J’aime ma patrie moi aussi. L’avais salué au garde-à-vous.

(à suivre)

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

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La ligne rouge #1

Lalignerouge

Ils viennent de me passer les menottes. Je grimace à l’intérieur des lèvres.

À peine mal mais je grimace de cette douleur sourde qui affleure depuis si longtemps à chacun de ses mots barbares.

Elle se taira maintenant cette douleur. Car il ne parlera plus jamais.

Garde du corps je fus de cet homme-là pendant quinze ans.

Recruté à ma sortie du régiment de paras. Il était venu faire son marché in situ dans la cour de la caserne.

Connaissait bien l’endroit car il avait été para lui aussi. L’Indo. L’Algérie.

–      Cherche un gars baraqué et courageux, un gars qui en a dans le pantalon, il avait dit en riant de sa bouche humide et ridée.

(à suivre)

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

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Carnet d’Afrique #8

P1020094

Jour après jour, attendre que s’égrènent les heures.
Ne rien espérer d’autre que vivre le lendemain et lui survivre. À l’écart de la foule, l’athlète glisse à lentes foulées sur la plage, le dos dénudé. Tout en muscles bombés. Les bras tendus en arc vers le ciel voilé strié de palmiers. Deviner une prière éphémère. Ne pas déranger la statue souple et forte et sûre de sa beauté. Il était là hier déjà. Et avant-hier. Comme pour un rituel paisible et rassurant.
Cet homme est un danseur paisible et fataliste qui prie le monde entre sable et océan.

 

Carnet d’Afrique #7

P1020638

Il frôle les poussières rouges le long des routes.
Pas changé leur course à travers les villages depuis toutes ces années. Presque immobiles, il pense. Rien de nouveau ici hormis les quelques dizaines de kilomètres d’autoroute goudronnés en quittant l’aéroport. Les baobabs. À peine poussé. Les détritus. Beaucoup plus qu’avant. Les maisons de fortune. S’amoncellent. Prendre son temps. Le temps donné sans compter. Pas la peine de se hâter. Les poussières rouges traînent leur éternelle patience.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #6

femmes

Rares. Les Blancs se font rares.
Quelques Toubabs ventrus traînent leurs rides et leurs 4X4 en direction des serveuses aux tresses brillantes. Les yeux accrochés aux doigts sarments des demoiselles. Osent à peine deviner leurs dents du bonheur au creux de leurs lèvres divines. Il faudrait se taire. Surtout ne rien dire qui vienne gâcher ces secondes de grâce fugace. Mais ils ne savent goûter ce suc. Ignorent le sel du silence. Murmurent un vague compliment sur le tissu de leurs boubous. Aucun regard en échange. À peine un merci susurré sans sourire. Les boissons servies, elles s’échappent d’un pas souple vers la caisse où tinte le petit bruit sec et maigre du franc CFA.
Leur richesse à partager avec qui saura approcher la vive et fière douceur de leur âme.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #5

jouentaufoot

Le muezzin lance l’appel à la prière.
Des mosquées semées sur les places. Déposées comme à la hâte. Certaines semblent provisoires mais ce provisoire dure depuis des années. Minaret pour les plus grandes. Haut parleur pour toutes. Dès avant l’aube ils vibrent à travers la ville. Comme une plainte répétée chaque jour qu’Allah fait. L’appel, les enfants l’ignorent. Affairés à courir entre les amas de gravier. Entre les tas d’immondices qui peuplent les rues de terre rouge. Entre les murettes défoncées qui s’ouvrent sur de petits champs de menthe. Les enfants jouent d’un rien. Bouchon de bouteille. Canette cabossée. Ballon dégonflé. Cailloux glanés. Le muezzin a beau chanter sa litanie, les petits ont la tête à l’instant. Comme tous les enfants du monde.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #4

troisfemmes

 

À présent passent trois jeunes femmes en file indienne.
Chaloupent le long de la plage abîmée. Traces vivaces des tempêtes de mars. Coiffées de larges plateaux gris, elles se taisent sous le poids des feuilles de menthe. Avancent sur le chemin défoncé vers les paillotes désertes. Qui leur donnera quelques billets pour quelques fruits ? Peut-être les dégusteront-elles si le client s’obstine à se cacher loin d’ici. Croisent de vieux messieurs à sandalettes translucides. Semblent égarés dans leurs souvenirs. Barbiches blanches et chemises constellées de sueur sèche. Ne se retournent pas sur le passage des porteuses aux seins et aux reins qui dansent. Indifférents à leurs fesses bombées comme des djembés de musiciennes.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #3

foot

Plus tard, l’océan lui tend la main.
Les garçons courent en groupe. Ils avancent à larges foulées au pied des palmiers. Lorsqu’ils s’arrêtent, tractions de jambes et de bras pour se muscler. Peu se lancent dans l’eau. La mer déroule sa robe bleue argent sans insister. S’exercent à la lutte. Colosses ou sauterelles. Tous, le corps doré de poussière de sable. Gri-gris à la taille ou au bras.
Le costume partagé c’est le maillot de foot. Entre les épaules, des noms de joueurs de rêve gravés sur les tissus souvent délavés et troués. Parfois, les shorts vont de paire. Ces parties de ballon sans cages ! Joyeuses et accrochées. Les jeunes jonglent, dribblent et dansent le beau jeu. Marquent peu. Savent-ils que le mirage du foot des riches leur restera mirage ? À moins d’un miracle.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #2

P1020081

Il croise dès l’aube les enfants en guenilles.
Longent les baraques cousues de fer blanc. Mendient aux abords des échoppes où s’achète le pain quotidien, le lait en poudre et les bidons d’eau en plastique. Essaims de gamins faméliques. Épuisés. Escouades ensommeillées. Vidées. Des bras et des jambes secs et maigres comme des branchages rescapés du feu. Pleurs séchés au coin des paupières. Morve en filet sous les narines. À chacun sa cuvette en plastique jaune. Ne tinte que de quelques morceaux de sucre lancés par une femme en boubou bouton d’or et turban bleu outremer. Son fils à elle part à l’école en uniforme bleu ciel dans un bus blanc sans équivoque. « Dieu seul ». C’est écrit sur le flanc. Oui, Dieu bien seul face aux petits talibés qui se dispersent comme une volée d’insectes. Le regard de certains teinté de honte. Quelques visages masqués par la cuvette ou un coin de haillon.

(à suivre)