Ce serait … un amour

Faire sonner les mots devant un tableau* ou une photographie est un plaisir d’écriture que Brigitte Célérier ne se refuse pas. J’avoue ne jamais hésiter à m’offrir celui de me camper à ses côtés devant l’écran et de l’écouter mêler avec grâce chair brûlante des émotions, parfum vivace des souvenirs et regard fin porté sur l’image. Car Brigitte Célérier parle, conte, évoque, invite au voyage dans chacun des textes de sa série Ce serait publiée sur le superbe site de Jan Doets Les Cosaques des Frontières – refuge pour les dépaysés. Pour prolonger cette découverte, une visite s’impose à Paumée, le blog que Brigitte tient assidument. Elle y conjugue avec subtilité et humour récits de vie quotidienne, critiques de spectacle – théâtre, opéra, concerts – et photographies. Paumée, ou la chronique d’une dame d’Avignon cultivée. Conteuse dans l’âme.

Brigitte Célérier est aussi sur Twitter @brigetoun

* L’Homme au gant devant lequel retourne Brigitte Célérier dans Ce serait … un amour, est une huile sur toile de Le Titien (1488 – 1576), portraitiste de l’école vénitienne, qui qualifiait ses peintures de poèmes. Le tableau – daté de 1521 – est conservé au Musée du Louvre.

 

Au cimetière du Père Lachaise

Jamais venu ici auparavant. Quelquefois promené non-loin du Mur des Fédérés aux côtés de mon père. Me racontait la Commune de Paris, Gavroche, ce salopard de Thiers, mais jamais entré dans cette ville dans la ville. 70.000 tombes à ce qu’il paraît. Un labirynthe. Un enchevêtrement d’allées pavées. Un foisonnement de tombes, de tombeaux, de stèles, de plaques. Peu de fleurs. Des oiseaux. Beaucoup de mousse. Nombre de sépultures en ruine. Une impression d’abandon. Suis allé écouter ce cimetière géant, saluer les Communards, les communistes, les déportés assassinés, Jean Baptiste Poquelin dit Molière et  Jean de La Fontaine, Frédéric Chopin et Guillaume Apollinaire, Paul Éluard et Alain Bashung, Michel Petrucciani et Pierre Desproges. Aurais bien fait un clin d’oeil à Amadeo Modigliani mais le crépuscule m’a poussé vers la sortie.

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Le Mur des Fédérés. Cherché les traces de balles. Imaginé le carnage.

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Jean-Baptiste Clément. Fredonné sa chanson.

 

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Jacques Duclos roulait les R.

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Paul Éluard né Eugène Émile Paul Grindel

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Buchenwald. M’y rendis dans ma jeunesse. Impérissable souvenir.

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Molière l’immense impertinent.

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Apollinaire. M’accompagne depuis l’adolescence.

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Chopin. Pas un jour sans l’écouter.

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Bashung. Déchirant écorché.

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Petrucciani. Virevoltant.

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Desproges désarmant.

Un plongeon géant chez Katsushika Hokusai, peintre éternel

Plus de deux heures trente d’attente pour toucher des yeux une merveille absolue, l’exposition Hokusai, l’immense peintre japonais. Magie, délicatesse, sensualité, universalité. Les mots manquent pour décrire ce que j’ai ressenti en approchant les oeuvres de celui qui rêvait de vivre jusqu’à 110 ans pour prolonger sa folie du dessin. En tout, plus de 500 pièces exceptionnelles sont exposées au Grand Palais à Paris. Une grande partie de ces oeuvres n’ont encore jamais été présentées hors du Japon. J’ai été saisi d’une douce émotion face aux estampes d’oiseaux, de fleurs, de femmes, et celles de la série Les 36 vues du Mont Fuji, entre autres devant les myhiques Sous la grande vague au large de la côte à Kanagawa et Vent du sud Ciel clair. Ai trouvé sublime la série Voyage au fil des Cascades des différentes provinces. Découvrir en vrai Katsushika Hokusai est un voyage vers le Japon éternel et universel qui incite au recueillement et au chuchotement.

Hokusai chroniqueur de son époque. Hokusai maître du manga. Hokusai amoureux des oiseaux. Hokusai adorateur du Mont Fuji et de la mer. Hokusai dessinateur hors normes. Hokusai quitté à regret lorsque s’est rapprochée l’heure de reprendre le train vers le sud… Peut-être tenterai-je un nouveau plongeon dans son monde merveilleux d’ici au 18 janvier, date de clôture de l’exposition.

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Dispute d’enfants chinois autour d’une partie de go
1787-1793

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Sifflet de la cerise d’hiver
1801-1804

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Dragon volant au dessus du mont Fuji 1849
Pour prolonger le plaisir, Hokusai se visite aussi sur Arte.

Dominique Hasselmann, promeneur à fleur de ville

Il manque une bouteille de vodka est le texte publié hier par Dominique Hasselmann sur son blog Métronomiques. Comme un écho à la Jachère mise en ligne dans le même temps sur mon blog CarnetDeMarseille. À Paris comme ailleurs, le quotidien des personnes sans-abri arrache nos coeurs tout autant qu’il laisse sourdre nos mots indignés.

Paris. Les rues de Paris. Ses places et ses carrefours. Sa Seine et son Canal Saint-Martin. Ses gens isolés et ses foules. Dominique Hasselmann les côtoie, les respire, les écoute, les photographie et s’en imprègne tel un grand buvard coloré qui rougit de plaisir et rugit de colère aussi parfois. Promeneur poète, il m’invite à partager ce regard tendre et décalé sur sa ville. Cette capitale si loin et si proche à la fois de mon Marseille. Métronomiques se nourrit aussi de la passion  de Dominique pour le cinéma et la littérature. Sans oublier le jazz qui ponctue bien souvent avec délicatesse son billet du jour.

Dans le métro égaré, Dominique Hasselmann l’a publié début novembre. Paris, là encore. Paris en sous-sol. Avec ses bruits, ses solitudes et un hommage en teinte douce à Rémi Fraisse qui m’a bouleversé. Métronomiques sait aussi parler politique.

Ces deux poèmes m’ont séduit également par leur mise en forme. Ils apparaissent comme dessinés sur la page, à la façon des Calligrammes de Guillaume Apollinaire. Un clin d’oeil amical et admiratif au poète décédé en 1918, l’année de la publication de son livre.

Dominique Hasselmann est aussi sur Twitter @dhasselmann

Bienvenue sur Radio Mozart !

Déniché sur la Toile Radio Mozart l’autre soir. 100% dédiée à Wolfgang Amadeus. Découvert qu’elle était fabriquée depuis janvier 2010 à Marseille par l’Association Radio Mozart. Une vraie belle station numérique  accueillie par la plateforme Radionomy et forte de 40.000 connexions par jour pour une durée moyenne d’écoute de trois-quarts d’heure. Avec en prime, siouplé, des jingle en anglais enregistrés par Daniel Pinkwater, ancien animateur sur la NPR, la National Public Radio. Mozart rend intelligent est-il écrit en bas de la page d’accueil de la radio. Je vais donc tenter de l’écouter plus souvent.

Un concert de cornes de brume

Parti pour le grand large hier. Dans ma tête. Sous le vacarmes des trombes d’eau qui traversaient le paysage. Ai navigué vers le Nord. Cap sur la Norvège où j’ai caboté en longeant des phares et leurs cornes de brume. Odderøya, Store Torungen, Oksøy. Rien que ces noms racontent la rudesse de ce son précieux pour les marins d’autrefois. Un son que j’imagine lancé par de gigantesques gosiers d’animaux marins. Un son témoin du temps où les phares vibraient encore de paroles humaines. Pour prolonger cette écoute, une visite s’impose au site Cornes de brume. Renseignement pris, dès que les cornes de brume tombent en panne, elles ne sont plus réparées. Elles disparaîssent peu à peu du paysage sonore. Dans le nord Finistère, il ne reste que celle du Créac’h en activité, d’où l’utilité  du recensement mis en chantier par le site Cornes de brume, à suivre aussi sur Twitter @kupaia

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Le phare du Créac’h. Photo de @Yannick Le Gal

Le rêve froid d’Anna Jouy

Pas un jour sans être remué profond par le journal d’Anna Jouy. Pas la première fois qu’un de ses textes fait naître en moi un désir de lecture à voix haute. Chaque jour, son blog Mots sous l’aube est une escale espérée. Guettée avec impatience au coin de la Toile. Une étape douce et souvent bouleversante. Sa poésie singulière cherche son chemin dans l’immensité de nos solitudes. Je dormais, debout contre la fenêtre, c’était… évoque un rêve froid, un voyage immobile, une traversée d’un paysage intime qui interroge sur l’humaine fragilité. Pour accompagner cet enregistrement, j’ai choisi Froid, une oeuvre de la coloriste et aquarelliste Claudine Sales. J’adore son travail sur les couleurs et les formes. Je trouve qu’il s’acccorde avec justesse à la poésie d’Anna.

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 Mer bleue, ci-dessus, est l’un des saisissants pastels de Claudine Sales. Une évocation lumineuse de l’espace glacé qui clôt le poème d’Anna Jouy.

La mémoire jaune et bleue de Christophe Grossi

Jaune bleu. Deux couleurs pour un souvenir d’enfance raconté avec délicatesse et fierté par Christophe Grossi. Son père était ouvrier dans une usine de sous-traitance pour Peugeot & Suisse, quelque part dans l’Enclave, ce territoire qui inclut toutes les communes situées autour des usines Peugeot (Sochaux, Montbéliard, Audincourt, Valentigney, etc…). Christophe Grossi est l’un des auteurs à l’affiche du cru décembre 2014 des Vases Communiquants. Jaune bleu. Titre de ce récit posté ici empreint des multiples saveurs de la mémoire ouvrière. Je l’ai savouré comme un biscuit empli de tendresse. J’ai pensé à l’enfance de mon père, fils d’ouvrier agricole. Je me suis rappelé les ouvriers qui réparaient les bateaux sur les chantiers navals de Marseille. J’ai convoqué le souvenir de toutes ces mains privées de visage par la casse répétée de l’outil industriel de notre pays. Jaune bleu. Une tranche de vie fugace et gravée à jamais dans le coeur d’un fils d’ouvrier. Pour prolonger cette écoute, le site de Christophe Grossi c’est par ici.