Commencer l’année auprès des arbres

Avec mes jeunes enfants, commencer l’année auprès des arbres
les approcher, leur parler, les photographier
et puis écrire des mots à eux dédiés en choisissant chacun une image et une musique

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Racines, par Zoé

Si seulement nous pouvions être aussi proches que les arbres, aussi solidaires qu’eux.
Liés par de puissantes racines, sous le sol et dans les airs.
Tout ce qui unit les arbres est invisible à l’œil nu mais pourtant si réel, si palpable.
Chacun cohabite avec l’autre, laissant d’autres racines venir à lui et allant à son tour vers d’autres.
Comme une forte envie de partir, de connaître d’autres horizons tout en revenant à ses racines à chaque fois.

Frank Sinatra – Witchcraft

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L’arbre vert, par Marius

Cet arbre est resté si longtemps vert que l’on a toujours cru qu’il était une laitue.
Ses branches ont l’air tellement craquantes que j’imagine qu’elles sont des gressins.
C’est l’arbre du bonheur et de la faim.

Nekfeu – On verra

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Ta première île, par Éric

Regarde l’île sur la peau de cet arbre
là, tout en haut
toi qui vis désormais si loin de la mer
que les embruns ne te parviennent plus
qu’à fleur de souvenir
rappelle-toi ce voyage vécu loin des clairières
là où battait ton sang
retrouve le ressac des aubes d’été
tu approchais de la Corse
ta première île découverte
la revoilà
immobile et en paix
le blanc de sa lumière comme une caresse
inscrite sur l’écorce
touche-la
chéris-la
ose naviguer tout autour de crique en crique
de port en port
embarque avec toi les visages qui s’embrassent
là, tout en bas
ils se souviendront de tes pas jusqu’ici
ils n’oublieront pas ton regard
ils parleront de tes baisers
l’arbre a tant de mémoire

I Muvrini – Diu vi salve Regina

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Les arbres-plumes

arbres-plumes

Arbres géants qui côtoyez les vents
vos bras lancés en prière
sauriez nous dire comment
nous pourrions arrêter les guerres

Plumes hautes tanquées dans la chair de la terre
qu’avez-vous à raconter
qui apaiserait les blessés
les malmenés
les enragés

Arbres fiers plantés par la main de l’homme
qu’auriez-vous à chanter pour nous
qui ramènerait bientôt la paix pour tous
dans notre monde de fous

Plumes élancées rivées aux pentes sauvages
qu’auriez-vous à écrire
qui consolerait les endeuillés
les abandonnés
les niés

Arbres noirs serrés dans la froidure
tendus vers le clair du ciel
connaissez tant les larmes du monde
qu’aujourd’hui vous vous taisez

Jouer à se perdre

Jouer à se perdre
parmi les jeunes hêtres
les frôler et les embrasser

jouer à se faire peur
dans le brouillard de mai
le savoir passager

jouer à se chercher
au milieu de ces arbres
les deviner parlant

jouer à s’échapper
vers le ciel déployé
le savoir accueillant

Lève la tête

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Lève la tête
enfant de cette terre
envoie tes yeux tout là-haut
le voyage t’emmènera
vers continents nouveaux
avec ses terres d’ombres
et ses mers de lumière
ses peuplades camouflées
ses oiseaux de passage
et toujours en dessous
la bienveillance des arbres
guetteurs patients
témoins paisibles
de notre petitesse
de notre évanescence
sous les cieux infinis

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Foudroyés

Fantôme

Une plaie ouverte à la face du monde
tant de fantômes réincarnés
tant de baisers profonds mêlés
foudroyés par la grâce
terrassés par la crasse
menacés par l’oubli
mais
ils nous survivront

Embrasser les chênes *

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Paisibles et silencieux
m’attendaient tout en haut
les chênes aux troncs décorés

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jumeaux ou solitaires

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à peine hommes
ou vieux sages

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m’ont parlé de paix
offert sérénité

pour les remercier
les ai embrassé
puis m’en suis allé
ma maison retrouver
remonterai les saluer

* Il y a même des gens qui ont tellement embrassé les arbres qu’ils ne peuvent s’empêcher d’avoir envie d’initier les autres gens à ces embrassades 🙂

De haut en haut

Là-haut
entre neige et nuages
serais bien resté
jusqu’au départ silencieux
du dernier flocon
aurais bien cheminé
jusqu’au bout de l’hiver
sans effrayer les bêtes
me serais attardé entre les arbres
caché près des cascades
loin des horizons perdus
des violences lues
aurais ressuscité l’espérance engloutie depuis ton envol
serais peut-être passé tout près
des traces laissées par toi du temps de ta splendeur
lorsque tu avançais toi aussi par là-haut
entre neige et nuages
et souriais aux sommets

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Peupliers

peupliers

Peupliers poudrés d’or
que lancent
vos prières vers la lune ?
les entends mais ne les comprends pas
parlerais bien le langage des arbres
il bruisse, grince, craque et gémit parfois
s’agenouiller pour écouter
au pied, là, juste au pied des troncs
puis
se tordre le cou vers les cimes
puis
clore paupières
puis
renifler les écorces
y laisser danser les paumes
guetter encore la montée des psaumes
éprouver ma petitesse

Bill Evans & Chet Baker – Alone Together

Soudain, une cascade

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Avancer parmi les mélèzes et les pins à crochets
le souffle ample
le pas accroché au sentier
les sens aux aguets
longtemps cheminer vers le cœur de la forêt
dans le silence à peine rayé par le clac clac du bâton
jusqu’à ce murmure soudain
crescendo
la voix sûre d’une cascade
tombée d’entre le ciel et les roches
résister à l’appel de la baignade
trop glacé l’air de l’hiver
trop d’épaisseurs à ôter
alors, remplir la gourde
saluer la dame
puis repartir embrasser les bouleaux en contrebas