Un cri infini

MUNCHCRI

J’ignorais qu’Edvard Munch fut travaillé par l’angoisse et le doute existentiel à un point tel qu’il
déclina cinq fois le motif du Cri, son tableau le plus célèbre.
Je l’ai pris en pleine face, ce hurlement, au détour de l’exposition que lui dédie le Musée d’Orsay .*
Cette version imprimée, tellement épurée, m’a encore davantage horrifié que le célébrissime chef d’œuvre au coucher de soleil rouge sang.
Je l’ai entendue m’interpeler cette silhouette décharnée, depuis la passerelle qui s’allonge au-dessus du Fjord d’Oslo presque abandonné.
Comme si une momie surgie du fond des siècles surgissait pour jeter à ma face toute l’horreur que lui inspire notre temps présent.
Comme si elle se rapprochait de moi en lançant avec rage : – vous n’avez rien appris, rien de rien ! Ni des pogroms, ni des camps de la mort, ni des génocides et vous continuez à vous vautrer dans la saloperie du monde !
Dans son journal, en janvier 1892, Edvard Munch écrivit : « Je me promenais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout d’un coup le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture. Il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville. Mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété. Je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature. »

*jusqu’au 22 janvier, « Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort »

LeCriGrosPlan

Misteriosa Rosa Barba

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Trois minutes de mystère
avec l’Italienne Rosa Barba
et son intallation « De la source au poème »
proposée récemment au CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux

devant l’art contemporain
comme devant toute forme d’art
j’essaie toujours
de mettre mon cerveau de côté
de faire appel à mes sens
de me concentrer sur la perception sensitive des œuvres proposées
avant de tenter
dans un second temps
d’y associer des mots

pas changé de démarche
face à l’œuvre de l’artiste sicilienne
pas cherché à comprendre
seulement à me plonger
au cœur de la nef du CAPC
m’immerger sans préjugés
sans clichés
sans présupposés
et puis me laisser prendre
au fil des minutes
par les mots et les pensées suscités

obscurité
mystère
suspens
inquiétude
perte
abandon
deuil

et surtout ne pas souscrire
au facile et stupide jeu de mot
moulte fois ressassé
Art contemporien

Illustration de ci-haut @RosaBarba

SévillHaïku #12 Le vieux peintre

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Toujours ses fenêtres ouvertes
le vieil et généreux
artiste peintre

ne s’isole de la rue
José Pérez Conde
que tard dans la nuit
lorsque il va au lit

sinon, demeure toujours grande ouverte
à la vie de sa rue
aux passants curieux
aux échanges improvisés
depuis son salon-musée
où se côtoient vierges et tableaux

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à bientôt 80 ans
José peint et sculpte moins souvent
se souvient du temps de sa jeunesse
raconte avec pudeur
son passé en beauté
car fut restaurateur de tableaux
au Musée des Beaux-Arts de Séville
et à Madrid
au Musée du Prado

 

L’attente devant le Teatre-Museu Dalí à Figueres, puis la découverte

Je ne voulais pas manquer cette visite à Figueres. Surtout, je tenais à montrer à Marius ce musée dédié à l’artiste catalan, après avoir visité à Barcelone le Museu Picasso. Un accordéoniste nous a aidé à patienter en longeant l’Église Sant Pere parmi des visiteurs – étrangers comme nous pour la plupart – et puis nous avons pu accéder au Teatre-Museu, édifié sur le site de l’ancien théâtre municipal. Incendié par les troupes franquistes, laissé à l’abandon jusqu’en 1974, il fut restauré ensuite par Salvador Dalí, aidé par la mairie de Figueres et donc transformé en ce Teatre-Museu exceptionnel de beauté et de richesse, empreint de tout l’amour que le peintre avait pour sa compagne Gala. La visite a plu à Marius. Il a trouvé que Dalí avait « beaucoup d’imagination ». Ce qu’il a préféré, ce sont les œuvres les plus figuratives, les plus réalistes. Les horloges molles et les flûtes de pain sur les têtes des statuettes l’ont amusé. Sûr que nous n’oublierons pas cette promenade ensemble au cœur du génie de l’artiste de Cadaqués.

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Livres de ma vie / Hokusai / Les trente-six vues du Mont Fuji #1

Hokusai

Est entré dans ma vie depuis à peine un peu plus d’un an, ce livre. Depuis que j’ai survolé le Fuji à mon retour de Kamaishi, en mai 2013. Fasciné par ce mont mythique je suis. Pas autant que les Japonais qui le grimpent en pélerinage mais bouleversé par sa grandeur, sa paix, sa forme, le cadeau qu’il fait au ciel. Les trente-six vues du Mont Fuji, par Jocelyn Bouquillard, est toujours à portée de main et de regard chez moi. Hokusai se disait « fou de dessin ». Peintre du dix-huitième siècle, il est pour moi inscrit dans l’éternité.

«  LE FOUZI-YAMA, la Montagne sacrée, asile des légendes mystérieuses et des antiques rêveries naturalistes, se dresse dans la fraîcheur des matins bleus et dans l’or du soir. L’air et ses mirages entourent comme de molles écharpes les neiges de son pic, ses flancs de rocher et les forêts de pins qui dévalent les pentes. (…) L’art japonais n’a jamais été traversé par une méditation plus large; jamais ses peintres ne se sont approchés de la nature avec autant de gravité. »

Henri Focillon, Hokusai 1914

Copyright @Seuil / BNF

Au chevet du chêne du Millénaire

Une balade vers les quais de la Garonne hier après-midi à Bordeaux et soudain, des bruits sourds, métalliques surgissent d’un atelier en plein air. Dans le quartier de Bacalan, non-loin du fleuve, tomber sur les Vivres de l’art, une résidence artistique et un lieu cosmopolite dédiés à la création. Jusqu’au mois prochain, fers à souder, clés à molette et masses en main, des artistes vont continuer de se porter au chevet du chêne du Millénaire, à l’initiative du sculpteur Jean-François Buisson.

Le projet, les évènements et les artistes de Les Vivres de l’art, c’est par ici.

Le souffle coupé

Je viens de découvrir – grâce à Annabel l’une de mes amies twitteuses, @annabelinside – une vidéo de l’artiste basque Javier Pérez, qui m’a laissé quasiment en apnée de bout en bout. En puntas donne à voir et à entendre une ballerine juchée sur la pointe de deux couteaux de cuisine fixées sur ses pointes de danseuse. Amélie Ségarra danse sur un piano noir. Spectacle fascinant. Mescle de grâce et de rage. De légèreté naïve et de violence brute. Extrait.
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Né à Bilbao en 1968, Javier Pérez est peintre, sculpteur, photographe et vidéaste. Il vit et travaille à Barcelone.  Sur son site, il explique qu’il aime traiter dans ses créations des points de rencontre entre le spirituel et le charnel, entre le pur et l’impur, le beau et l’horrible, entre l’attraction et la répulsion.
La vidéo de En Puntas
A partir du 24 octobre, Javier Pérez exposera à la galerie parisienne Claudine Papillon
Javier Pérez est aussi sur Tumblr