Shanghai est traits et points

commerçantconcentré

Comme en apesanteur dans sa petite boutique
à mille lieues du vacarme qui résonne dans le marché couvert de la Fang Bang Gong Lu 方浜公路
il annote au crayon une page de son cahier ouvert sur deux reproductions de ce qui ressemble à une œuvre calligraphiée
le livre épais qui l’inspire et maintient à plat le cahier semble dédié lui aussi à ce qui continue de captiver tant de Chinois
ce qui te fascine par sa beauté et son mystère

calligraphier shū t’apparaît comme ce qui reste peut-être le seul lien le seul trait d’union profond entre les humains de ce géant de pays

hériter de cinq mille ans d’histoire
et aujourd’hui consacrer des heures à tracer un seul caractère
au stylo au crayon noir ou au pinceau chargé d’encre
des heures à respecter l’ordre des traits et des points
à chercher équilibre et harmonie entre ceux-ci sinon recommencer de zéro

cette exigence de discipline est transmise aux enfants chinois dès qu’advient l’âge d’aller à l’école et d’apprendre à écrire
la norme est la loi et le constat saisissant
pas de place pour la fantaisie il faut entrer dans le moule
du coup ils écrivent tous de la même manière tiennent leur stylo de la même façon
pas de place pour d’autre voie

une fois acquis ces fondamentaux ces principes de base
bien plus tard
une fois devenus adultes
certains osent se distinguer et se lancent dans leur propre façon de créer leurs caractères
jusqu’à ce que la paix et la joie qui sait leur emplissent l’âme
et les invitent à en écrire un autre puis un autre
ad libitum.

 

Calligraphie tremblante

Elles sont passées sans prévenir
Bien au-dessus des toits
Calligraphie tremblante
Hésitante et pourtant
Points de suspension lancés dans le ciel bas
Comme un essaim éclaté
Une noria de nuages éparpillés au vent
Une flotte de barques accrochées à leur cap antique
De retour de pays plus chauds.

Mentons tendus vers ce large V gris foncé
Nous avons écouté les grues chanter.

Se rapprocher du printemps.

Fañch, un amour d’écriveur calligraphe

Je sais. Je suis un veinard. Mon ami Fañch, flibustier de Bretagne, radiophile comme c’est pas permis, je l’ai vu en vrai s’adonner à son autre passion : l’écriture, la calligraphie. Il a dessiné devant moi, comme ça, tranquille, un soir, à sa table de bois. Et il a parlé. Comme dans la vie. Très bavard l’ami. Je me suis régalé de le voir et de l’écouter. Fañch est un artiste au cœur immense. Radical. Engagé. Drôlissime. Suis sûr qu’un peu de Marseille vit en lui. Beaucoup même. Pagnol n’est pas bien loin dans le sang de ce Breton fier et humble, façonné aux grandes marées et aux lumières des phares qui émerveillent et rassurent. Pour prolonger, écouter Fañch parler radio avec Léa Minod, dans la matinale culturelle de Vincent Josse sur France Musique. Son blog, Radio Fañch, c’est par ici.