Bien bruyant le vieux TER. Balin-balan, il mène sa vie de petit train fatigué. N’est pas du tout pressé. Longe la mer, de gare en gare. Se repose un court instant et repart en grinçant. Seul dans la rame, les paupières closes, je m’en vais rejoindre ma madone.
Lire ces mots dans les carnets d’Arnaud Maisetti : « Il n’y a pas d’horizon dans ces jours d’attente et de répétition, qui entasse rage, dégoût, désespoir et silence : pas d’horizon, seulement l’acharnement à construire du temps qui saura le transpercer et renverser le désespoir et la rage en monde. » Penser à mon ami Frank, en mission dans une raffinerie de Taranto, au sud de l’Italie. Demain dimanche, son horizon s’écrira en lettres plus claires. Il pourra quitter les 20 mètres carrés de la chambre d’hôtel où il est confiné depuis le 21 mars. En retrouvant l’air libre, la rage et le dégoût devant la tragédie vécue par le peuple italien ne l’auront pas quitté, non. Il n’oubliera pas non plus le monde imaginé chaque jour de quarantaine en apercevant la mer depuis sa fenêtre.
(À demain 8h30…)
Supplique pour être enterré à la plage de Sète – Georges Brassens
Pour nous échapper quelques instants de notre présent pesant, nous sommes nombreux à revisiter et partager nos photos d’avant, de ce temps d’autrefois qui a filé sans prévenir. Je me rappelle cette époque où nous nous moquions un peu des vieux lorsque nous les entendions murmurer » c’était le bon temps » en soupirant. Aujourd’hui, avouons-le, devant ces photos d’antan, nous faisons pareil. Tandis qu’ensemble nous rions aux éclats devant telle coupe de cheveux ou tel accoutrement, sans doute nous moquons-nous aussi un peu de nous mêmes. Avec joie et tendresse. Nous étions jeunes et frêles d’épaules. Si légers. S’étonner d’avoir si peu changé, finalement. Prier pour que revienne un jour ce temps de l’insouciance et de la légèreté.
Sur les murs de ma ville cette femme nous regarde venue de loin arrivée ici comme tant d’autres depuis tant de siècles derrière sa photo des journaux en chinois comme un habit de lumière au carrefour des continents un jour un portrait #OneDayOnePortrait ne sait qui a signé cet hommage discret à toutes celles et tous ceux venu.e.s d’ailleurs pour vivre à Marseille hommage à la fraternité joie dedans à chacun de mes pas et plaisir de fredonner l’une des chansons de Moussu T e lei Jovents qui chaque jour m’accompagnent où que je marche où que je respire où que je tâche de ne point désespérer
Qu’es bòn !
Nos farien creire que viure ensems es una ideia de calut, Nos farien creire que sensa mestre seriam perdut, Nos farien creire que tot pòu estre crompat o vendut, Nos farien creire qu’es totjorn lo copable qu’es abatut.
Ils nous feraient croire que vivre ensemble est une idée de fou Ils nous feraient croire que sans maître, nous serions perdus, Ils nous feraient croire que tout peut être acheté ou vendu, Ils nous feraient croire que c’est toujours le coupable qui est abattu
O fan Qu’es bòn De relevar la testa! Qu’es bòn De si sentir vivent! Qu’es bòn De rintrar dins la festa! Qu’es bòn oie qu’es bòn!
Que c’est bon de relever la tête ! De se sentir vivant ! De rentrer dans la fête ! Que c’est bon !
Nos farien veire dei montanhas d’aur per nos atisar, Nos farien veire dei dieus poderos per davant si clinar, Nos farien veire dei gròs saberuts per mai nos embarcar, Nos farien veire d’imatges verinosa per nos enganar.
Ils nous feraient voir des montagnes d’or pour nous attirer Ils nous feraient voir des dieux puissants pour s’incliner devant Ils nous feraient voir des grands savants pour mieux nous arnaquer Ils nous feraient voir des images venimeuses pour nous tromper.
Qu’es bòn De relevar la testa! Qu’es bòn De si sentir vivent! Qu’es bòn De rintrar dins la festa! Qu’es bòn oie qu’es bòn!
Nos farien viure un monde d’enveja e de prohibicion, Nos farien viure empegat au pecat, a la supersticion, Nos farien viure segon la borsa e seis evolucions, Nos farien viure dins un astre malaut, poirit de polucion.
Ils nous feraient vivre un monde d’envie et de prohibition Ils nous feraient vivre collés au pêché, à la superstition Ils nous feraient vivre selon la bourse et ses évolutions, Ils nous feraient vivre dans un astre malade, pourri de pollution.
Qu’es bòn De relevar la testa! Qu’es bòn De si sentir vivent! Qu’es bòn De rintrar dins la festa! Qu’es bòn oie qu’es bòn!
À l’aube comme souvent
tu descends peindre quelques galets
nourrir les poissons
leur dire qu’aujourd’hui comme hier
n’en mangeras pas
seul encore à cette heure
accroches tes yeux à l’horizon
respires le parfum des algues et des pins
puis remontes faire couler le café
fredonnant à voix basse
cette chanson belle et triste à la fois Lo libre salabrum*
Rouler vers le sud pour respirer la mer au bout du continent
la radio à fond
ambiance sixties
sur les routes d’Andalousie
et cette chanson des Gipsy Kings A mi manera Comme d’habitude
pour rejoindre l’extrème bout du sud
de notre vieille Europe
En ce lundi teinté de brun et de bleu foncé, pas le cœur à parler. Juste envie de partager cette version de la chanson de Jean-Baptiste Clément. Elle nous vient de l’Empire du soleil levant.
Quand nous chanterons, le temps des cerises Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête. Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au coeur Quand nous chanterons, le temps des cerises Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court le temps des cerises Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant Des pendants d’oreilles, Cerises d’amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang. Mais il est bien court le temps des cerises Pendant de corail qu’on cueille en rêvant.
Quand vous en serez au temps des cerises Si vous avez peur des chagrins d’amour Evitez les belles! Moi qui ne crains pas les peines cruelles Je ne vivrai point sans souffrir un jour. Quand vous en serez au temps des cerises Vous aurez aussi des peines d’amour.
J’aimerai toujours le temps des cerises C’est de ce temps là que je garde au coeur Une plaie ouverte. Et Dame Fortune en m’étant offerte Ne pourra jamais fermer ma douleur, J’aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au coeur.
Couplet ajouté pendant la guerre de 1871
Quand il reviendra le temps des cerises Pendores idiots magistrats moqueurs Seront tous en fête. Les bourgeois auront la folie en tête A l’ombre seront poètes chanteurs. Mais quand reviendra le temps des cerises Siffleront bien haut chassepots vengeurs.