Hiver #9 Le temps du souffle d’un soupir

Le nez en l’air comme toujours. Prendre de la hauteur, loin du spectacle pesant d’ici-bas. Lancer le regard ailleurs, vers où se se profilent d’autres rêves possibles. En montagne, vers Gavarnie, il y a de quoi se les dessiner ces autres contrées, au-delà des cimes. Lambiner là-haut, au-dessus des bouleaux, des hêtres, des pins à crochets et des mélèzes.

Profiter de la voie laissée libre à l’avancée, puis constater que le voyage est bien éphémère, rattrapés que sommes par la traîne des jets intercontinentaux et l’inquiétante chaleur de février qui trimballe avec elle le souvenir des glaciers disparus. Revenir sur terre. Au ras des cairns, au fil des écorces et de la neige de début janvier encore en résidence mais lourde d’humidité.

Trouver une trace, soudain. Un isard sans doute descendu dans cette clairière. Peut-être est-il venu s’abreuver au Gave de Pau qui prend naissance ici. Vivace et chantant, le jeune homme glacé. Bien davantage que jadis à cette époque, lorsque les neiges ne se mettaient pas à rendre l’âme au milieu de l’hiver.

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Tourner le dos à l’amont. Serpenter dans les vallées. Redescendre. Croiser un berger et sa bergère auprès de leur troupeau de brebis. Juste le temps de se saluer qu’ils ont déjà disparu.

Elles sont de retour, les grues sauvages. À peine parties se réchauffer au sud du sud que les revoilà, en vol d’écrivaines sur les pages du ciel, tantôt grises, tantôt bleues tendre. Ne pas traîner pour en saisir la trace. Elles avancent sur un tempo si décidé les demoiselles, que leurs minuscules messages apparaissent aussi vite qu’ils s’effacent. Le temps du souffle d’un soupir, le concert monocorde de leurs cris et de leur calligraphie s’est évanoui.

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De retour à la maison, se connecter sur Radio Garden et filer jusqu’au Japon. Près de 4 heures du matin là-bas. Rechercher la station la plus proche du Mont Fuji. Trouver Odawara FM, en mode radio de nuit. Se laisser embarquer. Pop japonaise et jazz à foison. Souple. Prendre le temps d’en savourer chaque mesure.

 

 

But Not For Me – Chet Baker

Le crépuscule lambine

crépuscule

Le crépuscule n’en finit pas de s’éterniser. Comme s’il refusait de laisser la place à la nuit noire. Il s’étire dans l’air doux de mai, il lambine, il palpite de bleu doré. Si je le quitte des yeux, juste une seconde ou le temps d’un battement de paupière ou du passage d’une abeille égarée, le voilà absorbé par l’encre de la nuit. Survient alors l’heure de la chouette. L’écouter hululer puis demander aux étoiles qu’elles guident ses prières.

S’il te plaît

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Ne me dis pas que ce fut un mirage non raconte-moi plutôt quels oiseaux chantaient là juste à côté de toi lorsque apparut cette merveille oui vas-y dis-moi leur plumage la taille de leur bec la grâce de leurs ailes dépeins-moi le dessin des écorces les nervures des feuilles la trame des rameaux d’où se lançaient leurs voix décris-moi s’il te plaît les secondes offertes à la peine du ciel lorsque tu pris ton envol vers là-bas.

Ce miracle

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Juste avant la naissance du crépuscule il arrive que des mots s’échangent en silence d’arbre à ciel et de feuilles à lune toi aussi tu parles au chaud de ton désir que tes yeux s’ouvrent demain encore sur ce miracle.

Elles sont de retour

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Juste le temps
de lever les yeux
et les voilà disparues
les grues sauvages
de retour des pays chauds
après à peine
deux mois d’hiver

Ce moment fugace de contemplation
m’a évoqué
deux haïkus

Une pierre pour oreiller
j’accompagne
les nuages

Taneda Santoka
( 1882 – 1939 )

Rien qui m’appartienne
sinon la paix du coeur
et la fraîcheur de l’air

Kobayashi Issa
( 1763 – 1828 )

Des heures de peu

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Des heures de peu
le corps et la pensée en errance
parmi les vestiges d’en bas
et les signes d’en haut
rien ou pas grand chose
qui puisse dissiper
cet arrière-goût d’abysses
qui rode et s’insinue profond
malgré l’éclatante beauté du ciel
rien ou si peu
qui puisse consoler
de tous ces siècles
à traverser sans toi désormais
mon Jacques

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