Marseillais, Stop ou encore ?

marsVallotton

En ce dimanche d’élections municipales, j’écoute le Printemps de Vivaldi en pensant à Marseille, ma ville d’amour, et je me demande : Stop ou encore ? Les immeubles qui s’écroulent et qui tuent, Stop ou encore ? Les milliers de logements indignes, Stop ou encore ? Les élus marchands de sommeil, Stop ou encore ? Les écoles délabrées, Stop ou encore ? Les piscines en ruine, Stop ou encore ? La misère endémique, Stop ou encore ? Les quartiers populaires abandonnés, Stop ou encore ? Les rues privatisées, Stop ou encore ? Les transports en commun négligés, Stop ou encore ? Les pistes cyclables galvaudées, Stop ou encore ? La saleté et la pollution à gogo, Stop ou encore ? Les bibliothèques fermées, Stop ou encore ? La ségrégation sociale entretenue, Stop ou encore ? La bétonisation à outrance, Stop ou encore ? L’arrogance et le déni, Stop ou encore ? Marseille maltraitée, Stop ou encore ? Je réponds Stop ! Mille fois Stop ! Et je conjure les Marseillais d’aller en masse jusqu’aux urnes pour dire Stop ! Basta ! Pour qu’ils choisissent de tourner une bonne fois pour toutes la page sur un quart de siècle de désastre entretenu à petit feu. Pour qu’ils décident de faire prendre à leur ville, notre ville, le virage vers une vie plus douce, un quotidien plus apaisé, un futur plus serein, à échelle humaine, dans une cité plus durable et plus égalitaire. Le choix me semble limpide. C’est le choix de la dignité. Il est urgent de dire Stop à tous les chapacans, Stop au naufrage en cours et de pousser bien fort dans les urnes le son du Printemps de Vivaldi, pour accompagner jusqu’au Vieux-Port le Printemps Marseillais.

 

Le Printemps, Antonio Vivaldi – version pour trois violoncelles, signée Mau Castillo

Illustration : Marseille, par @Félix Vallotton

Qu’es bòn !

portraitMarseille

Sur les murs de ma ville cette femme nous regarde venue de loin arrivée ici comme tant d’autres depuis tant de siècles derrière sa photo des journaux en chinois comme un habit de lumière au carrefour des continents un jour un portrait #OneDayOnePortrait ne sait qui a signé cet hommage discret à toutes celles et tous ceux venu.e.s d’ailleurs pour vivre à Marseille hommage à la fraternité joie dedans à chacun de mes pas et plaisir de fredonner l’une des chansons de Moussu T e lei Jovents qui chaque jour m’accompagnent où que je marche où que je respire où que je tâche de ne point désespérer

Qu’es bòn !

Nos farien creire que viure ensems es una ideia de calut,
Nos farien creire que sensa mestre seriam perdut,
Nos farien creire que tot pòu estre crompat o vendut,
Nos farien creire qu’es totjorn lo copable qu’es abatut.

Ils nous feraient croire que vivre ensemble est une idée de fou
Ils nous feraient croire que sans maître, nous serions perdus,
Ils nous feraient croire que tout peut être acheté ou vendu,
Ils nous feraient croire que c’est toujours le coupable qui est abattu

O fan
Qu’es bòn
De relevar la testa!
Qu’es bòn
De si sentir vivent!
Qu’es bòn
De rintrar dins la festa!
Qu’es bòn oie qu’es bòn!

Que c’est bon
de relever la tête !
De se sentir vivant !
De rentrer dans la fête !
Que c’est bon !

Nos farien veire dei montanhas d’aur per nos atisar,
Nos farien veire dei dieus poderos per davant si clinar,
Nos farien veire dei gròs saberuts per mai nos embarcar,
Nos farien veire d’imatges verinosa per nos enganar.

Ils nous feraient voir des montagnes d’or pour nous attirer
Ils nous feraient voir des dieux puissants pour s’incliner devant
Ils nous feraient voir des grands savants pour mieux nous arnaquer
Ils nous feraient voir des images venimeuses pour nous tromper.

Qu’es bòn
De relevar la testa!
Qu’es bòn
De si sentir vivent!
Qu’es bòn
De rintrar dins la festa!
Qu’es bòn oie qu’es bòn!

Nos farien viure un monde d’enveja e de prohibicion,
Nos farien viure empegat au pecat, a la supersticion,
Nos farien viure segon la borsa e seis evolucions,
Nos farien viure dins un astre malaut, poirit de polucion.

Ils nous feraient vivre un monde d’envie et de prohibition
Ils nous feraient vivre collés au pêché, à la superstition
Ils nous feraient vivre selon la bourse et ses évolutions,
Ils nous feraient vivre dans un astre malade, pourri de pollution.

Qu’es bòn
De relevar la testa!
Qu’es bòn
De si sentir vivent!
Qu’es bòn
De rintrar dins la festa!
Qu’es bòn oie qu’es bòn!

Bleu c’est bleu

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Bleu c’est bleu
croire encore aux jours heureux
rallumer les feux
les nourrir de petits jeux
contempler les cieux
applaudir les valeureux
apaiser les peureux
soulager les gueux
respecter les dieux
étreindre les amoureux
les jeunes et les vieux
se bisouter les yeux
et s’envoler deux par deux

Joli merle siffleur

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Chaque matin que le ciel fait espérer
ou Dieu, qui sait ?
chaque lendemain que l’Univers nous offre
dans sa tragique splendeur
et sa cruelle misère
tu reviens
merle siffleur
parler depuis ta frêle branche
aux morts déjà morts et enterrés
peut-être aussi te poses-tu aussi pour apaiser les morts à petit feu que sommes
devant la laideur et la saleté du monde

joli merle chanteur
tu ne crains ni nos cris
ni nos haines
ni nos crachats
ni nos hontes tues
sous le ciel laiteux ou bleu ou sombre
non
de ton bec or orangé
tu lances en paix ta mélodie
et réponds avec grâce
à celle que désirent parfois
timides
t’offrir mes pauvres lèvres en pleurs

voudrais tant te rejoindre un jour en souriant
sur ta branche fragile
pour ressusciter à tes côtés
les visages
les voix
et les baisers
de ceux qui autrefois
malgré les cris les haines les crachats et les hontes
osaient eux-aussi encore espérer
des lendemains divins

Fugace

Par la fenêtre de ma chambre
s’approche l’invisible flot
des récits tus
des merveilles ignorées
des paroles niées
des rêves déchirés de silence
j’ai beau me hisser vers la lune
rien d’autre ne flotte dans la nuit
que la trace d’un espoir fugace
s’enfuira dès le jour revenu

Ce printemps qui ne vient pas

Ne pas se fier aux apparences. L’hiver aux trousses, continuons d’avoir. Les aborigènes humiliés. Erri de Luca hospitalisé. Les baleines massacrées. Chez nous, le bleu foncé et le brun en avancée. D’où qu’elles viennent, les nouvelles nous racontent un hiver qui se prolonge. Ces oiseaux et ce piano, ce serait comme pour croiser les doigts. Comme pour nourrir la petite flamme de l’espoir. En récitant ce haiku de Yosa Buson :

Rien d’autre aujourd’hui

que d’aller dans le printemps

rien de plus.

  Le morceau de piano qui accompagne les oiseaux est l’œuvre de la pianiste japonaise Yuki Murata, membre du groupe Anoice.