Extinction de voies

Se poser. Urgent. Débrancher. Impératif. Écouter la pluie tomber et imaginer le lointain. S’évader au-delà des frontières de ce monde barbare. Sale. Ignoble. Ravaler les adjectifs souillés par tant et tant de salauds. Trop eu envie de crier ces dernières heures. Tueries. Enfants anéantis. Misère galopante. Planète méprisée. Regards détournés au passage de la différence. Égoïsmes à la pelle. Zemmourisation des ondes. Perdu la voix à force de hurler dans ma tête, fracassé par ce spectacle désespérant. Extinction de voies, me semble-t-il. Je deviens défaitiste. Ceci aussi me donne envie de crier. De dégoupiller. D’ouvrir le feu. Extinction de voies. Jusqu’à quand ? Continuer de patienter en écoutant Anoice, le groupe instrumental japonais. Et puis  se remémorer Le cri, le chef d’oeuvre d’Edvard Munch. Relire ce que le peintre norvégien écrivait à propos de son tableau : « J’étais en train de marcher le long de la route avec deux amis – le soleil se couchait – soudain le ciel devint rouge sang – j’ai fait une pause, me sentant épuisé, et me suis appuyé contre la grille – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et de la ville – mes amis ont continué à marcher, et je suis resté là tremblant d’anxiété – et j’ai entendu un cri infini déchirer la Nature. » Réécouter Anoice.

Un plongeon géant chez Katsushika Hokusai, peintre éternel

Plus de deux heures trente d’attente pour toucher des yeux une merveille absolue, l’exposition Hokusai, l’immense peintre japonais. Magie, délicatesse, sensualité, universalité. Les mots manquent pour décrire ce que j’ai ressenti en approchant les oeuvres de celui qui rêvait de vivre jusqu’à 110 ans pour prolonger sa folie du dessin. En tout, plus de 500 pièces exceptionnelles sont exposées au Grand Palais à Paris. Une grande partie de ces oeuvres n’ont encore jamais été présentées hors du Japon. J’ai été saisi d’une douce émotion face aux estampes d’oiseaux, de fleurs, de femmes, et celles de la série Les 36 vues du Mont Fuji, entre autres devant les myhiques Sous la grande vague au large de la côte à Kanagawa et Vent du sud Ciel clair. Ai trouvé sublime la série Voyage au fil des Cascades des différentes provinces. Découvrir en vrai Katsushika Hokusai est un voyage vers le Japon éternel et universel qui incite au recueillement et au chuchotement.

Hokusai chroniqueur de son époque. Hokusai maître du manga. Hokusai amoureux des oiseaux. Hokusai adorateur du Mont Fuji et de la mer. Hokusai dessinateur hors normes. Hokusai quitté à regret lorsque s’est rapprochée l’heure de reprendre le train vers le sud… Peut-être tenterai-je un nouveau plongeon dans son monde merveilleux d’ici au 18 janvier, date de clôture de l’exposition.

IMG_5363

Dispute d’enfants chinois autour d’une partie de go
1787-1793

IMG_5364

Sifflet de la cerise d’hiver
1801-1804

IMG_5369

Dragon volant au dessus du mont Fuji 1849
Pour prolonger le plaisir, Hokusai se visite aussi sur Arte.

Une hirondelle en hiver

https://soundcloud.com/nobutosuda1101/a-swallow-in-winter

Un son d’hiver. Un nom d’oiseau. Alors que depuis deux jours ici dans le sud s’échappe de la buée de nos bouches lorsque nous parlons, j’ai voulu partager cette évocation poétique d’une hirondelle par Nobuto Suda. Le compositeur japonais nous entraîne en douceur dans le proche basculement vers l’hiver. Les hirondelles, elles, ont déjà pris le chemin de l’Afrique. Pour prolonger cette écoute, découvrir la richesse des oiseaux du Japon sur oiseaux.net et se replonger dans la lecture de haikus de grands maîtres japonais, Issa, Buson, Bashō, ou Sôseki

Sur l’aile du vent
Légère et lointaine
L’hirondelle

Natsume Sôseki (1867-1916)

Hirondelledaprès-Kano-Naonobu-Japanese-1607–1650-et-détail

Hirondelle, d’après Kano Naonobu (1607–1650)

Stabat Mater sous l’orage

Pas arrêté de pleuvoir ce lundi. À peine mis le nez dehors pour aller chercher le pain. Sinon, ai écouté la pluie taper sur les tuiles, retrouvé le Saleys bourdonnant et me suis passé et repassé le Stabat Mater sous l’orage du compositeur estonien Arvo Pärt. Je ne sais pourquoi j’ai songé à ce Fuji sous l’orage, précisément L’orage sous le sommet de la montagne, l’une des Trente-six vues du mont Fuji du grand maître Hokusai. Et puis j’ai fait une découverte, le Salve Regina du même Arvo Pärt.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=f1CNNf9iU9Y]

En écoutant ces merveilles, ai pensé qu’elles étaient un beau prolongement de mon billet sonore d’hier. Me suis dit aussi que Maman aurait aimé ces voix et cette musique posées au bord du monde et au pied du majestueux Fuji, la montagne sacrée de mes amis japonais.

L’origine du son de la pluie

C’est l’artiste japonais Yugo Nakamura qui a créé cettte bande son à partir d’une multitude de gouttes de pluie enregistrées sur plein de surfaces différentes. Ai découvert cette merveille grâce à Arte Creative. Une pure joie d’écoute. Amplifiée par la tiédeur de ma couette hier alors que des trombes d’eau s’abattaient sur Marseille.

Valse d’automne

Vu passer les grues tout là-haut hier après-midi. M’a semblé qu’elles descendaient vers le sud, fuyant les froidures de ces journées qui n’en finissent pas de raccourcir. Moins de lumière, nous aurons bientôt. Avance transi chaque jour un peu plus. Migrerais volontiers vers les pays chauds, comme ces grands oiseaux. Ici, les heures s’égrènent en catimini, sans un bruit. Dans l’air, j’entends comme une valse d’automne. La pianiste japonaise Yuki Murata a composé ce morceau mélancolique, intitulé Autumn Walz.

Le Mikado c’est rigolo

À l’heure de la sieste hier, Zoé, Empar, Mathilde, Marius et Baptiste se sont bien amusés en jouant au Mikado géant. Tout à côté, sous mon figuier ensoleillé, j’ai rêvé un peu et me suis transporté jusqu’en Chine et au Japon. Ensuite, les rires se sont envolés et nous sommes tous allés nous baigner.

figuier

Et coulent les rivières japonaises en souvenir d’Hiroshima et de Nagasaki

J’ai choisi de partager ce collage de sons des rivières japonaises proposé par Arte Radio pour apaiser le chagrin qui m’étreint en me souvenant de ce sinistre mois d’août 1945.  Hiroshima. 6 août. Nagasaki. 3 jours plus tard. Il y a 69 ans, les Etats-Unis passaient à l’action et commettaient un véritable crime de guerre en lançant des bombes atomiques sur les deux villes japonaises. Ces bombardements ont surtout tué des civils. Ce collage de sons a été réalisé par l’émission Oto no Fukei sur la radio publique NHK.  Les Hibakusha, les survivants des explosions, sont devenus le symbole d’une lutte contre la guerre et les armes atomiques à travers le monde.

Livres de ma vie / Hokusai / Les trente-six vues du Mont Fuji #2

TANAA

Hokusai aimait représenter la nature ainsi que la vie quotidienne des gens du peuple, comme les artisans, les paysans, les pêcheurs. Sur l’estampe La rivière Tama dans la province de Musahi, ils sont à l’honneur, au pied du Mont Fuji, au bord de la rivière, comme sur le cours d’eau. Hokusai en rend le mouvement par des lignes ondulées, bleu sombre. Ces vagues légères contrastent avec l’immobilité du décor tout autour. Le Fuji trône, serein et tranquille en toile de fond, au dessus de la brume qui le sépare des eaux mouvantes. J’adore ce tableau qui évoque l’harmonie entre l’homme et la nature. Une harmonie dont la quête – ou la recherche – sont palpables au Japon, comme d’ailleurs en Chine, lorsque l’on regarde vivre les gens.

Livres de ma vie / Hokusai / Les trente-six vues du Mont Fuji #1

Hokusai

Est entré dans ma vie depuis à peine un peu plus d’un an, ce livre. Depuis que j’ai survolé le Fuji à mon retour de Kamaishi, en mai 2013. Fasciné par ce mont mythique je suis. Pas autant que les Japonais qui le grimpent en pélerinage mais bouleversé par sa grandeur, sa paix, sa forme, le cadeau qu’il fait au ciel. Les trente-six vues du Mont Fuji, par Jocelyn Bouquillard, est toujours à portée de main et de regard chez moi. Hokusai se disait « fou de dessin ». Peintre du dix-huitième siècle, il est pour moi inscrit dans l’éternité.

«  LE FOUZI-YAMA, la Montagne sacrée, asile des légendes mystérieuses et des antiques rêveries naturalistes, se dresse dans la fraîcheur des matins bleus et dans l’or du soir. L’air et ses mirages entourent comme de molles écharpes les neiges de son pic, ses flancs de rocher et les forêts de pins qui dévalent les pentes. (…) L’art japonais n’a jamais été traversé par une méditation plus large; jamais ses peintres ne se sont approchés de la nature avec autant de gravité. »

Henri Focillon, Hokusai 1914

Copyright @Seuil / BNF