Du miel au bout des doigts #5

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Discrètement, je leur tire la langue. Avachie à la caisse, près de l’entrée, Mado n’apprécie pas trop.

Elle serre les mâchoires en me menaçant d’un index tremblottant.

Du coup, je calme le jeu et je déroule sur mon clavier.

Souple et doux. “ Little piece in C for U ”.

Le swing boulègue et je cherche à deviner qui a bien pu me faire porter l’enveloppe bleutée.

Lisa n’a rien voulu me dire d’autre que “ tu perds rien pour attendre” avant de s’immerger dans ses courses aux trois “C” : caisse, clients, comptoir.

Scotché au clavier, j’ai beau mener ma ronde vers les fourrures et les sacs en croco, les turbans en feutre et les diamants, chou blanc.

Aucun sourire aux commissures. Aucun clin d’oeil coquin. Aucun rond de main qui pourrait revendiquer le billet, à la dérobée.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #4

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Ce soir pas de surprise, à la “ Vierge Dorée “, c’est Bysance.

Mado, la patronne, fait carton plein à chaque fois. Vingt ans que la monnaie tinte sur le comptoir cuivré.

Plus une place dans la grande salle aux baies vitrées qui ouvrent sur le port.

Peu de connaisseurs et beaucoup de m’as-tu-vu. Jeunes bourgeoises à lévrier, rombières emperruquées à collier marseillais, veuves éteintes au nez refait, encravatés liftés avec maîtresse, intellos de broussaille avec minot.

Je me pince, mais non, ce n’est pas un mirage, il y a même des enfants autour des tables du fond.

Tandis que les parents bavardent, ils dégustent leur glace trois boules en boudant ferme, le menton calé dans une main, la petite cuillère en équilibre dans l’autre. L’ennui dégouline de leurs faces proprettes de gosses de riches.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #3

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Le problème avec Lisa, c’est sa jalousie aiguisée comme un Laguiole.

Elle ne supporte pas que les clientes me tournent autour et m’invitent à prendre un verre après le service. Aussitôt, les larmes la possèdent et dès que la caisse est bouclée, elle file s’enfermer dans son studio. J’ai beau lui répéter à travers la porte que c’est elle ma gâtée, ma préférée, mon caramel, Lisa se met minable. Je ne dois pas être assez convaincant. Pourtant, un double whisky avec madame avant le dodo, je trouve qu’il n’y a pas mort d’homme, moi.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #2

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Lisa me prend pour un émigré cubain. A cause de mon béret vert-olive, de ma peau mat et de mon faux air caribéen. Petite erreur de feeling mais je lui ai tout de suite pardonné. Le rhum et le citron vert la rendent très douce ma malgachine et si généreuse une fois notre journée terminée.

Je la trouve encore plus délicieuse depuis qu’elle vient me caresser les doigts lorsque je m’assieds à mon Steinway. Elle approche ses cils de mes joues et d’un sourire, me glisse qu’un petit massage ne me fera pas de mal.

– “ Ca va même vous porter bonheur, senor havanero ! “.

Lisa me parle souvent espagnol. Elle a des mains d’accoucheuse et le bout des doigts bombé comme un dé de couturier.

La tête contre son épaule, je me laisse masser de la paume aux ongles. Pour saupoudrer la valse de ses pouces, elle m’offre aussi un zeste de son souffle teinté de Cuba Libre . Je le savoure, silencieux et apaisé.

(à suivre)

À Avignon, Laure Bruno joue « Andoni et Léa »

C’était hier après-midi au Bar Culturel de l’Angle, à Avignon. Laure Bruno dans le rôle de Léa, fille d’Andoni, héros de la Guerre d’Espagne. Émouvante et sensible interprétation du personnage, tiraillée entre son amour pour son père et la détestation de celui qui l’ignore et ne pense qu’à lui et à construction de ses avions. Extrait de l’une des scènes du spectacle que Base Art Compagnie donne jusqu’à dimanche prochain 27 juillet dans le OFF du Festival d’Avignon, à partir de trois des treize nouvelles de mon recueil Marseille rouge sangs publié aux Éditions Parole : Du miel au bout des doigts, L’affaire de ma vie et donc Andoni et Léa. Y ai assisté avec mes enfants. Reviendrai samedi aux côtés de ma compagne, si heureux de voir l’existence de ces personnages prolongée sur scène. Laure Bruno, Paul Bruno et Frédéric Chiron leur donnent vie et les installent dans une dimension qui me touche, me séduit et me plait beaucoup. Je reçois leur spectacle comme un immense cadeau. Remerciements à eux ainsi qu’a Dominique Lhotte, la patronne du Bar culturel de l’Angle, investie depuis des années dans le OFF du Festival.LaurePaulBruno

Paul Bruno joue Oscar, pianiste de jazz dans Du miel au bout des doigts

LaureFredChiron

Frédéric Chiron dans le rôle de Pierrot, journaliste licencié et reconverti en nettoyeur de pierre tombales dans L’affaire de ma vie

 

Du miel au bout des doigts #1

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Du miel au but des doigts est l’une des treize nouvelles de mon recueil « Marseille rouge sangs » publié l’an passé aux Editions Parole. C’est aussi l’un des trois textes du livre adaptés au théâtre par Base Art Compagnie et joués jusqu’au 27 juillet dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon. Le spectacle est accueilli par le Bar Culturel de l’Angle.

Je baignais en plein “ Chloé meets Gershwin ” lorsque Lisa est venue me tendre un petit billet bleuté et parfumé en me chuchotant, la bouche tordue:

– “ Encore une cagole folle de toi, Oscar ! ”

Du regard, je lui ai montré le rebord du Steinway. Elle y a déposé le papier cacheté et s’est éloignée furieuse vers le comptoir du piano-bar.

Lisa c’est ma serveuse préférée. Une de ces métis sensas qui swingue et suce comme une Rolls. Douce et dingue mais peu docile. Idéal pour ne pas se lasser.

Trois mois que nous nous connaissons, depuis mon arrivée à la “ Vierge Dorée ”, la cave à jazz la plus en vue de Marseille.

Le premier soir, dès que je me suis installé au piano, j’ai senti ses yeux violets posés sur ma bouche, là, tout contre mes lèvres.

– “ Un petit Mojito senor Oscar ? “

(à suivre)

Du miel au bout des doigts

Extrait de répétition. « Du miel au bout des doigts » est l’une des quatre nouvelles de mon recueil Marseille rouge sangs que les comédiens de Base Art Compagnie sont en train d’adapter au théâtre. Imprégnée de la musique de Thelonius Monk, l’une de mes préférées. Là, c’est Paul Bruno qui joue le rôle d’Oscar, un pianiste de jazz pris au piège de la séduction. Premières représentations les 13, 14 et 15 juin à Mazan, dans le Vaucluse. Suivies de 9 dates au Festival D’Avignon,  dans le OFF, du 19 au 27 juillet 2014  à 14H30 au Bar de l’Angle.

Un extrait de DU MIEL AU BOUT DES DOIGTS.

répèt

 

Marseille rouge sangs monte en douceur vers le Festival d’Avignon #1

Émotion forte hier. Très forte même. J’ai assisté hier à Mazan dans le Vaucluse  à l’une des répétitions du spectacle que la troupe Base Art Compagnie a choisi de créer à partir de 4 des 13 nouvelles noires de mon recueil Marseille rouge sangs publié l’an passé aux Éditions Parole. Laure Bruno, Paul Bruno et Frédéric Chiron répètent dans une petite salle superbe aux murs de pierre sise sur une aile de leur ferme. Ils l’ont aménagée exprès pour travailler et donner leurs spectacles aussi parfois. Émotion forte car je n’avais jamais osé imaginer que les personnages de mes nouvelles puissent un jour être incarnés, vivants, parlants, criants même parfois là sous mes yeux et bientôt devant ceux d’autres gens. Magie du théâtre. Accoucheur d’humanité. Fierté aussi, je l’avoue. Car ce spectacle, Base Art Compagnie le donnera cet été au Festival d’Avignon, dans le  cadre du OFF, du 19 au 27 juillet.

Allo, c’est le titre de la nouvelle dont vous venez d’entendre un court extrait. Laure dans le rôle de Maryse, Frédéric dans celui du client de la cafétéria où il rencontre Maryse… et Paul dans la peau du récitant. Prochainement, je donnerai à entendre les extraits des 3 autres scènes répétées par mes amis de Mazan : Du miel au bout des doigts, Andoni et Léa et L’affaire de ma vie.