Ce restau tu tombes dessus un jour de pluie marches depuis une bonne heure malgré les gouttes observer le quartier t’immerger ses bruits ses cris ses allées et venues dans tous sens prises dans la grisaille les rues se ressemblent encore davantage un peu embrumé tu avances au ralenti commences à être trempé pluie tiède fond de l’air tiède la faim aussi besoin de manger de te poser longes les murs prends de grosses gouttes sur la casquette frôles le battant d’une porte métallique verte à main droite une remise un hall de maison il fait garage à vélos à peine éclairé une planche sur deux tréteaux au fond à gauche et une douzaine de saladiers en fer blanc dessus avec chacun un plat dedans au mur une armoire électrique une quinzaine de compteurs des planches et une bicyclette rouillée remisées d’un côté de la table deux vélos de l’autre le patron chemisette blanche manches courtes propose de te servir dans une barquette tu choisis salade cuite tofu sauce tomate et vermicelles soja frits il montre la viande non merci pas de viande non presque plus envie en Chine comme en France et puis penses tout le temps à la souffrance des animaux te sens coupable de plus en plus rare que tu en manges voudrais arrêter totalement y arriveras bientôt Papet il te tend une autre barquette le riz fumant déborde tu t’assieds à côté d’un jeune ouvrier penché sur son repas d’autres mangent debout bol et baguettes en mains certains ont fini ils fument vestes de pluie bottes crottées de boue chaussures de chantier raclement de gorge ça crache dehors sur le trottoir tu te régales malgré le bruit du crachat et de la circulation le patron te propose de l’eau il t’apporte un verre d’eau chaude meilleur pour la santé les Chinois te donnent toujours de l’eau chaude ouvriers en pause leur propose ta place ils refusent en agitant la main le sol est trempé gare en sortant de pas glisser la femme du patron arrive dans ton dos d’une pièce qui doit être la cuisine n’en es pas sûr elle jette un torchon mouillé sur la table où tu finis de te lever la faim plotch il fait le torchon plus de riz dans ta barquette collant à souhait remplace le pain le riz ici tentes de discuter un peu avec le patron mais tu ne comprends pas trop sans doute son accent de Shanghai lui dis que c’était très bon Hen Hao Chi 很好吃 il te remercie en tirant sur sa cigarette dix yuans il te demande même pas deux euros pour se régaler et repartir rassasié vers ton rendez-vous avec Jia Jia ta tatoueuse.
ouvrier
La mémoire jaune et bleue de Christophe Grossi
Jaune bleu. Deux couleurs pour un souvenir d’enfance raconté avec délicatesse et fierté par Christophe Grossi. Son père était ouvrier dans une usine de sous-traitance pour Peugeot & Suisse, quelque part dans l’Enclave, ce territoire qui inclut toutes les communes situées autour des usines Peugeot (Sochaux, Montbéliard, Audincourt, Valentigney, etc…). Christophe Grossi est l’un des auteurs à l’affiche du cru décembre 2014 des Vases Communiquants. Jaune bleu. Titre de ce récit posté ici empreint des multiples saveurs de la mémoire ouvrière. Je l’ai savouré comme un biscuit empli de tendresse. J’ai pensé à l’enfance de mon père, fils d’ouvrier agricole. Je me suis rappelé les ouvriers qui réparaient les bateaux sur les chantiers navals de Marseille. J’ai convoqué le souvenir de toutes ces mains privées de visage par la casse répétée de l’outil industriel de notre pays. Jaune bleu. Une tranche de vie fugace et gravée à jamais dans le coeur d’un fils d’ouvrier. Pour prolonger cette écoute, le site de Christophe Grossi c’est par ici.
Le marteau-piqueur
L’effroyable vacarme du marteau-piqueur. Sur les chantiers de nos villes, des ouvriers passent des journées à manœuvrer ces outils perceurs. Celui que j’ai croisé dans la rue s’attaquait à du goudron. Il ne portait pas de casque anti-bruit…
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La loi oblige l’employeur à protéger l’audition de ses employés dans les environnement de travail où le bruit ambiant est supérieur à 85 décibels.
Le marteau-piqueur sur Wikipedia