Une vie avant MOTCHUS (8) des limaçons et un bada

 » A l’aïgo sau, leï limaçoun ! N’aven dei gros, e dei pichoun ! «  Le sel de MOTCHUS c’est aussi de voir ressurgir un souvenir d’enfance au détour d’une grille et d’un mot trouvé. Hier, après deux bonnes heures de prise de teston et de pêche infructueuse, cet aigo-sau est sorti de sa cachette et a de suite ressuscité la voix de la marchande de limaçons qui passait chaque semaine en bas de chez nous avec sa marmite sous le bras. Nous habitions rue du Docteur Frédéric Granier, dans le quartier d’Endoume. Après deux années passées dans un tout petit appartement au Panier – les deux premières de ma vie – nous avions déménagé pour venir vivre chez ma grand-mère maternelle Zoé..  » A l’aïgo sau, leï limaçoun ! N’aven dei gros, e dei pichoun !  » Je réentends Mémé Zoé le fredonner avec gourmandise ce refrain en provençal, sa langue maternelle, en descendant acheter ses limaçons.

MOTCHUS nous l’enseigne tous les jours depuis plus d’un an, le langage de Marseille ne saurait se résumer à quelques clichés pour quelques estrangers ou gens à accent pointu. En réalité, c’est bien plus sérieux que ça le parler marseillais. Pas vrai Pierre Échinard ?

Figurez-vous que mon Dictionnaire du marseillais fut victime – parmi tant d’autres livres – de l’inondation que nous avons subie chez moi en 2018. Je m’étais régalé de m’y promener. J’y avais découvert un moulon de mots, de définitions et de références. Il me servirait bien lorsque je rame fort le soir ou le matin en cherchant le MOTCHUS du jour. Il paraît qu’il est épuisé, mais mon petit doigt me dit qu’il y aurait encore moyen de se le procurer…

À la demande générale, comme c’est dimanche, voici un petit bada : le replay de ce feuilleton que j’ai pris plaisir de partager.

Bon, maintenant, je vous laisse, je m’en vais chercher le MOTCHUS du dimanche, très Mémé des Accates paraît-il ! Aïoli sur vous !

Une vie avant MOTCHUS (7)

Et si parmi les 1.800 mots que propose le Dictionnaire du marseillais, vous en choisissiez un, quel serait-il ? Vous me répondriez sans doute qu’ils vous plaisent et vous parlent tellement tous ces mots que ce serait péché d’en sortir un du lot. Pour Pierre Échinard, tout pareil. Lui, il en a choisi deux, bien jolis, que voici.

Pas encore remis de la pitoyable élimination de l’OM, j’en choisis deux moi aussi : pébrons et rointer

(à demain !)

Une vie avant MOTCHUS (6) et après l’OM…

Par souci d’économie d’énergie, je ne m’étendrai pas sur le caractère visionnaire du mot estramassé raconté hier ici. Je préfère rester poli. Après la cagade majuscule de notre OM, ce jeudi fut noir de honte et notre colère, Camelus Blah la décrit tellement bien dans sa Canebière Académie qu’il n’y a rien à rajouter. Aujourd’hui, c’est sur une autre institution marseillaise, l’un des mots emblématiques de notre parler que se penche Pierre Échinard.

(à demain !)

Une vie avant MOTCHUS (5)

Le temps de me rembrailler – et de marronner dans ma barbe parce qu’à une lettre finale près, je l’avais en deux ce Motchus #406 – me voilà prêt pour la méditation motchusienne du jour, sous la forme de l’affirmation que voici (vous me démentez si je me trompe) : dégun peut dire qu’il n’a jamais entendu les mots que voici, racontés, interprétés par Monsieur Pierre Échinard, Académicien de Marseille, et co-auteur – entre autres avec notre sociolinguiste préféré Médéric Gasquet-Cyrus – du Dictionnaire du marseillais. Les avons entendus et prononcés souvent ces mots, pas vrai ? Et pas seulement sur le Vieux-Port. Tellement nôtres !

(à demain !)

Une vie avant MOTCHUS (4)

Où il est question ce mercredi de Monsieur Brun et de Parisiens… Pas des affreux en bleu foncé avec la Tour Eiffel sur le maillot, non, je vous rassure. Non, un mot patrimonial, nourri par des siècles d’histoires, lui. Après peuchère, la pile, bader et plein de gros mots et d’expressions grassouillettes à souhait – vous avez adoré l’incontournable « –Va caguer à Endoume ! » , Pierre Échinard se délecte aujourd’hui d’un autre grand classique du parler marseillais, dégun.

(à demain !)

Une vie avant MOTCHUS (3)

Les gros mots, le parler gras, ça nous connaît bien sûr. Nous sommes n’en sommes pas avares. Pierre Échinard, vénérable Académicien de Marseille,  confirme que le Dictionnaire du marseillais accueille une ribambelle de mots grossiers. Il nous le dit avec un zeste de pudeur mais sans mâcher ses mots… 

(à demain !)

Une vie avant MOTCHUS (2)

Oh fan que ce fut dur hier de trouver le MOTCHUS #403 ! Ça m’a bien pris en tout trois heures ! J’ai même dû écourter mon pénéquet du dimanche pour ne pas me mettre à la bourre avant le match de l’OM (non, je ne regrette pas du tout de l’avoir regardé). Tout ça pour y passer encore une bonne demie-heure avant que la lumière jaillisse et m’évite une escapade imprévue aux Goudes. Pierre Échinard l’aurait-il trouvé plus vite, lui qui depuis hier, nous raconte ici quelques-uns des mots marseillais recensés dans son Dictionnaire du marseillais ?

(à demain !)

Une vie avant MOTCHUS

La belle fête que nous avons vécue ensemble jeudi dernier pour célébrer les 400 coups de MOTCHUS m’a donné envie de ressortir de mon cabas et de partager un merveilleux souvenir. En mars 2015, enregistreur en main, j’avais rencontré Pierre Échinard l’un des auteurs du remarqué Dictionnaire du Marseillais, publié il y a bientôt vingt ans. Historien, membre de l’Académie de Marseille, Pierre Échinard a co-signé l’ouvrage riche de plus de 300 pages consacrées au parler de Marseille du début du XXe siècle à nos jours. Je m’étais régalé à l’écouter me parler de quelques-uns des mots de notre langage marseillais/provençal et j’en avais fait un petit feuilleton. Rebelote à partir d’aujourd’hui, en commençant par les présentations et par peuchère, évidemment d’actualité en ce dimanche motchusien qui nous promet de bien nous escagasser le teston à la recherche du #Motchus 403.

(à demain !)

Onze à la douzaine

onzeheuresdusoir

 

 

Les mots pour le dire

« J’ai entendu onze coups. Onze. Plus qu’un seul et c’en sera fini de ce jour. Onze fois résonnent. Onze. En toi tu le prononces ce mot. Onze. C’est un son grave qu’il produit. Onze. Il y a aussi ce ze qui est joli. Si tu le répètes en accélérant tu te crois auprès d’une cigale. Si tu espaces le tempo tu aperçois une petite scie. Si tu la dis continuo cette petite syllabe, tu revois l’écriture du sommeil dans les bulles d’un BD. Ze c’est aussi ainsi que les tout jeunes enfants se nomment quand ils parlent d’eux-mêmes. Les grands disent défaut de langue. Les grands passent à côté du charme parfois. Les grands ne jouent plus souvent avec le je. Onze. Onze. Onze coups de cloche au-dessus de la ville. Plus qu’un seul et c’en sera fini de ce jour à la douzaine. »

Les mots de Gilou, mon ami d’enfance sourd-muet

Gilbert

Il me manque Gilou, mon ami d’enfance sourd-muet. Nous nous connaissons depuis tout minots. La vie nous a longtemps tenus éloignés mais chaque année ou presque, nous nous sommes retrouvés l’été et nous avons partagé tant de moments plaisants. Inoubliables. Je me souviens des après-midis de canicule en juillet et en août au bord du Verdon. Plus tard des baignades au bord du lac de Sainte-Croix. Je me rappelle le miel dégusté à même les hausses sur la murette de sa maison, près du monument aux morts de 14-18. Je me souviens des parties de boules, le soir à la fraîche sur la place de Bauduen, son village qui est aussi l’endroit du monde où est née ma Mémé Zoé. J’y montais pour les grandes vacances. Lui aussi se souvient de ces moments précieux, j’en suis sûr. Pendant le confinement, nous avons pris de nos nouvelles. Lui l’a passé à Bauduen, auprès de ses parents, là où il a vécu les trois premières années de sa vie.
Avec Gilou, nous avons toujours communiqué facilement. J’ai appris à lui parler lentement et en accentuant l’articulation des mots. Lui, il a toujours su déchiffrer mes paroles sur mes lèvres et toujours su me répondre à sa façon, avec ses sons à lui. Son langage, je l’ai toujours compris. Du coup, nous avons toujours beaucoup échangé. Il y a six ans, c’est à Bauduen que je lui avais proposé d’enregistrer ses paroles. J’en avais très envie. Je m’étais dit qu’il n’y avait pas de raison pour que je le fasse pas. Je savais que j’apprendrais beaucoup à l’écouter se raconter. Il avait accepté de se confier. Avec tant de gentillesse. Il m’avait parlé de son enfance, de ses années d’apprentissage, de sa condition de sourd-muet, de son parcours professionnel, de son village d’amour. Ses mots, je les réécoute aujourd’hui et je les partage. En espérant fort que nous pourrons nous retrouver bientôt pour échanger encore et toujours.

Les mots pour le dire.

« Je suis sourd de naissance. Depuis tout petit je n’entends rien. Déjà dans le ventre de ma maman, je n’entendais rien. Je ressens les vibrations des sons lorsque je suis en boîte de nuit, ou quand il y a le feu d’artifice. Je les ressens dans le corps. Sinon je n’entends rien. Ce silence c’est une habitude. Je vois plus. Je suis plus attentif. La nuit c’est difficile dans le noir. L’équilibre est difficile la nuit. Je n’arrive pas à imaginer le chant des oiseaux. Les oiseaux, je les vois voler et puis c’est tout. Avec les gens, la communication est difficile. J’écris des sms sur mon portable mais c’est difficile. J’ai des amis qui sont eux aussi sourds et muets, à Marseille, à Nice. À La Ciotat, j’ai des amis qui entendent et j’arrive à parler avec eux. J’aime le foot. Je jouais bien, mais maintenant c’est fini, j’ai soixante ans. Je regarde le foot et je vais au stade. Je supporte l’OM. Je viens souvent à Bauduen voir ma famille, voir maman. Je l’aide à entretenir la maison. J’aime beaucoup être à Bauduen. C’est calme, tranquille. Je rêve de beaucoup de choses. Si je suis heureux ? Normal. Ça dépend des jours. Il y a des hauts et des bas. C’est difficile d’être sourd, de ne pas entendre. Je lis des livres un peu. Je vais sur Internet. J’y ai des amis. Nous communiquons par vidéo. Nous échangeons avec le langage des signes. Je suis content de venir dans mon village et de retrouver les gens. Ici, je vais me baigner dans le lac. »
« J’ai été à l’école à Nice, de 3 ans à 8 ans, puis après à Marseille, à l’Institut des sourds et muets, à côté de Notre Dame de la Garde, en dessous. J’y ai appris à parler, à écrire. J’ai appris le langage des signes. Ensuite, j’ai passé le Certificat d’études et j’ai été apprenti menuisier pendant trois ans. J’ai réussi le CAP à 17 ans et j’ai travaillé aux Chantiers navals de La Ciotat comme menuisier ébéniste à l’intérieur des bateaux. J’avais de bons camarades. Nous étions un bon collectif. Après, les Chantiers ont fermé, j’ai été licencié économique et j’ai trouvé du travail à l’Institut des sourds et muets à Marseille, comme homme d’entretien. J’y suis resté jusqu’à la retraite. »