Yeux bleus azur ; longue barbe blanche ; moustache jaunie par le tabac ; bonnet gris ; Serge a 65 ans ; accroupi dans un coin au bout de la Grande Plage de Biarritz ; sous le balcon de l’Hôtel du Palais ; précisément sous la piscine du cinq étoiles ; à l’abri du vent ; à ses pieds trois grands sacs plastique ; un pour ses vêtements ; un pour ses couvertures et sa nourriture ; un matelas plié dans l’autre ; hier après-midi ; marée basse ; à peine un ou deux degrés au-dessus de zéro ; quelques surfeurs à l’eau ; et Serge posé sur un oreiller bleu foncé ; à regarder l’océan ; comme presque chaque jour depuis 4 ans ;
Serge a un peu de mal à respirer ; il a aussi perdu ses dents ; lui ai apporté une veste chaude ; du thé sucré ; une tranche de gâteau basque aussi ; offerte par l’un des serveurs d’un café près du Casino ; Serge a mis la veste sous son blouson ; et puis il a parlé ; au début aucun son n’est sorti de sa bouche ; juste quelques mots murmurés ; trop froid pour laisser passer un son ; après le thé sa voix a commencé à se frayer un chemin dans l’air glacé de janvier ;
Serge a travaillé toute sa vie sur les marchés ; vendait des vêtements en région parisienne ; il ne touche ni retraite ni RSA ; sans papiers il est ; le matin il fait la manche près des Halles de Biarritz ; Serge n’a plus de contact avec sa famille ; espère le printemps pour monter sur Arcachon ou sur Royan .