Encensons ce jour nouveau

jour1

Sortons. Partons. Frissonnons. Pédalons. Humons. Écoutons. Contemplons. Posons-nous. Cillons. Glanons. Taisons-nous. Respirons. Imprégnons-nous. Goûtons. Imaginons. Tremblons. Souvenons-nous. Prions. Rêvons. Avançons. Encensons ce jour nouveau.

 

Domenico Gabrielli – Ricercar No. 6 – Elisabeth Reed

Shanghai est une apparition

apparition1

C’est l’heure de la promenade l’heure de colorer le jour qui baisse et teinte de gris sale les murs et les façades de la vieille cité
c’est l’heure de fendre le froid de l’air qui enserre les mains et les visages
l’heure de lâcher un instant les mamans à la tâche depuis l’aube les laisser respirer se retrouver se raconter leur journée tandis que les papas restés au chaud jouent au go ou aux cartes et fument en parlant fort
c’est l’heure de tenter une course fragile de tapoter le sol de ses petits pieds roses et d’imaginer le printemps
c’est l’heure de la promesse de jours débarrassés de la laideur et de la violence du monde

c’est l’heure de l’apparition
la saisir comme on accueille un oiseau de passage
en douceur
et le laisser s’envoler comme une précieuse seconde arrachée au cadran rouillé de l’éternité.

La tentation de la fuite

img_2930

Promener dans quelques allées
l’oreille dressée
l’œil attiré
par une sonnette-coq
écouter au portail
tomber sur un transistor
abandonné
pour minutes ou heures
posé sur la machine-à-laver
comprends le proprio
trop souvent l’info servie dans le poste
moins qu’à la télé mais quand-même
me laisse lessivé
happé par la tentation
de la fuite vers le silence-radio

Cot Cot Codèt

img_2925

Le dimanche
j’aime bien aller saluer les poules
qui promènent auprès de leurs coqs
dans les jardins d’à côté

sont peureuses, peuchère
se cachent vite derrière les haies
si seulement elles savaient
que pourtant je ne veux rien d’autre
que tenter de chanter
avec elles à tue tête
Cot Cot Codèt

Descente au Verdon

Ce texte est ma contribution à la deuxième proposition de François Bon dans son atelier d’écriture en ligne sur le thème du lieu. Le mouvement, mais sans verbe. Une consigne : pas de verbe, donc, usage de l’infinitif et du participe présent, verbe conjugué réservé aux propositions relatives ou complément. Pour le plaisir, j’y ai ajouté la consigne du premier atelier de cette série : un seul signe de ponctuation : le point-virgule. Bienvenue dans ma Descente au Verdon.

verdon

La place aux marronniers ; aux trois-quarts revêtue de sable ocre et de terre fine pour les parties de pétanque ; l’autre quart goudronné menant aux rues du village cul-de-sac en longeant l’immense façade blanche large et haute comme un fronton de pelote ; les hirondelles à fleur de poussière, le long des maisons et jusqu’aux toits aux tuiles brûlantes ; en contrebas de la place la route des aller-retours vers l’ailleurs ; les arrivées dans la petite fourgonnette Renault Alouette depuis Aups via Brignoles ; plus grand l’autobus au départ de Marseille en juillet ; à présent une descente à pied vers le Verdon après la sieste ; notre balade préférée en été ; sur nos têtes les bérets chapeaux de cow-boys casquettes blanches au liseré brun pâle de sueur larges coiffes de paille avec rubans lavande pour les dames et mon petit couvre-chef en feutre vert comme celui de Peter Pan ; le goudron ébène fondu collant aux semelles des sandalettes ; les amandiers calligraphes avec quelques points sombres sur les branches sveltes ; les rares amandes encore accrochées épargnées par la cueillette ; tête tantôt bien droite vers les vergers et les champs en jachère tantôt baissée vers les chaussures car la pente raide et parsemée de gravier par endroits sur la petite route toute en lacets ; le souvenir des chutes plus jeune ; tout petit garçon ; la trace encore vivace aux genoux ; après deux trois virages le regard tendu vers le mas de Tante Berthe en direction des Basses-Alpes ; sa peau traversée de rides douces avec un duvet d’adolescente au menton ; le sourire tendre et quelques dents absentes près des canines ; sa chèvre trainée depuis la cave jusqu’au pré nourricier ; absente peut-être à cette heure ou encore à la sieste car levée si tôt en toute saison ; passé le mas les chênes truffiers de Mémé ; discrets et feuillus ; déjà la soif au gosier et la gourde en fer blanc, cabossée tirée du sac à dos avec les écussons de tissu cousus sur les poches latérales ; la Savoie les Landes la Corse ; et le préféré de Maman l’Edelweiss ; petites gorgées d’eau à peine tiède ; à l’économie la halte courte avec copains et parents ; point d’ombre pour un semblant de fraicheur ; point de voitures non-plus ; point de attention ! hurlé par Mémé à l’entrée d’un virage ; toutes au garage à cette heure-ci les rares voitures du village ; et aucun estranger pour se hasarder tout là-haut dans ce bourg perdu posé au pied de ses rochers comme un décor de crèche ; des sauterelles en folie dans les buissons secs de chaque côté de la route ; parfois une abeille affolée au ras du visage ; ou peut-être une guêpe ; le chant des cigales en bruit de fond ; tellement installé de l’aube au coucher que presque absent du présent ; bientôt le carrefour à la fontaine ; en approche un croisement au nom oublié ; côté mer – car devinée et au loin à une centaine de kilomètres – les larges champs maraîchers sur la fertile terre en bord de Verdon ; patates poireaux courgettes ; pas de souvenir de tomates ici ; côté montagnes – car visibles au-dessus des futaies grises et blanches et déjà hautes – les petits chemins menant à la rivière terminus de la promenade ; précisément sur les galets bouillants ; les affaires jetées à la hâte et les jambes déjà dansant parmi les remous ; de l’eau jusqu’aux chevilles puis jusqu’aux genoux ; la baignade teintée de cris de joie et de peur mêlées devant les tourbillons en attente du faux pas ; et les yeux perdus de plaisir dans le flot bleu azur bruyant et glacé jusque vers la Durance .

Juste au pied du Fort Saint-Jean

En rentrant du domaine portuaire, marcher longtemps sous le soleil doré d’octobre, ignorer les Terrasses du port, laisser les Docks à main gauche, dépasser la place de la Joliette, pousser jusqu’au MUcem vers la Promenade Louis Brauquier – poète marseillais, l’un des créateurs de la revue  Les Cahiers du Sud – et aller se poser sous le Fort Saint-Jean, face à l’entrée du Vieux-Port, là où se rejoignent les amoureux, les fumeurs de pétards, les pêcheurs à la ligne de tout âge, les touristes étrangers et les baigneurs nostalgiques des Pierres Plates.

IMG_4450

IMG_4451

 

Un paseo por la Concha #1

Hier après-midi à Donostia San Sebastian, 21 degrés et mer calme. Alors, je me suis baladé  sur la longue promenade qui surplombe la Concha, l’immense plage de la ville qui s’étend sur plus de 1.500 mètres. Idéal pour me lancer – avec mon tout nouvel enregistreur – dans un petit set de fieldrecording, comme le dirait mon camarade documentariste et ingénieur du son Félix Blume* J’y ai frôlé une marchande de bonbons radiophile, des promeneurs bavards, un cycliste et de jeunes parents à poussette. Episode 1.

Demain, deuxième épisode. Nous descendrons sur la plage et nous approcherons de l’océan.

*Le 15 décembre dernier, Félix Blume nous emmenait au Vénézuela, au Mali et en Terre de feu. A réécouter ici

Le chant des cigales

J’aime me promener dans ma Provence natale et prendre soin de marcher sans gêner les cigales. Hier, je les ai croisées au bord du lac de Sainte-Croix. Elles chantaient de bon coeur sur les chênes, non loin des baigneurs et des familles venues pique-niquer.
[soundcloud url= »http://api.soundcloud.com/tracks/100776582″ params= » » width= » 100% » height= »166″ iframe= »true » /]
La cigale sur Wiktionnary
La cigale et la fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Oût, foi d’animal,
Intérêt et principal. « 
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
– Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
– Vous chantiez ? j’en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.
Jean de la Fontaine (1621 – 1695)

Promener au Vallon des Auffes

Grâce à Radio Grenouille, je me suis promené une bonne heure au Vallon des Auffes, dans le quartier de mon enfance à Marseille. Découverte sonore de qualité. Travail soigné, signé Virgile Abela. De la régalade. Extrait de l’interview de Bernard, pêcheur depuis près de 70 ans.

[soundcloud url= »http://api.soundcloud.com/tracks/97814404″ params= » » width= » 100% » height= »166″ iframe= »true » /]

 » Le Grand Souffle « , est l’une des promenades sonores inscrites  dans le cadre de Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture.

Le petit avion

Un petit avion survole notre promenade sur les hauteurs de Bauduen.
D’ordinaire, l’intrusion de bruits mécaniques en pleine nature est agressive, dérangeante, parfois insupportable.
Là, non.
Le petit avion nous fait dresser le nez vers le ciel et les oiseaux retrouvent la voix une fois qu’il s’est évanoui au loin.

[soundcloud url= »http://api.soundcloud.com/tracks/74148208″ params= » » width= » 100% » height= »166″ iframe= »true » /]

L’avion (extrait)

« … L’avion ! L’avion ! qu’il monte dans les airs
Qu’il plane sur les monts, qu’il traverse les mers
Qu’il aille regarder le soleil comme Icare
Et que plus loin encore un avion s’égare
Et trace dans l’éther un éternel sillon
Mais gardons lui le nom suave d’avion
Car du magique mot les cinq lettres habiles
Eurent cette vertu d’ouvrir les ciels mobiles. »

Français, qu’avez-vous fait d’Ader l’aérien ?

Il lui restait un mot, il n’en reste plus rien. »

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918)
Poèmes retrouvés