Retrouver les chênes et les bouleaux

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Remonter vers les chênes et les bouleaux retrouver leurs écorces râpeuses et douces respirer profondément dans la fraîcheur du jour sentir ma peau se gercer bien sûr un peu moins souple qu’avant cette peau hé hé Papet le temps te travaille lui tire la langue lui envoie des grimaces en souriant puis cherche contact et parfum silencieux au pied des troncs dressés en majesté vers les cieux me souviens soudain de ces branchages contemplés l’hiver dernier à Tarifa nus dépouillés de feuilles tendus sous la lumière dorée tels des bras en prière pour que le printemps s’en revienne vite prière surtout je les ai entendus ces arbres pour que plus un seul migrant ne périsse en mer entre l’Afrique abandonnée et notre vieille et honteuse Europe presque à la nuit quitter les chênes et les bouleaux et rentrer écouter une histoire mise au chaud en début de semaine dans ma collection de podcasts l’histoire d’un fou d’arbres lui aussi.

Le fou d’arbres est l’un des trois personnages découverts dans l’émission Les Pieds sur terre de lundi dernier sur France Culture

L’été jamais ne soulage

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L’été m’a donné des ailes
me suis échappé de la mer
et suis remonté vers le nord
porté par des flots d’air brûlant

parvenu en rivage de Seine
me suis posé près de l’eau
où flottaient bateaux par centaines
tous en papier, blancs et légers

vers où voguez-vous coquilles frêles
si loin encore est l’océan
votre appel à la mémoire vive
rend hommage à tous les migrants

l’été jamais ne soulage
ni la douleur du souvenir brûlant
de ceux qui en mer disparurent
ni le deuil de tous les survivants

 

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C’était hier la Journée mondiale des réfugiés

Tarifa #3 Luz Milagros dans le poste de Radio Tarifa

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Luz Milagros est une enfant de la ville
l’une des voix de Radio Tarifa
radio associative
lancée il y a une bonne quinzaine d’années
par la municipalité
quinze ans qu’elle anime Los Super 20
les tranches du matin et de l’après-midi
avec un programme musical à la carte
fabriqué en partie au gré des demandes de dédicaces des auditeurs
avec en bonus des informations locales sur les spectacles

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comme tous les citoyens natifs de Tarifa
Luz Milagros n’oublie pas qu’elle a grandi juste en face du Maroc
elle se sent concernée tout autant par les musiques du monde
que par l’actualité chaude
comme celle des migrants
des réfugiés
régulièrement accueillis ici

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Luz Milagros ne travaille pas seule
deux journalistes sont sur le pont tous les jours
pour la session d’info de 21 heures
où l’actualité locale, les fêtes populaires et les évènements sportifs trouvent toute leur place

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Tarifa #2 Maria Carmen au grand cœur

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20 ans que Maria Carmen est bénévole
à la Croix Rouge de Tarifa
chaque matin de 5 heures à 10 heures
elle participe à l’accueil des sans abri
leur propose une douche
un petit-déjeuner
et ils repartent pour une journée d’errance

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depuis trois ans et l’arrivée sur les côtes de la ville
de plus de 1.400 migrants
le local de la Croix Rouge s’est équipé pour accueillir dignement
les réfugiés qui font le trajet Maroc – Espagne dans des barques de fortune

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serviettes de toilette
duvets
vêtements chauds
robes pour femmes enceintes
layette
couches
jouets

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Maria Carmen se souvient que cet hiver
une embarcation a chaviré non-loin des côtes Tarifa le avec 11 personnes à bord
dix ont survécu
dont trois enfants
une autre est morte en mer
son corps a été recueilli par la Guardia Civil
et enterré dans le carré du cimetière de la ville réservé aux disparus en mer

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elle raconte aussi que les migrants sont bien traités en Espagne
mieux qu’en France dit-elle
ils restent quelques jours chez nous
le temps de récupérer de leur éprouvante traversée
puis ils partent pour Algeciras
où le plus souvent ils reçoivent des papiers
jamais entendu de propos racistes ici
contrairement à chez vous, ajoute-t-elle

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Maria Carmen désire continuer à donner de ses heures
aussi longtemps que des hommes des femmes et des enfants le nécessiteront
qu’ils vivent en Espagne ou qu’ils arrivent d’ailleurs
lorsqu’elle parle de la tragédie des migrants qui meurent en mer,
sa compassion laisse par instants poindre une profonde révolte
elle la masque aussitôt d’un sourire attendri
devant quelques photos-souvenirs de belles rencontres

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Au chevet des survivants de la torture

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Capitale de la douleur et de la guérison
que pèsent ces pauvres mots surgis dans ma pauvre tête
à l’écoute – grâce au podcast de La Série Documentaire sur France Culture
de cette presque heure d’immersion sonore
profonde et poignante et pudique
au Centre Primo Levi
à Paris

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que pèsent donc mes pauvres mots devant l’absolue souffrance
de ces femmes et de ces hommes
de leurs enfants aussi
torturés
violés
pourchassés
niés
réfugiés dans notre terre d’asile
cette terre de France pourtant si hostile encore
si peu généreuse
si frileuse
si réticente à accorder le droit d’asile
justement
à offrir un nouveau destin
à ces survivants de la torture
si peu désireuse de les accueillir
dans notre communauté d’humains

que pèsent mes pauvres mots
face à ceux prononcés chaque jour avec amour
par l’équipe soignante
que pèsent-ils
face aux paroles accueillies
au silence respecté
aux mains tendues
aux sourires échangés
aux guérisons entrevues

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je me demande aussi
alors que le jour baisse ici
et que s’approche la nuit
sous les arbres libres
je me demande
comment survivre à la torture
comment résister aux tortionnaires
comme elles l’ont fait
comme ils l’ont fait
comme elles et ils le font chaque jour
dans un pays sur deux dans le monde
aurais-je résisté
résisterais-je
pourrais-je survivre
pourrais-je encore parler
pourrais-je encore écrire
pauvre Français que je suis

Photos @ Centre Primo Levi

Pour prolonger, c’est ici

Réfugiés *

Réfugié au dessus de la baie vierge de tout radeau
il rêve et se délecte de la caresse des vagues
la paix règne enfin sur chaque parcelle de mer
sur chaque récif rose
sur le moindre grain de plage
sur le moindre morceau de rocher bleuté où s’accrochent les gabians.

Muets, eux n’oublient rien
ils gommeraient bien les jours d’avant
les jours violents
les nuits emplies de manants, de marchands
ils effaceraient bien la salissure des heures à cauchemarder
le tumulte des pas enchevêtrés
les hurlements, les bousculades, le fracas des coques
le chaos du troupeau jeté au bout de la traversée
les pas sur la neige et le gel
les meurtrissures
le sang imprime leur mémoire comme l’encre envahit le buvard.

Sans faire de vagues en terres tranquilles
nous zappons les pleurs et les cris
ignorons leur écho
ne bougeons pas
ne changeons rien
nous laissons porter dans le flot fade des indifférents
déglutissons nos vies repues
ignorons jusqu’à quand
nous nous réfugierons dans la honte.

* Correspondant pour Radio France à Beyrouth, Omar Ouahmane a tweeté ce matin cette photo depuis l’île grecque de Lesbos où il est en reportage auprès des réfugiés.

Le suivre sur Twitter : @ouahmane_omar