Même chagrin, même colère

À chaque fois pareil
même chagrin
même colère ici
face au port éteint

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encore plus à vif en remontant la Rue de la République
de Joliette à Vieux-Port
s’arrêter devant ses immeubles vidés de leur peuple
depuis des années

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rachetés – les immeubles –
par fonds de pension américains

 

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délogées les petites gens d’avant
la sève et la pulsation du quartier
y vécus non-loin, petit garçon
à peine un peu plus haut
au Panier
le lieu où vinrent se poser
tant de migrants
fuyaient le fascisme
ou débarquaient pour tenter leur chance
dans la ville sans nom
prenaient soin sans tarder de la nommer
de la chérir

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et aujourd’hui
Rue de la République

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ces femmes et ces hommes de peu
ces travailleurs du port
ces manœuvres
ces retraités
ces mères et pères dignes
avec leurs volées de minots
toutes et tous rayés de la carte
relogés ailleurs
contre leur gré

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toutes ces années plus tard
invisibles sont ces vies d’avant
hormis quelques traces tenaces

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et là
entre tramway et façades et palissades et cadenas
les fantômes qui se glissent
le long des promesses en sable

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sur ces pans de devantures où tout reste à écrire, à transformer
et où se renifle pourtant la crainte amère et glacée
des combats perdus et des luttes abandonnées.

2006 – Sur « les Champs Élysées du sud »

 

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«… Pour le moment, c’est du carton. Les hommes qui passent ici, les véritables, ceux en os et chair, semblent perdus au milieu de la réalité virtuelle dessinée par les architectes… »

Le billet qu’Arnaud Maisetti a publié hier, titré Marseille | République en carton (grave) m’a renvoyé 10 ans en arrière. Précisément au temps où je podcastais.
Tchatchcast ça s’appelait.
Au printemps 2006, j’avais consacré le dixième épisode aux habitants de la rue de la République, alors en plein chantier.
Futur tramway et réhabilitation.
Se dessinait alors bien concrètement le devenir gentrifié de cette artère haussmannienne entre Vieux Port et Joliette.
Un devenir en carton si bien décrit par Arnaud Maisetti, dix ans après.

Photos (texte & et son) @Arnaud Maisetti
Ses Carnets se découvrent ici
Le suivre sur Twitter @amaisetti

 

Boris Cyrulnik regarde Marseille

Boris Cyrulnik est un homme passionnant. Neurologue, psychanalyste, éthologue et j’en passe, il captive et fascine même, lorsqu’il parle de résilience ou lorsqu’il raconte les tragédies qui ont peuplé son enfance. Ce week-end, j’ai rencontré Boris Cyrulnik à l’Agora des Livres et des Arts de Sanary-sur-Mer. Il était là pour donner une conférence sur la résilience, dont il est l’apôtre. Moi, je venais présenter mon livre  » Marseille rouge sangs « . Marseille justement. Nous avons échangé sur son actualité. Lui qui vit tout près, dans le Var, et qui voyage dans le monde entier, n’est pas insensible à la plus vieille cité de France. A ses souffrances, ses douleurs, son devenir. Inévitablement, je lui ai parlé de ce qui me révolte, entre autres : le déplacement des familles populaires du centre-ville vers la périphérie, conséquence du rachat d’immeubles entiers par des fonds de pension américains et canadiens, comme par exemple Rue de la République, dans le cadre d’Euroméditerranée. Boris Cyrulnik évoque une « parasitose »
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Autre sujet du moment qui meurtrit  et scandalise tous ceux qui se sentent de cette ville : les règlements de compte sanglants à la Kalachnikov dans les quartiers populaires sur fond de trafic de drogue
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Alors, selon lui, Marseille doit-elle entreprendre un travail de résilience ?
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Marseille serait donc entrée en résilience… sujet à creuser, investigation à poursuivre, débat à mener. Pour prolonger cette interview, notamment à propos des conséquences d’Euroméditerranée ainsi que de Marseille Provence 2013 capitale de la culture, je vous recommande cet article de Nicolas Roméas sur Médiapart.
Boris Cyrulnik a publié plus d’une vingtaine de livres depuis trente ans.
Son dernier ouvrage est son autobiographie « Sauve-toi, la vie t’appelle ».