SévillHaïku #6 Soudain Chopin

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Sur l’avenue bruyante –
son offrande,
des Nocturnes de Chopin

Il a appris le piano en solo
Francisco
à peine un peu plus de trois ans
quelques cours quand-même
depuis janvier

désire en vivre
passe des heures sur son piano droit
chez ses parents où il demeure
parfois les voisins s’agacent
alors il sort
le soir
et vient s’installer
Avenida de la Constitución
en face de la station de tramway
Archivo de Indias

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Francisco joue Chopin
Nocturne N° 20
s’en émerveille
dans la housse de son instrument
tombent les pièces
pas une fortune
mais ne se plaint pas

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et lorsque la ville se fait silencieuse
il s’arrête
donne quelque monnaie
au sans domicile voisin
et retourne d’où il vient
reviendra demain

Serge, 65 ans, vit dans la rue à Biarritz

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Yeux bleus azur ; longue barbe blanche ; moustache jaunie par le tabac ; bonnet gris ; Serge a 65 ans ; accroupi dans un coin au bout de la Grande Plage de Biarritz ; sous le balcon de l’Hôtel du Palais ; précisément sous la piscine du cinq étoiles ; à l’abri du vent ; à ses pieds trois grands sacs plastique  ; un pour ses vêtements ; un pour ses couvertures et sa nourriture ; un matelas plié dans l’autre ; hier après-midi ; marée basse ; à peine un ou deux degrés au-dessus de zéro ; quelques surfeurs à l’eau ; et Serge posé sur un oreiller bleu foncé ; à regarder l’océan ; comme presque chaque jour depuis 4 ans ;

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Serge a un peu de mal à respirer ; il a aussi perdu ses dents ; lui ai apporté une veste chaude ; du thé sucré ; une tranche de gâteau basque aussi ; offerte par l’un des serveurs d’un café près du Casino ; Serge a mis la veste sous son blouson ; et puis il a parlé ; au début aucun son n’est sorti de sa bouche ; juste quelques mots murmurés ; trop froid pour laisser passer un son ; après le thé sa voix a commencé à se frayer un chemin dans l’air glacé de janvier ;

Serge a travaillé toute sa vie sur les marchés ; vendait des vêtements en région parisienne ; il ne touche ni retraite ni RSA ; sans papiers il est ; le matin il fait la manche près des Halles de Biarritz ; Serge n’a plus de contact avec sa famille ; espère le printemps pour monter sur Arcachon ou sur Royan .

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Ta petite pièce

Tu rentres en métro
tu as chaud
tu dormiras au chaud
tu as regardé du beau aujourd’hui :
Vincent Van Gogh

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Frédéric Bazille

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ce beau traverse le temps
il imprime les siècles
il respire l’éternité
ce beau imprègne l’humanité

tu as chaud au cœur, donc
et voilà que tu lèves la tête vers l’homme
qui te tourne le dos dans le métro
et qui va te tendre la main

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cet homme aura froid cette nuit
il dormira dehors
et la pièce de deux euros que tu lui tends ne suffira pas
à apaiser sa faim de chaud, de beau et d’humanité.

Sabine Huynh résiste et résistera

Bouleversé par ce texte de Sabine Huynh, publié mardi par Jan Doets sur son site Les Cosaques des Frontières. En dessous du titre – Je résisterai – une photo signée Marc Melki suivie d’une note de Jan en quelques phrases : À l’adolescence, Sabine Huynh s’est retrouvée à la rue, après le divorce de ses parents. Aujourd’hui écrivain, elle évoque pour la première fois cette facette de sa vie dans un texte qu’elle a écrit pour soutenir le travail du photographe Marc Melki, qui s’attache à sensibiliser l’opinion publique sur le sort des sans-abris.

Cette lecture est un petit caillou arc-en-ciel que je sème sur le sentier où cheminent ensemble Sabine, Marc et toutes les personnes indignées par le sort de celles et ceux qui n’ont pas de toit. Pour prolonger, marcher jusqu’au site de Marc Melki Exils intra-muros où il mène campagne pour que toutes le familles et leurs enfants puissent avoir un toit dans notre ville.

Les appels de l’Abbé Pierre

Ce midi, en m’adonnant comme chaque jour à ma petite séance Twitter, je me suis arrêté sur un tweet  renvoyant à l’article du jour publié par Guy Birenbaum sur le site huffingtonpost.fr. J’ai lu puis relu cet article et au delà des sentiments de honte et de découragement partagés avec Guy Birenbaum, j’ai eu envie d’entendre  – de réentendre – la voix de l’Abbé Pierre – disparu donc il y a 6 ans jour pour jour – lançant sur Radio Luxembourg le 1er février 1954, au beau milieu de l’hiver, son appel à la « l’insurrection de la bonté » comme l’écrivirent certains journaux de l’époque. En voici un extrait

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40 ans plus tard, 5 millions de Français – parmi 40 millions d’Européens – étaient mal logés. 4 décennies plus tard donc, pour tenter à nouveau de secouer notre bonne vieille démocratie civilisée, cafie (« pleine » en marseillais) de bons sentiments, de grandes déclarations d’intention et de belles promesses – et tour à tour gaullienne, pompidollienne, giscardienne et mitterrandienne – L’Abbé Pierre lançait un nouvel appel, sur RTL…

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Aujourd’hui, 59 ans après le 1er appel de l’Abbé Pierre, la France compterait 200.000 personnes sans abri et 8 millions 600.000 en dessous du seuil de pauvreté.

A Marseille, une enquête vient d’être ouverte pour rechercher les causes de la mort d’un homme de 46 ans sans domicile fixe, samedi dans une unité d’hébergement d’urgence de la ville. Au quotidien, de nombreuses associations humanitaires viennent en aide concrètement aux personnes en grande difficulté. Le Collectif Les Morts de la Rue honore les SDF disparus et mène des actions pour dénoncer les causes souvent violentes des morts de la rue, pour qu’ils aient droit à des funérailles dignes de la personne humaine et pour accompagner les personnes en deuil, sans distinction sociale, raciale, politique ni religieuse.