Shanghai est un orage

orageshanghai

Il fait exprès le ciel de te déranger juste au moment où tu te glisses enfin paisible dans le sommeil la chambre s’illumine par saccades comme un doux feu d’artifice sans le son des éclairs très haut tu aperçois leur lueur à travers les rideaux tu te lèves pour ouvrir la porte-fenêtre toujours aimé l’orage depuis tout minot aux premières loges tu veux te poser ces éclairs ne se dessinent pas dans le ciel comme en Provence l’été non c’est un jaillissement de lumière diffus en cascade au-dessus des toits le tonnerre en approche les bambous frissonnent en bas et les grillons poursuivent leur vie de grillons cri cri cri ils se parlent ils ornent la nuit de leur leitmotiv en boucle délicat ce son que le vent vient un peu masquer à présent et le tonnerre aussi qui se rapproche il accompagne la lumière qui se promène en un long défilé et petit à petit tu entends la pluie frapper les immeubles d’en face puis la rivière en bas puis les saules pleureurs et les bambous et maintenant c’est le déluge par vagues il arrive et embrasse la ville une avalanche de gouttes sur le caillebotis tu en prends sur les pieds restés dans l’entrebâillement de la porte-fenêtre tiède cette pluie tu voudrais la boire mais tu n’oses pas te lancer sur la terrasse sous les éclairs cachés derrière la couche de nuages alors tu écoutes et la musique de la pluie te berce et tu rentres te remettre au lit car tu sais qu’après ces jours de jetlag le sommeil à Shanghai ne se refuse pas même si tu ne résistes pas à garder encore quelques secondes les yeux ouverts avant que l’orage poursuive sa symphonie jusque dans tes rêves de Papet.

Shanghai est une pétarade

nuitpétards

Allez pose-toi maintenant grand-père après la fête du pitchoun et toutes ces heures à chevaucher pays et continents allonge-toi sur le grand lit du haut dans la chambre prêtée par Alexandre ouverte sur la ville et tente de fermer les paupières tu entends la pluie faire tic tic tic sur le caillebotis de la terrasse ça berce la pluie toujours ça te berce à la maison c’est pareil tu as appris à l’aimer cette pluie bénie qui apaise l’âme et abreuve les champs tu aimerais partir à la campagne découvrir la campagne chinoise et parler avec les cultivateurs tu voudrais bien tu verras si tu peux si ça peut se faire tic tic tic tout à coup une pétarade jaillit et claque tu ne sais d’où tu sors écouter de plus près pas la plus violente pétarade que tu connaisses depuis que tu viens en Chine mais quand même vigoureuse et joyeuse ils doivent fêter tu ne sais quoi peut-être une naissance oui ou bien un mariage mais non en pleine semaine ils ne se marient pas ici enfin tu ne sais pas à moins que ce soit l’entrée dans un appartement ou bien une embauche car il y a du travail à Shanghai je crois bien peut-être dans les usines de fabrication des pétards et ça continue à péter tu n’entends plus la pluie qui pourtant ne s’arrête pas il est joli le caractère pluie en chinois 雨 comme des gouttes sous un toit yū ça se prononce en baissant puis en remontant la voix sur le u troisième ton c’est très joli à dire depuis ton arrivée tu l’as beaucoup prononcé ce mot et ça fait plaisir et pétard tu ne sais pas alors tu vas demander à Alexandre comment on prononce pétard et comment ça s’écrit car la fête continue en face et toi tu te recouches et tentes de trouver un zeste de sommeil tu te sens bien malgré la fatigue car tu sais que quand le jour se lèvera les pétards se seront tus et les colombes commenceront à roucouler comme chaque matin que Shanghai fait.

Parfois

Parfois couché avec les poules
parfois agité par la lune
parfois entouré d’obscur
parfois posé parmi les feuilles
parfois sec comme une brindille
parfois collé au mur
parfois surpris par le vertige
parfois muet devant la page
parfois emporté par la rage
parfois muré dans le silence
parfois bercé par un refrain
parfois repris par le sommeil
parfois ballotté par les vagues
parfois saoul de mistral
parfois rapté par les embruns
parfois levé de bonne heure
souvent las de ma lassitude.

Almost blue – Chet Baker

Ils dorment

Mes enfants Zoé et Marius bien installés dans le sommeil. Leur souffle évoque des vagues. Océan de leurs rêves
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