Il était une fois une baleine blanche
lasse des misères subies
des harpons
des fusils
de tout ce sang versé
des deuils au cœur de l’océan
décida d’émigrer
vers notre terre mère
s’approcha en silence
de la misère blême
du théâtre des guerres
devint grise
se posa près du ciel
où s’enfuient les oiseaux
en appela un
lui déclara sa flamme
lui demanda son aile
pour s’échapper sans un cri
du monde laid des humains
Terre
Verts de désir
Sur la vieille jarre ébréchée
se dessinent des monts pelés
des pics imprenables
des parois intouchables
des souvenirs de terre mouillée
façonnée à la main
par quelque derviche devin
qu’importe l’émail craquelé
reste le grain du ventre
sur ce corps rond
gourmand d’eaux et de vins
ce corps caressé de doigts paisibles
la trace de libations et de partages
offerts à pleines paumes
à des amants de passage
amants verts de désir
assoiffés de vertige
Le merle et l’angélus
Il suffit de s’asseoir là
lorsque le jour résiste fort encore
au surgissement attendu de l’obscur
s’installer dans la lumière et guetter l’angélus
qui sonne le retour du calme
même pour ceux qui n’entendent rien du tumulte du monde
de jour comme de nuit
de mai à avril et d’avril à mai
se laisser absorber par ces cloches qui sonnent aussi le retour des champs
elles chantent même pour ceux qui n’ont jamais travaillé la terre
jamais semé, jamais récolté
jamais vendu leur force pour un plat de lentilles
s’asseoir là dans avril qui se meurt
et sourire au merle posé en face sur la murette
pour un concert à la mémoire des paysans
me revient l’odeur de mon grand-père de retour des vignes
des arbres fruitiers
des plants de tomates et des sillons à patates
il sentait la sueur et la terre et le bois et l’herbe
il sentait la force de travail louée jour après jour
l’angélus pouvait sonner dans le lointain
il travaillait jusqu’à la nuit noire
perché sur le balcon d’en face
il y avait un merle déjà
s’arrêtait de chanter lorsque Pépé allait se coucher
de mai à avril et d’avril à mai
et même le 1er
Terre debout
Terre debout
toi aussi jour et nuit prépares les lendemains
surtout, qu’ils s’en souviennent
les veilleurs des VillesDebout
tu travailles après les soins des hommes
tes sillons absorbent la sueur versée
tes grains et tes mottes tremblent
remuée, sarclée, bêchée, labourée, ensemencée
prête es
à remplir nos pauvres bouches en jachère
terre nourricière
terre d’avant
terre de nos ancêtres sans frontières
terre de nos désirs d’après
La foreuse géante
Inquiétantes parfois les machines créées par les humains. Cette foreuse géante m’a fait un peu peur l’autre jour. Comme une méga roulette affairée à triturer les dents de la terre.
Les oiseaux te diront
Tu envoies des oiseaux
Prendre nouvelles d’ici-bas
Rien n’a changé tu sais
Rien de rien
À peine un peu plus de foncé
Aux paupières du monde
Aux commissures de la Terre
Et cette rage qui gronde
Cette rabia
Cette colère
Cette douleur
Juchées aux cimes
Cette misère
Abandonnée aux caniveaux.
Les oiseaux te diront
Tu n’en reviendras pas
Les guetterai encore
Leur sourirai
Tant que je puis sourire
En cet hiver mauvais
Qui souligne en miroir
Le cri de ton absence.