Sortir de Shanghai par le rail

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Jamais croisé autant de monde dans une gare que ce matin-là dans HongQiao Station il a de la gueule le TGV chinois tout blanc fuselé spacieux dedans propre et moderne sièges sur rangées de trois amovibles tu les tournes comme au Japon dans le Shinkansen en appuyant sur une petite pédale dans le sens de la marche lorsque le train parfois s’arrête et repart dans l’autre sens salues les demoiselles coiffées et vêtues de violet et blanc les employées à chignon de la compagnie des chemins de fer et lorsque le train démarre penses à François Bon en connaît un rayon en chemin-de-fer en écriture-vidéo le camarade écrivain-voyageur il filmerait lui aussi il écrirait et respirerait au rythme du décor qui défile comme lui tu filmes regardes Shanghai s’étirer et s’allonger comme tu ne l’avais pas imaginé jusqu’où tu te le demandes elle grandit sans cesse cette cité géante elle repousse ses limites même lorsque verdure arbres pelouse et champs te font croire que ça y est tu en sors elle se rappelle à ton souvenir je suis là avec mes hangars fabriques immeubles en bataillons rocades en construction embouteillages visibles Shanghai t’en met plein la figure direct labyrinthe toi tu en redemandes colles ton nez à la fenêtre et t’interroges les quartiers démolis qui défilent où donc sont passés celles et ceux qui y vivaient qui s’y aimaient y faisaient des enfants vers où ont-ils été naviguer pour trouver leur place au sein de cette araignée gigantesque quelle place pour chacune et chacun en une cité de vingt-huit millions d’âmes silence en toi car ne sais pas puis tu t’apaises peu à peu maintenant que tu sens la ville commencer à s’éloigner pour de bon au fur et à mesure que tu te rapproches de la montagne rêvée.

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Une minute et des poussières à Naples

Naples. Quartier populaire de Montedidio. Erri de Luca* en a fait un merveilleux roman. Nous y cheminons aux côtés d’un adolescent de 13 ans qui découvre la vie, le monde du travail, les sentiments amoureux. Ce jeune garçon sans prénom se raconte en écrivant son quotidien dans un long rouleau de papier, chéri comme un confident. Chapitres courts. Poésie à chaque page. Personnages gorgés d’humanité dans ce Naples des années 50 qui ressemble tant au Panier marseillais de mon enfance.

* Erri de Luca est poursuivi par  la justice pour son soutien à un mouvement de refus de la ligne TGV Lyon-Turin, la TAV.