Écrire politique 2/2

Écrire politique. Le désir me titillait à nouveau depuis cette vidéo de François Bon, postée il y a deux semaines. La charité des pauvres à l’égard des riches, c’était. Lecture à voix haute du livre de Martin Page. Ce jeudi après-midi, ce désir a germé. Avec Dominique Hasselmann, avons eu envie de VaseCommuniquer en mettant des mots sur ces deux mots. Écrire politique. Voici son texte. Accompagné de l’une de mes photos marseillaises. Le mien est à découvrir sur son blog Métronomiques. Avec une pensée émue pour Francis Royo, qui est parti sans un bruit.

                                                              —————————————————————–

David

Oui, cela pourrait être un but, un idéal, celui de voir tout au travers de lunettes décryptantes (« tout est politique ») et « écrire politique » pourrait alors donner une sorte d’assurance à la position que l’on occupe, aux pensées que l’on passe en revue, aux mots que l’on émet, aux actions que l’on tente.

Mais « écrire politique » et pourquoi pas « écrire poétique », « écrire érotique », « écrire météorologique » : faut-il une catégorie, aristotélicienne ou pas, doit-on enfermer la politique dans une écriture spécifique qui tirerait alors un trait sur tout ce qui ne lui ressemble pas de prime abord ou ne serait pas digne d’entrer dans ce panthéon avec le cortège historique de ses figures tutélaires.

Nous écrivons dans une époque bien définie, nous prenons des photos ou des vidéos, l’air du temps les enveloppe, nous ne saurions y échapper – au Caire, j’ai vu ici ou là des auto-mitrailleuses devant des bâtiments officiels, pourtant ils n’ont pas proclamé un « État d’urgence » renouvelé ! – et les manifestations hier contre la « Loi Travail » ont su, comme souvent, mélanger le festif et l’artistique avec les revendications sociales.

Si « écrire politique » est produire une analyse de la situation de notre pays, et de ses gouvernants, laissons cela à des journalistes spécialisés comme Edwy Plenel ou à des hommes et femmes politiques dont c’est « le job » (comme dirait sans doute Emmanuel Macron).

Un livre (une fiction, un récit) ne saurait évidemment s’abstraire ou s’abstenir de montrer « le contexte » ou la manière dont la vie quotidienne de ses personnages est régie, régentée, plus ou moins en pleine clarté, par les événements, nationaux ou étrangers qui la ponctuent : les attentats en France, de janvier et novembre 2015, ont dû faire comprendre à certains que si on ne s’occupe pas de politique, la politique s’occupe de nous – jusqu’à pouvoir nous faire disparaître, ou des amis, des proches et aussi des inconnus devenus si chers depuis.

J’aime lire Alain Badiou ou Jacques Rancière mais lorsque je replonge de temps en temps dans un livre d’André Breton, je suis saisi par la non-distinction entre le politique, le poétique, l’érotique… et le météorologique. « Transformer le monde », a dit Marx. « Changer la vie », a dit Rimbaud. Pour nous, ces deux mots d’ordre n’en font qu’un. » (Manifeste du surréalisme, je cite de mémoire.)

L’écriture peut aussi servir à ça – ou à toute autre chose puisque nous sommes encore libres.

texte : Dominique Hasselmann
photo : Eric Schulthess

Un grand merci de nous deux à Marie-Noëlle Bertrand qui s’occupe chaque mois de coordonner, accueillir, mettre en relation les VasesCo et leurs auteurs. Gratitude également à François Bon – et à son Tiers Livre – ainsi qu’ à Jérôme Denis – et son Scriptopolis – , tous deux à l’origine du projet des Vases Communicants : le premier vendredi de chaque mois, chacun écrit et publie sur le blog d’un autre de son choix, à inviter selon son envie. La circulation horizontale entend produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Si cette aventure vous intéresse, signalez-le au groupe dédié sur Facebook, sur Twitter et sur la page Le rendez-vous des Vases qui vous permet aussi de vous promener à votre guise entre les textes.

La mémoire jaune et bleue de Christophe Grossi

Jaune bleu. Deux couleurs pour un souvenir d’enfance raconté avec délicatesse et fierté par Christophe Grossi. Son père était ouvrier dans une usine de sous-traitance pour Peugeot & Suisse, quelque part dans l’Enclave, ce territoire qui inclut toutes les communes situées autour des usines Peugeot (Sochaux, Montbéliard, Audincourt, Valentigney, etc…). Christophe Grossi est l’un des auteurs à l’affiche du cru décembre 2014 des Vases Communiquants. Jaune bleu. Titre de ce récit posté ici empreint des multiples saveurs de la mémoire ouvrière. Je l’ai savouré comme un biscuit empli de tendresse. J’ai pensé à l’enfance de mon père, fils d’ouvrier agricole. Je me suis rappelé les ouvriers qui réparaient les bateaux sur les chantiers navals de Marseille. J’ai convoqué le souvenir de toutes ces mains privées de visage par la casse répétée de l’outil industriel de notre pays. Jaune bleu. Une tranche de vie fugace et gravée à jamais dans le coeur d’un fils d’ouvrier. Pour prolonger cette écoute, le site de Christophe Grossi c’est par ici.

CarnetDeMarseille en jachère

Refermer le carnet pour dix nuits et autant de jours. Partir dans un autre coin du monde. Se rouvrira pour les Vases communicants de juin avec Candice Nguyen. D’ici là, carnet en jachère.

 

Jachère

 

Jachère #34
Nécessité d’une pause
Sillons laissés à la respiration de dix nuits
Approcher d’autres socs
Se nourrir d’autres semences
Écouter l’ailleurs qui appelle
Marcher à pas lents comme une aile qui bat
Pause lumineuse et brûlante
Ailleurs et loin
Le retour résonnera au coeur d’un vase teinté de terre rouge

Sécher le linge / Écouter Amália / Approcher le Berceau les Dieux

Pluie. Pluie. Pluie. Le linge ne sèche pas. Alors, filer à la laverie et mettre quelques pièces dans la machine qui miaule avec tout ce linge dedans. Ensuite, patienter jusqu’ à la prochaine Nuit en écoutant Amália Rodrigues, la Reine du Fado.

amalia

Enfin, contempler une nouvelle fois le somptueux dessin au pastel que Claudine Sales m’a envoyé hier pour garnir nos Vases communicants de mai sur CarnetDeMarseille.

Calanquesfinphoto

« Berceau des Dieux », par @ Claudine Sales, artiste à retrouver sans modération sur colorsandpastels.

Berceau des Dieux / Vases communicants / Échange avec Claudine Sales / #vasesco mai

C’est avec émotion que je participe aujourd’hui pour la première fois aux « Vases communicants », beau projet d’échange et de partage initié par Le tiers livre de François Bon et Scriptopolis. Le premier vendredi du mois, chacune et chacun se lance dans un voyage d’écriture sur le blog d’un(e) autre. « Circulation horizontale sur la Toile pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ».
Ces tout premiers vases partagés, nous avons choisi avec Claudine Sales de les remplir ensemble de mer et d’océan. Qu’elle en soit remerciée du fond du coeur.
Claudine Sales est une artiste qui m’émerveille au quotidien. Je côtoie ses dessins sur son blog colorsandpastels . Coloriste hors pair, elle m’emmène voyager vers les plages du Nord, sur les sables du Japon, au bord des baies imaginaires où s’envolent ses rêves. Ses vagues sont douces, ses écumes sensuelles, ses poissons malicieux, ses ciels tourmentés et ses couchers de soleil si puissants que l’on s’y perdrait.

Voici le dessin qu’elle a déposé sur mon carnetdemarseille transformé en vase de mai, accompagné de ce texte :
« Méditerranée. Berceau bleu dans lequel les dieux violents jetèrent au hasard d’âpres rochers vengeurs. J’ai vu du ciel de Grèce les îles et les côtes creusées de cavernes mystérieuses où naquirent ces dieux. Je ne connais pas Marseille. J’imagine en rêvant que des chants rocailleux éclaboussent aux calanques les mêmes souvenirs divins.»

Calanquesfinphoto

Dessin : « Berceau des dieux », d’après l’une de mes photographies de la calanque marseillaise de Sugiton.

Claudine Sales dessine ainsi depuis près de dix ans sur du papier Canson. Elle utilise des pastels Conté, sauf pour le blanc. Là, c’est un Sennelier ou un Schmincke qu’elle choisit.

Grand merci à elle d’accueillir mon texte parmi ses créations dans son vase disposé sur colorsandpastels
Remerciements aussi à Brigitte Célérier pour sa veille attentive et généreuse de nos Vases communicants.
Elle en établit chaque mois la liste des participant(e)s sur la page Rendez-vous des vases.
Grâce à son travail minutieux, nous pourrons voyager vers d’autres vases, d’autres textes et d’autres images.