Shanghai est un rêve de montagne

 

Je rêve souvent de montagne de campagne depuis quinze ans que je viens en Chine retrouver Noémie ma fille aînée au fil de son parcours Pékin Shenyang Shanghai je rêve souvent de champs cultivés de paysans d’arbres de forêts de sommets mystérieux à contempler en levant la tête aller marcher là-bas où la Chine se construit aussi à son rythme loin de la frénésie du gigantisme des grandes cités jusqu’à hier la faute à mon chinois bien trop maigre n’avais jamais osé me lancer vers ce rêve aujourd’hui je me réveille entouré de bambous dans un village perdu sous la bruine où l’on ne parle que chinois rêve éveillé d’abord très tôt hier-matin la gare de Honggiao géante à l’ouest de Shanghai déjà une aventure en soi direction le sud un peu après Hangzhou une heure et demie de TGV jusquà Deqing puis taxi vers les hauteurs de Moganshan la montagne est là petit crachin à l’arrivée poser le sac à l’auberge et sans tarder filer vers le sentier qui s’enfonce parmi les bambous un paysage tout en lumière blanche et grise comme sur ces estampes maintes et maintes fois contemplées avec ces merveilles de légendes écrites verticales indéchiffrables bien sûr mais tellement délicates mystérieuses imaginer le pinceau du peintre tracer chaque trait un ballet souple et réglé au millimètre près la passion de Chinois pour la calligraphie est palpable partout passent des heures à tracer un seul caractère reprennent tant que l’équilibre n’est pas parfait tu en as vu en écrire à l’eau sur les dalles de pierres des parcs à Shanghai et bavarder échanger sur tu ne sais quoi tu ne comprenais pas mais sans doute sur l’art d’écrire avec des promeneurs à l’arrêt soudain auprès de l’oeuvre éphémère là parmi les bambous tu frôles de la menthe sauvage en larges bouquets une abeille butine savais pas qu’elles appréciaient la menthe les demoiselles au costume noir et bouton d’or tu aperçois des pins un peu plus haut ils ont trouvé leur place dans le paysage eux aussi tu penses fort à ton amoureuse à nos promenades paisibles parmi les arbres de chez nous tu penses aussi à Laulo ton ami cher il en connaît beaucoup lui il sait les nommer tous ou presque les arbres leurs vertus aussi leurs bienfaits il initie les autres à l’univers des arbres et tu avances sous la bruine mèfi ça glisse un peu sur les pierres du sentier la boue aussi marcher sur les côtés dans l’herbe moelleuse tu te retournes et n’aperçois plus les maisons la saveur d’être loin tu montes les grillons t’accompagnent ne craignent pas la pluie ensuite la pente dans l’autre sens serpente à certains endroits des entassements de bambous gros et longs comme ça tu n’en as jamais vus les Chinois construisent leurs échafaudages avec impressionnant à droite une demeure qui ressemble à une bergerie ça sent la crotte de mouton un chien veille attaché à une chaîne rouillée il aboie tu passes en accélérant un peu et au virage suivant tu surplombes un village étalé au fond d’une petite vallée des champs à l’entrée personne dessus il pleut ils y étaient sans doute ce matin les paysans la terre a été travaillée traces fraîches une petite rivière sous un pont tu prends à droite vers les hauteurs désert ce village il te semble et puis non une vieille dame balaie devant la porte de sa remise deux hommes un peu plus haut montent une murette avec des briques et du ciment ils fument une famille de canards prend peur en t’apercevant ils accélèrent vers la rivière tu stoppes ne veux pas les effrayer finiront-ils dans une assiette ici le végétarisme est juste une utopie tellement carnivores les Chinois la route prend de la pente avant les dernières maisons un homme en bleu de travail et chapeau pointu un gros seau à la main tu le suis curieux je suis curieux je reste où va-t-il alors que la route monte vers la nature tu le rejoins le salue Nihao Nihao il est un peu surpris et me demande d’où je viens la France ah vous êtes Français puis il te montre l’intérieur de son seau bifurque vers la gauche et descend sur un minuscule sentier vers un grand poulailler en contrebas il va nourrir ses poules elles sont une bonne vingtaine il y a des canards aussi il est très attendu tu les entends caqueter puis tu écoutes la pluie tapoter les feuilles et l’herbe il remonte tu lui demandes s’il n’a pas pris d’oeufs il y a des œufs il te répond mais tu ne les vois pas dans son seau et là tu ne sais pas préciser ta question ton chinois est encore trop rudimentaire Papet alors comme tu as envie de continuer à parler tu lui demandes s’il travaille au village s’il est cultivateur Nóngmín tu as appris ce mot en même temps qu’ouvrier Gōngrén il te répond que oui il cultive la terre ici et puis tu ne sais pourquoi te vient le mot neige à l’esprit peut-être une pensée tendre transmise par Maman qui aimait tant la montagne enneigée Xuě neige Xǔe tellement doux à prononcer ce mot comme un chuchotement et puis le caractère est si joli 雪 tu veux savoir si l’hiver il en tombe beaucoup ici il te montre son genou en souriant Hěn Dūo beaucoup beaucoup elle arrive jusqu’à mon genou et en France aussi beaucoup de neige il te demande tu lui dis qu’en France nous avons deux grandes montagnes où il neige beaucoup aussi mais tu ne sais dire ni Alpes ni Pyrénées te faudra les apprendre ensuite repartir vers le village d’un pas lent continuer à parler il a soixante sept ans il s’appelle Jin une photo ensemble et il te dit au-revoir et rente chez lui en agitant sa main comme un enfant tu avances vers le bas du village t’arrêtes devant une usine désaffectée avec une cheminée en briques bistre et des hangars désertés des villageois y fabriquaient des produits alimentaires à base de bambou en Chine aussi on ferme des usines où donc sont partis tous les ouvriers qui travaillaient ici tu te demandes puis le jour commence à baisser tu ne veux pas te faire surprendre par la nuit qui tombe tôt ici à dix-sept heure trente et tu repars vers la forêt de bambou tout heureux de la rencontre avec ce paysan fugace moment mais beau tu en rêvais depuis si longtemps et c’est ce qui importe le plus avec l’amour à donner dans la vie de chacune et chacun aller vers où naviguent ses rêves.

5 réflexions sur “Shanghai est un rêve de montagne

    1. Le point existe de deux façons en chinois : – à l’interieur d’un caractère comme par exemple dans 国 (se prononce Guó , pays) le petit point que tu aperçois en dessous à droite du deuxième trait vertical,
      – soit 。 à la fin d’une phrase.

  1. seulement une heure de Train et plus qu’un beau rêve, la nature enfin retrouvée, les arbres d’ici et de Marseille

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