La cheminée c’est elle que tu vois en premier lorsque déboules du sentier pendu glissant aperçois le village une fois passés les bambous elle se dresse au fond en bas derrière des toits bleus ciel elle pointe toute de brun colorée vers le ciel bouché de pluie et de gris et tu te prends à accélérer le pas pour t’approcher une usine chinoise une usine elle est petite celle-là à échelle humaine une fabrique vas demander à y entrer pour voir une seule cheminée mais point de fumée construite à deux pas d’un cours d’eau tu l’entends gronder pas trop fort il est petit mais quand même ça brasse bien toute cette eau avec la pluie qui ne cesse depuis ces heures sans discontinuer une route passe devant il suffit de traverser tu veux voir l’eau couler puis repars vers la cheminée aperçois un triporteur électrique bleu foncé passer sur la route en lâchant à travers un haut parleur une musique aïgue façon sirène tu reconnais l’air de Happy Birthday elle est en briques la cheminée comme celles de chez nous elle semble sortir de buissons verts adossée à un entrepôt aux murs blancs à la toiture de tuiles en vrac collé à un hangar où tu distingues en rouge passé de gros caractères peints sur le mur le nom de l’usine sans doute ou des slogans politiques peut-être mais ni point d’exclamation ni étoile ni faucille ni marteau tu n’en reconnais qu’un seul de caractère le premier à gauche tu l’aimes beaucoup facile à écrire quatre traits seulement 心 Xīn le cœur tracé au-dessus deux fenêtres aux verres brisés et à côté une remise comme à ciel ouvert enfin il manque un mur pas de porte des vestiges de planches moisies de chaises de ferraille entreposés jetés plutôt abandonnés tout comme l’usine à laquelle ils servaient et les travailleurs envolés plus de trace de leurs efforts de leur savoir-faire rien tu vas te renseigner tu veux savoir ce qui se fabriquait ici et jusqu’à quand personne pour te le dire le village est désert juste avant de remonter vers le sentier tu passes devant une petite maison aux murs blancs constellés de moisissure et de traces de boue la porte est grande ouverte un couple devant des étagères ils vendent des biscuits de la bière et des canettes de soda pas de lumière dedans qui va donc s’arrêter pour acheter tu aperçois une table à gauche masquée par une cloison un tapis de jeu dessus ils jouent à deux à quoi aux cartes sur le pas de la porte tu demandes à l’homme de sortir et montres la cheminée là-bas mais tu ne sais pas l’interroger davantage il ne comprend pas ce que tu cherches alors tu fais des gestes marteau muscles et tu dis travail travail 工作 Gōngzuò et là il te montre les bambous entassés autour des maisons tu comprends qu’ils travaillaient le bambou avant oui mais depuis quand l’usine est délaissée et les ouvriers partis vers ailleurs ça tu ne sauras pas enfin pas cette fois il faudra revenir et peut-être que lorsque tu retourneras approcher cette cheminée elle n’existera plus et l’usine avec elle aura été totalement détruite et le terrain aménagé pour la construction de résidence ou d’hôtel qui sait.
belle apparition de la musique sur trois roues et qui disparaît en fondu(e)…
Les usines s’effacent aussi !