꧁ Sons de chaque jour ou presque ꧂

Le merle et l’angélus

Pas la fête du travail le 1er mai, non. C’est la fête des travailleuses et des travailleurs. Comme chaque année, au premier jour de mai, je pense à mon Pépé Paul, travailleur de toute une vie. De pontonnier à Zürich à chauffeur-livreur chez Savons-Frères à Marseille, d’horticulteur dans l’arrière-pays niçois à ouvrier agricole à Gèmenos, il vendit sa force de travail et lorsqu’il prit sa retraite, dans les années 70, il passa beaucoup de temps à se rendre sur les chantiers de la ville pour regarder les travailleurs travailler. Il y a 9 ans, le 1er mai 2016, j’évoquais sa mémoire sur sonsdechaquejour.com, en écoutant le concert offert par une église et un merle.

Il suffit de s’asseoir là
lorsque le jour résiste fort encore
au surgissement attendu de l’obscur
s’installer dans la lumière et guetter l’angélus
qui sonne le retour du calme
même pour ceux qui n’entendent rien du tumulte du monde
de jour comme de nuit

de mai à avril et d’avril à mai
se laisser absorber par ces cloches qui sonnent aussi le retour des champs
elles chantent même pour ceux qui n’ont jamais travaillé la terre
jamais semé, jamais récolté
jamais vendu leur force pour un plat de lentilles
s’asseoir là dans avril qui se meurt
et sourire au merle posé en face sur la murette
pour un concert à la mémoire des paysans

me revient l’odeur de mon grand-père de retour des vignes
des arbres fruitiers
des plants de tomates et des sillons à patates
il sentait la sueur et la terre et le bois et l’herbe
il sentait la force de travail louée jour après jour
l’angélus pouvait sonner dans le lointain
il travaillait jusqu’à la nuit noire

perché sur le balcon d’en face
il y avait un merle déjà
s’arrêtait de chanter lorsque Pépé allait se coucher
de mai à avril et d’avril à mai
et même le 1er

Orage, envoie les watts !

Orage, écoute-moi. Oui, c’est à toi que je parle. Qui es-tu venu gronder ce soir au-dessus de la mer sombre ? Tu es fâché ? Exaspéré par ce monde qui s’effondre à force de se refermer sur lui-même et d’ouvrir la voie aux fachos ? Tu n’enrages pas seul, tu sais ? Alors, continue, persévère, allez !
Éclate ta colère sur nos pauvres toits, nos pauvres têtes et nos pauvres rivages. Oui. Ne t’en prive pas. Envoie les watts ! Rappelle-nous à l’ordre. Secoue-moi un peu tout ça, là. Montre qui est le plus digne. Le plus sage. Le plus à la hauteur de l’Histoire. Ferme des bouches. Fais-les trembler de peur et de honte. Réveille-nous, oui. Réarme-nous. Continue. Et reviens quand tu veux lâcher ta foudre sur notre courage anesthésié et nos consciences égarées.

Perdre sa première dent

18 ans ! Hier 25 avril, Alexandre 子容 l’aîné de mes trois petits-fils a fêté son dix-huitième anniversaire. Pour le célébrer et tirer la langue en souriant au temps qui passe, j’ai ressorti une archive sonore extraite d’un billet publié en janvier 2013 sur mon site sonsdechaquejour.com désormais intégré dans mon Carnet de Marseille :

Un évènement important vient de se produire dans la vie d’Alexandre 子容, l’aîné de mes petits-fils : il a perdu sa toute première dent, une incisive du milieu, en bas. Une étape dans sa vie de petit garçon qui a très envie de devenir grand. Comme je suis hélas bien trop loin de Shanghai où il vit pour solliciter la petite souris chinoise, voici un petit cadeau, rien que pour lui, que vous prendrez sans doute plaisir à partager avec lui.

Vous avez deviné l’auteur de ce superbe « Vive le vent ? « 
Alexandre 子容 en personne ! Et à 5 ans et demi, il s’exprime déjà tout aussi bien dans la langue de son papa que dans celle de sa maman, et pas seulement en chantant !
Vivement qu’il me donne des cours de chinois 中文 !

  • Un mécano tendre

    Dans moins de deux semaines, Brest. Longueur d’Ondes. Le Festival de la radio et de l’écoute. Je me languis d’y être et de déployer bien larges mes oreilles. Parmi les pépites sonores sélectionnées qui seront diffusées lors des séances d’écoutes du 13 au 16 février, ce moment de grâce, signé Jérôme Bailly.

    https://soundcloud.com/mecanique-des-sons/la-complainte-du-rouet

    Mécanique des sons est un lieu dédié aux sons de l’autre bout de la France quand on regarde la carte depuis Marseille. Jérôme Bailly en est le mécano en chef.

  • Le saut de l’ange #1

    Le saut de l'angeUn cliquetis sauvage secoue mes semelles. Pas moyen de faire la sieste. Les pelleteuses viennent de pulvériser la dernière murette du domaine ouvert en contrebas sur la mer. Le temps d’activer mon Leica, une odeur de fuel poisseux troue l’air azur de décembre. Je n’ai pas le courage de m’allonger en travers des chenilles d’acier, alors, je marche à reculons, adossé aux flots. Un oeil collé au viseur, l’autre fermé sur la mémoire. Dans quelques minutes, plus personne ne connaîtra l’histoire des jardins d’Angelo.

    Photo numéro neuf.

    Zoom avant vers l’orangeraie des origines. Gros plan sur des milliers de fruits en bouillie, des centaines de troncs affalés, une récolte déchiquetée. C’est par là que les machines ont commencé leur sale boulot. Lorsque des pirates corses fondèrent la cité, ils débarquèrent de leurs bateaux des sacs joufflus gonflés de pépins. Les semailles furent providentielles : des arbres surgirent en abondance entre pinède et roche blanche. La première cueillette offrit navels, limettes, clémentines et sanguines à volonté. L’année qui suivit, les pirates désarmèrent leurs barques pointues et choisirent de devenir paysans. Le troc procura les arpents nécessaires à l’extension des cultures. Des familles entières arrivèrent de l’autre côté de l’horizon pour tenter leur chance à Angelo, du nom du premier marin à fouler le sol du continent. Encore quelques clichés, et ce nom s’éteindra pour toujours.

    (à suivre)

  • Marie aux oiseaux

    Chez Marie, il y a un jardinet dehors, un buffet avec de jolis verres dedans, des photos d’enfants aux murs et puis une voix malicieuse empreinte de bonne humeur. Marie est une dame béarnaise qui ne se séparerait pas de sa pendule pour tout l’or du monde.

    J’ai oublié de vous dire que Marie fêtera ses 90 ans le 19 mars prochain.

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