Les calanques d’Izzo, featuring Miles

Ce texte est un extrait* du roman Solea de Jean-Claude Izzo, le troisième de la série des aventures du flic Fabio Montale après Total Khéops et Chourmo. Je l’ai choisi car hier avec ma compagne Chantal, nous avons marché sur ces sentiers des calanques si chères à l’écrivain marseillais. Pendant plus de 4 heures 30, nous avons parcouru ce chemin exceptionnel de beauté qui mène depuis Callelongue à la calanque Podestat, au col de Cortiou, au plateau de l’Homme mort, au col de la Galinette et retour vers la calanque de la Mounine puis retour. Tout au long du parcours parfumé de pins, de romarin, de bruyère et d’iode, m’est revenu en mémoire le souvenir d’Izzo, amoureux de Marseille et de ses calanques. *Vous aurez reconnu Blue in green de Miles Davis que Jean-Claude aimait tant.

1Podestat

La calanque Podestat

2marseilleveyre

Le massif de Marseilleveyre

3plateauhommemort

Sur le plateau de l’Homme mort

4coldeCortiou

Depuis le col de Cortiou

5versredescente

La redescente vers la mer

6marseille

Marseille

7couchersoleil

L’île Maïre au couchant

Les Acacias #6

P1010770Toujours pas de patron à l’horizon.

Mon ventre a commencé à gargouiller.

Une silhouette longue et haute m’a soudain distrait de mon estomac.

J’ai dressé la tête et je l’ai aperçue. Debout face à moi, immobile et calme, les bras croisés. Élancée comme une madone moderne avec son jean et ses baskets, souriante et muette.

D’habitude, les femmes me laissent de glace.

Mon regard les traverse et va se poser au delà de la lumière qu’elles agrègent à leur odeur et à leurs gestes. Je n’accroche plus leur chroma. Les mots qu’elles prononcent se noient tout autour de moi.

Depuis que Lou s’en est allée, j’ai fermé le verrou.

Mais aujourd’hui, l’improviste a su se faufiler en douce et il a pris le dessus.

Je me suis demandé ce qu’elle faisait là, droite et paisible sous les acacias. Si je l’invitais à déjeuner ? Je n’ai pas osé.

J’ai vite avalé ma question en retournant à mes nouvelles : la santé-record de la Bourse; l’expulsion d’un déserteur algérien à bord du Liberté; le triomphe de José Van Dam à l’Opéra.

J’ai fredonné Le Tilleul de Schubert et puis la douceur de Mars m’a fourré dans sa housse.

Je me suis laissé happer par sa caresse, les paupières relâchées face au soleil, concentré sur des cris minuscules encerclant les tables.

Les acacias criaient en silence comme des cigales à l’agonie.

Les épines palpitaient, les branches gémissaient, les troncs s’étouffaient, les racines tremblaient.

(à suivre)