Shanghai est une vendeuse de volailles en tricycle

Tu promènes dans une cité ouvrière coincée entre une avenue deux fois trois voies et un cours d’eau trop petit pour une rivière trop grand pour un canal l’eau est d’un vert sale laiteux et des déchets jonchent les berges l’odeur qui remonte est écœurante tu te rapproches des petits bouis-bouis où les travailleurs viennent déjeuner il est onze heures ils ont faim au boulot depuis cinq heures du matin ils sont ça sent bon autour de leurs tables ils parlent peu occupés à dévorer leurs plats et leur riz il est toujours délicieux le riz de Chine toujours tu poursuis ton chemin vers le fond de la cité saluer les vieilles dames et les vieux messieurs réunis dans leur foyer lorsque te parvient depuis la cour comme un cri un peu rauque il se répète approche une dame sur un gros tricycle électrique à plateau avec des canards des pigeons et des poules dessus emprisonnés ils sont dans des filets rouges rien que leurs têtes dépassent elle s’échappe vite vers la première ruelle de gauche la dame tu la retrouves un peu plus tard à l’entrée de la cité elle achète des fruits ses volailles sont sales et d’une tristesse à pleurer à côté de la plus grande oie un seau en plastique blanc pue la mort il y a des têtes de canards tranchées dedans et des abats tu plains ces pauvres bêtes et jures que plus jamais tu ne mangeras de canard laqué tu penses aussi tout honteux au foie gras des fêtes et rentres retrouver Raphaël tu l’emmèneras nager cet après-midi après sa sieste on va bien s’amuser dans l’eau tu feras semblant d’être un canard qui plonge en l’éclaboussant et ressort en souriant ton petit-fils te dira Papet encore et tu recommenceras plusieurs fois puis il nagera à tes côtés avec ses brassards bleus comme nagent les bébés canards tout près de leurs mamans.

Shanghai est une vieille dame des années trente

Tu le crois à peine Papet seulement quelques centaines de mètres en sortant du métro un parc coincé entre deux rues envahies de voitures de camions de scooters de vélos et de piétons un trafic de folie comme d’habitude et à l’angle de YanAn Lu et de Fumin Lu un sentier qui ondule vers une forêt miniature ornée de bosquets de parterres de fleurs tu vas vers une mare surmontée d’un pont de bois il y a une fleur de nénuphar une seule à la surface de l’eau verdâtre tu te glisses sous les arbres tu caresses leurs troncs ils isolent du bruit les arbres tu reviens vers la statue de José Martí héros national de Cuba ça sent Shanghai ce parfum qui tatoue la ville pendant deux semaines en début d’automne c’est le Guì Huā Shù l’arbre aux petites fleurs rondes et jaunes certains vieux Shanghaïens les cueillent et les mettent dans l’eau chaude à infuser tu te plais à prononcer Guì Huā Shù avec la dame qui vient s’asseoir à pas menus sur le banc juste à côté de toi elle te sourit gentiment elle rit même à pleine dents en t’annonçant qu’elle a quatre vingt six ans en faisant six liù avec ses doigts à la chinoise le pouce et l’annulaire dressés et les autres doigts repliés vers la paume elle est de trente en un la dame comme Papa tu te rends compte elle avait dix huit ans lorsque Mao a fait la révolution tu voudrais lui demander de te parler de ce temps-là le temps de sa jeunesse le temps de l’espérance savoir comment c’était Shanghai la Chine son quartier sa rue quand elle était enfant puis adolescente puis quand Mao a pris le pouvoir mais tu ne connais pas ces mots-là pas encore tu ne sais pas parler de tout ça il va falloir progresser en chinois Papet et continuer d’étudier la dame te montre toute contente ses courses dans des sachets plastique il y a un poulet et du tofu et des légumes verts les pattes du poulet dépassent ça fait peine puis elle commence à agiter ses jambes une deux une deux comme un petit enfant de maternelle assis dans sa cour d’école et elle se tapote les bras avec les mains toc toc toc les Chinois font souvent ça tu lui demandes si elle fait du Tai Chi oui mais là ce matin elle est un peu fatiguée à cause des courses elle a beaucoup marché elle te répond et maintenant elle commence à avoir faim et te dit au revoir en agitant sa main Zàijiàn tu la regardes s’éloigner vers la rue bruyante en longeant les Guì Huā Shù les arbres odorants tu prends ton temps de t’emplir de leur parfum délicat il t’accompagnera toute la journée.

Shanghai est un mantra sous le déluge

moines

Tu retrouves le temple Jing An Si sous une pluie battante presque chaude il trône entre les buildings ultra modernes les dorures des toits les carpes-dragons effrayantes les éléphants joyeux au-dessus des différents bâtiments qui le forment tranchent sur le gris des gratte-ciel tout autour le brouillard encercle même le sommet de l’un de ces immeubles géants on n’entend presque que la pluie tomber de partout tu te souviens il faisait beau les années passées les dames tenaient leurs parapluies pour se protéger du soleil les Chinoises n’aiment pas sentir le soleil leur mordre la peau elles se protègent aussi avec de larges chapeaux à volants tu te souviens des moines réunis au pied de l’une des statues de Bouddha pour un office avec leurs petites clochettes tu ne sais pas aujourd’hui où ils sont passés peut-être méditent-ils sur la pluie ses bienfaits pour les âmes des vivants et des disparus tu en aperçois un avec à la main un sac en papier rigide qui ressemble à ceux qu’on donne dans les parfumeries avec des échantillons dedans tu ne savais pas que les moines avaient le droit de sortir faire des achats tu ne connais rien à la vie des ces moines bouddhistes en haut de l’escalier géant qui fait face à l’entrée principale Bouddha tout en argent massif se repose devant les quelques fidèles venus s’agenouiller à ses pieds ils se recueillent un court instant en joignant leurs mains contre leur front et se penchent puis se relèvent une fois deux fois trois fois avant de s’éclipser certains déposent une pomme en offrande Bouddha ne bronche pas il a l’air d’apprécier mais ne le montre pas il y a des jeunes parmi les fidèles tu croyais que la religion n’intéressait que les vieux comme chez nous Jésus qui semble ne plus parler à grand monde sur tout à la jeunesse c’est peut-être dommage tiens l’orage approche tu t’assieds dehors sur une marche sertie de cuivre au pied de piliers gigantesques couleur caramel deux vieilles dames s’échappent en vitesse sous leurs petits parapluies fluo elles se trempent quand même elles ont fini de se recueillir tiens un moine passe en vitesse sur une coursive un peu plus bas avec un téléphone portable à l’oreille tu n’entends pas sa voix masquée par la pluie qui tape fort des touristes font des selfies une dame approche et te prend en photo elle te montre son écran tout sourire nous échangeons quelques phrases mi-chinois mi-anglais tu n’aimes pas du tout parler anglais en Chine mais là c’est amusant puis elle repart photographier Bouddha c’est si simple d’entrer en relation avec les gens ici sans chichi sans agressivité le brouillard a délaissé les immeubles la ville est livrée à l’orage qui ne cesse de s’installer tout là-haut et la pluie redouble de puissance sur le toit du bâtiment de droite les éléphants dorés sont tout sourire et les dragons-poissons voudraient avaler les quatre caractères gravés sur toute la largeur de la charpente qui les sépare dorés eux aussi étincelants à présent le ciel s’obscurcit et les gratte-ciel d’en face commencent à disparaître sous d’épais rideaux de pluie elle ferait du bien chez nous en Provence cette eau là où il n’est pas tombé une goutte depuis avril tu comprends pourquoi et comment les Chinois font pousser tant de beaux et bons légumes ici tu serais entièrement végétarien tu redescends maintenant en passant par les allées sur les côtés tu te hasardes vers le fond du temple où une ribambelle de cartons sont rangés à la six quatre deux devant de salles désertées les vestiges d’une grande fête tu imagines il y a des statuettes abandonnées des tentures pliées des livres de prière et des balais entreposés à côté tu avances vers la sortie à présent et tu entends percer à travers le vacarme de la cascade qui chute du toit en épais rubans blancs tu entends comme un murmure chanté qui peu à peu se transforme en prière en mantra tu marches lentement longes trois petites pièces aux larges fenêtres ouvertes et aperçois des moines vêtus de marron et de noir en plein office avec leurs clochettes et leurs minuscules tambours la cérémonie elles l’ont demandée à la mémoire de leurs défunts tu crois ces personnes aux regards tristes assises en face des moines aux têtes rasées et aux yeux d’où ne s’échappe presque aucune espèce d’émotion.

Shanghai est du fer sous la terre

danslemetrodeshanghai

Allez bouge-toi Papet va retrouver ce Shanghai qui bouillonne va promener vers le cœur de cette ville où tu te sens petit au pied des gratte-ciel minuscule comme à New York ou San Francisco et pars dénicher ce qui reste de vivant à échelle humaine dans les petites rues planquées au détour d’un carrefour ou d’une entrée de cité allez un coup de taxi puis tu demandes où se trouve la station tellement la rue est immense tu sais le dire le mot métro Dì quatrième ton Tie troisième ton Terre Fer le fer sous la terre le chinois est simple logique et imagé tu vas le retenir ce mot allez engouffre-toi sur l’escalier roulant vers les entrailles de ce serpent géant aux murs vendus aux marques et aux couloirs pleins de marchands de beignets de gâteaux de bijoux-fantaisie tu achètes ton billet pour la ligne 2 c’est aussi en anglais sinon rien qu’en chinois tu ne saurais pas le prendre pas encore il te faudra apprendre mais lire cette langue est si compliqué il est joli le billet un peu rigide et avec une dominante bleu ciel tu ne pourras le conserver la machine te l’avale à la sortie il te semble qu’il se conduit tout seul ce métro tu n’a pas aperçu de visage lorsqu’il a déboulé sur le quai automatique il circule et dedans aux dimensions de la ville très très très grand peu de sièges uniquement en bord de rame et forcément beaucoup de monde debout qu’est-ce que ça doit être aux heures de pointe les voyageurs quasiment toutes et tous accrochés à leur portable ils ne prêtent pas attention aux publicités diffusées par des écrans juste à côté des entrées ni à celles qui défilent à l’extérieur de la rame dans le boyau où on avance à toute allure elles sont projetées en effet cinéma ces pubs contre les parois du boyau les Chinois les commercialisent donc aussi et personne ne les regarde les pubs personne ne se parle dans la rue c’est pareil ils sont pourtant très bavards les Chinois et volubiles mais ils se parlent peu chacun dans son monde perdu dans ses pensées là dans la grande ville où en dressant la tête à la sortie sous la pluie tiède tu ne sais plus vraiment si tu es en Chine ou en Amérique.

Shanghai est un orage

orageshanghai

Il fait exprès le ciel de te déranger juste au moment où tu te glisses enfin paisible dans le sommeil la chambre s’illumine par saccades comme un doux feu d’artifice sans le son des éclairs très haut tu aperçois leur lueur à travers les rideaux tu te lèves pour ouvrir la porte-fenêtre toujours aimé l’orage depuis tout minot aux premières loges tu veux te poser ces éclairs ne se dessinent pas dans le ciel comme en Provence l’été non c’est un jaillissement de lumière diffus en cascade au-dessus des toits le tonnerre en approche les bambous frissonnent en bas et les grillons poursuivent leur vie de grillons cri cri cri ils se parlent ils ornent la nuit de leur leitmotiv en boucle délicat ce son que le vent vient un peu masquer à présent et le tonnerre aussi qui se rapproche il accompagne la lumière qui se promène en un long défilé et petit à petit tu entends la pluie frapper les immeubles d’en face puis la rivière en bas puis les saules pleureurs et les bambous et maintenant c’est le déluge par vagues il arrive et embrasse la ville une avalanche de gouttes sur le caillebotis tu en prends sur les pieds restés dans l’entrebâillement de la porte-fenêtre tiède cette pluie tu voudrais la boire mais tu n’oses pas te lancer sur la terrasse sous les éclairs cachés derrière la couche de nuages alors tu écoutes et la musique de la pluie te berce et tu rentres te remettre au lit car tu sais qu’après ces jours de jetlag le sommeil à Shanghai ne se refuse pas même si tu ne résistes pas à garder encore quelques secondes les yeux ouverts avant que l’orage poursuive sa symphonie jusque dans tes rêves de Papet.

Shanghai est un Caffè Latte

cafélatte

Tu te lasses du jetlag Papet tu voudrais qu’il te lâche à présent le vilain cinq jours à l’ouest tu en as marre de te traîner en plus cette bruine qui enveloppe la ville l’anesthésie te la rend cotonneuse et grise sans compter les averses tu cherches un coin de ciel bleu au-dessus des cimes des saules pleureurs et des immeubles et la terrasse continue de faire tic tic tic avec toutes ces gouttes alors tu décides de sortir quand même tu vas te mouiller mais tu veux te bouger maintenant avant que les petits enfants rentrent de l’école tu as le temps et il te vient soudain dans la tête et au palais une envie de café ça va te bousculer et puis tu adores le goût aussi tu bois volontiers du thé chinois mais là tu rêves d’un bon café avec du lait un cortado comme en Espagne à San Sebastián tiens te voilà sur ton vélo vers la cafétéria tu l’as repérée chaque année tu y fais de petites haltes entre deux ballades elle n’est pas si loin de la maison tu tournes les jambes fais attention à gauche et à droite aux carrefours ici les voitures sont reines et les vélos comptent pour rien comme des moustiques tu te fais klaxonner de derrière les vélos et les scooters électriques préviennent qu’ils te doublent c’est ça tu sursautes et tu te ranges et te voilà arrivé passer ta commande c’est agréable de dire en chinois je voudrais un Caffè Latte c’est écrit au-dessus du comptoir tu adores la mescle des langues puis tu vas t’asseoir face à l’entrée comme toujours et commences à écouter les gens parler tu ne comprends rien mais tu aimes ne rien comprendre tout en cherchant à dénicher dans le flot un mot connu ça te plaît tant d’être dérouté mais jamais perdu tu restes quand même tu voudrais bien saisir un peu de ce qu’ils se racontent à voix haute presque en criant derrière la déco aux fausses plantes vertes et aux livres factices tu entends leurs rires aussi ils sont joyeux les Chinois un côté enfantin léger insouciant qui te plaît beaucoup souvent tu les regardes à travers les étagères ils aiment parler fort et rire ensemble tu as envie de rire avec eux mais tu n’oses pas bien sûr alors tu attends ton Caffè Latte et tu écoutes Norah Jones en musique de fond en pensant à ton amoureuse restée là-bas qui adore Norah Jones et aussi le Caffè Latte.

Shanghai est une clarinette

Shanghai est une clarinette

Chaque soir tu te demandes vers où partent les derniers avions qui passent au-dessus de la ville avec leurs petites lumières rouges qui clignotent à travers les nuages tu les imagines en route vers l’Australie ou vers le Japon et le Fuji et tu te souviens du Fuji survolé à ton retour de Tokyo il y a quatre ans enneigé il était comme sur les peintures d’Hokusai depuis c’est l’un des grands rêves de ta vie de venir te poser un jour à ses pieds et de le gravir jusqu’au sommet tu espères que ce jour viendra les passagers de l’avion qui avance là-haut vers l’ouest ils l’apercevront peut-être tout à l’heure en survolant le Japon un autre avion vole à présent en direction de l’immeuble d’où s’échappent des notes de clarinette il fait ses gammes le musicien et c’est joli à moins que ce soit une dame qui profite de la quiétude du soir malgré le vacarme des avions pour lancer sa musique dans la nuit de la ville tu es aux premières loges sur la terrasse tu voudrais t’y allonger en écoutant la clarinette te bercer fermer les yeux et te réveiller demain matin sur les pentes du Fuji.

Shanghai est un insecte géant

jardinierShanghai

Elle est finie ta sieste Papet il ne pleut plus le silence est revenu sur la terrasse tu as pu dormir quelques heures décalé comme un bébé qui ne sait distinguer le jour de la nuit tu as chassé cette fatigue collée à toi par la pluie et le gris depuis mardi tu te réveilles en douceur enfin presque parce que là tu ouvres l’œil au beau milieu d’un bourdonnement qui te parvient d’en bas de la maison comme un insecte géant déployé sur la ville alors tu sors pieds nus sur le caillebotis encore un peu humide et l’insecte en dessous invisible depuis ton lit se transforme en escouade de jardiniers le premier avec un rotofil dans les mains suivi d’un autre avec râteau et balai et d’un troisième sur un tricycle à petite remorque pour charger l’herbe et les branches coupées ils avancent paisibles sous le soleil timide qui réapparaît à présent tu te dis que c’est un cadeau cette paix et ce soleil le premier cadeau du nouvel automne à Shanghai ce soleil chaud qui t’invite à la promenade alors tu descends marcher dans les allées tu croises les jardiniers ils ne font pas la sieste les jardiniers de Shanghai tu leur dis bonjour ils te répondent Ni Hao et tu pars saluer les arbres en souriant tu te souviens qu’en chinois arbre se dit Shù avec un ou bien sonore et bien bref puisque c’est le quatrième ton tu souris car Shù c’est ton nom en chinois cette si belle langue aimée de ta grande fille adorée et qui fabrique des noms du monde avec des sons du monde.

Shanghai est une pétarade

nuitpétards

Allez pose-toi maintenant grand-père après la fête du pitchoun et toutes ces heures à chevaucher pays et continents allonge-toi sur le grand lit du haut dans la chambre prêtée par Alexandre ouverte sur la ville et tente de fermer les paupières tu entends la pluie faire tic tic tic sur le caillebotis de la terrasse ça berce la pluie toujours ça te berce à la maison c’est pareil tu as appris à l’aimer cette pluie bénie qui apaise l’âme et abreuve les champs tu aimerais partir à la campagne découvrir la campagne chinoise et parler avec les cultivateurs tu voudrais bien tu verras si tu peux si ça peut se faire tic tic tic tout à coup une pétarade jaillit et claque tu ne sais d’où tu sors écouter de plus près pas la plus violente pétarade que tu connaisses depuis que tu viens en Chine mais quand même vigoureuse et joyeuse ils doivent fêter tu ne sais quoi peut-être une naissance oui ou bien un mariage mais non en pleine semaine ils ne se marient pas ici enfin tu ne sais pas à moins que ce soit l’entrée dans un appartement ou bien une embauche car il y a du travail à Shanghai je crois bien peut-être dans les usines de fabrication des pétards et ça continue à péter tu n’entends plus la pluie qui pourtant ne s’arrête pas il est joli le caractère pluie en chinois 雨 comme des gouttes sous un toit yū ça se prononce en baissant puis en remontant la voix sur le u troisième ton c’est très joli à dire depuis ton arrivée tu l’as beaucoup prononcé ce mot et ça fait plaisir et pétard tu ne sais pas alors tu vas demander à Alexandre comment on prononce pétard et comment ça s’écrit car la fête continue en face et toi tu te recouches et tentes de trouver un zeste de sommeil tu te sens bien malgré la fatigue car tu sais que quand le jour se lèvera les pétards se seront tus et les colombes commenceront à roucouler comme chaque matin que Shanghai fait.

Shanghai est un bruit de fond

 

 

Vas-y engouffre-toi dans la ville tu sors de l’avion et l’air moite caresse ta vieille peau tu cherches un coin de soleil un coin de bleu mais tu te souviens qu’ici le gris habille le ciel alors tu hausses les épaules et tu retrouves le bruit de fond de la ville qui te voit apparaître chaque année lorsque se pointe la fin de l’été tu souris au chauffeur de taxi lui dis bonjour Ni Hao et tu te poses face à la route qui avance maintenant vers l’autre bout vers l’ouest et tu lis un gros quarante cinq écrit en rouge tu crois il te semble que c’est bien peu quarante cinq kilomètres pour aller de l’autre côté de Shanghai où tu es attendu c’est plutôt soixante tu te dis alors tu respires un grand coup et tu commences à tenter de parler un peu avec le jeune homme aux deux téléphones un pour le GPS et l’autre pour tchatcher avec un collègue tu penses que c’est par WeChat c’est autorisé ici au volant tu te demandes mais tu t’en moques car il est père de famille tu comprends que son enfant a trois ans il te montre les années avec ses doigts l’auriculaire replié avec le pouce ils énoncent les chiffres ainsi avec les doigts les Chinois tu t’en souviens Clément te l’a montré cet été tu as un peu révisé avec lui tout comme les mots de chinois qui te permettent d’échanger avec le chauffeur qui est tout sourire en te disant que tu parles bien alors tu réponds que tu adores parler chinois même si c’est difficile et l’écrire encore bien plus il te demande si le français c’est dur aussi tu réponds que oui alors il met la radio chinese music il te dit avec un zeste d’ironie c’est de la musique au mètre avec paroles en chinois il danse un peu sur son siège en souriant encore puis il baisse la vitre se racle la gorge et crache vers le bas côté lorsque la voiture ralentit car les embouteillages commencent à freiner le flot de véhicules dans la nuit installée maintenant sur la ville ça klaxonne moins que l’an passé tu te dis sauf les gros camions verts sur la droite bondés de travailleurs aux visages épuisés avec derrière des remorques chargées de rouleaux de fil de fer de plaques de béton de tuyaux géants car ça construit à tour de bras à Shanghai tu le sais bien que la ville pousse vers l’ouest chaque jour davantage cet ouest où tu arrives maintenant tu reconnais le quartier la station service le practice de golf avec ses hauts filets de protection l’hôtel un peu moisi d’en face le restaurant italien où la pizza se défend et l’établissement de massages au parking qui ne désemplit pas tu passes le poste de garde et tu arrives au bout de l’allée il y a des drapeaux chinois fixés sur les poteaux électriques parce que bientôt la Chine fête l’anniversaire de la création de la République populaire ça y est tu descends et marches à présent dans l’air tiède et déjà les grillons font cri cri cri doucement tu avances vers la maison où tu es attendu pour l’anniversaire de Raphaël deux ans tout juste le pitchounet que tu chéris de tout ton cœur et tu sais que tu vas fondre en l’embrassant .

Un rêve de Fuji

ceseraitleFuji

Ce serait en plein été
les neiges éternelles s’éterniseraient
tout de blanc recouvert nous vivrions
entourés
perdus
envahis
emplis
de blanc incandescent
à perte de vue
ce serait le blanc d’un rêve de hauteur
le blanc de tant de départs possibles vers tout là-haut
le blanc où naîtrait la possibilité d’écrire
de réécrire
d’inventer
de raconter à volonté
ce serait un rêve de Fuji.

Écrire. Tenter de.

écrire

Nouvelle année de vie depuis hier
alors, plume en main
reprendre le chemin d’écriture
désirer le suivre au quotidien
oui, chaque jour

et verrai bien où il mènera.