Découvrir dès demain les ultimes jours d’Alphonse Richard

Couv. ALPHONSE RICHARD 100

Un jour de sa jeunesse
Zoé, ma grand-mère maternelle
perdit son promis
parti à la guerre de 14
toute sa vie d’après
elle en porta le deuil

un jour de ces années dernières
je découvris à Digne un jeune caporal
au nom gravé sur une plaque de rue
Alphonse Richard
le premier natif de la ville
alors des Basses-Alpes
à trouver la mort à la Grande Guerre

en sa mémoire
et en celle de tous les morts
de tous les camps
lors de cette effroyable guerre
j’ai imaginé et écrit ce que furent les 14 derniers jours
de la vie d’Alphonse Richard
tombé « à l’ennemi »
le 14 août 14

le livre est parti vendredi chez l’imprimeur
d’ici à sa naissance, le 19 août prochain
je lirai chaque jour, du 1er au 14 août
une journée de l’ultime parcours de vie de ce jeune Bas-Alpin
à voix haute

vous pourrez l’écouter sur mon carnetdemarseille
tout comme sur le site des Éditions Parole
où mon livre sera publié.

Je vous donne rendez-vous demain.

 

Les bons baisers de Moussu T e lei Jovents

moussugémenos

Encore de la régalade hier-soir à Gémenos
une semaine après leur concert à La Ciotat
dédié à SOS Méditerranée
Moussu T e lei Jovents ont participé à la traditionnelle Fête de la Saint-Éloi

très rock ce concert
teinté d’humour et de poésie, comme toujours, en français et en provençal
un spectacle rempli d’embruns, de plages, de ports et de charmantes demoiselles
avec aussi un hommage aux résistants disparus
à ceux qui luttèrent en leur temps pour la liberté

j’ai aimé aussi la tendresse offerte au public
la nostalgie légère
de Bons Baisers de Marseille

le prochain concert de Moussu T e lei Jovents
c’est samedi prochain 5 août à La Ciotat
autour de leurs reprises de chansons d’opérette marseillaise, comme Dans ma petite calanque, l’un des treize titres de leur superbe album Opérette paru il y a trois ans.

À La Ciotat, Moussu T e lei Jovents embarque pour SOS Méditerranée

Je n’oublierai pas ce samedi 22 juillet à La Ciotat. D’abord parce que j’ai retrouvé Moussut T e lei Jovents en concert au Bar O’Central, dédié à SOS Méditerranée et parce que j’ai pu rencontrer Anthony 35 ans, Corse et capitaine de marine marchande. En mer toute l’année, il choisit pendant ses vacances ou ses jours de repos, d’embarquer à bord de l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée.

Inoubliable aussi ce samedi-là parce que j’ai assisté à la traditionnelle et très drôle course de baignoires organisée dans le Port Vieux de La Ciotat par l’association Ciotat Chourmo. En fin d’après-midi, après quelques pastis, j’ai pu bavarder avec Chichi d’or, le déclameur de l’asso, qui a invité SOS Méditerranée à être de la fête.

course de baignoires

baignoiresLaCiotat

Cigales du matin

cigales

Cigales du matin
pas chagrin
dès les premières lueurs
chantez en chœur

reines du camouflage
vous répandez
vos ondes de gaieté
sur tout le paysage

cigales du matin
pas chagrin
s’il vous plaît
de célébrer l’été
jamais ne cessez

Comme une Reine des surprises

commeunereinedessurprises

Où est passée la mer
me suis demandé hier

à peine deviné sa trace
humé sa présence
en dessous de la blancheur des roches
tandis que la brume remontait jusqu’au vieux sémaphore

et là, comme un enfant naïf
j’ai cru voir la mer tout là-haut
vêtue de bleu azur comme une Reine des surprises

Demain il fera beau

Demain ilfera beau

Revenir au pays
là où marchions ensemble
il y a combien de jours et de jours, dis ?
poser les yeux où si longtemps tes yeux se posèrent
d’est en ouest
vers Planier aussi
et puis auprès des bateaux de retour des îles
lancer le regard jusque derrière les limites de cette ville
où tu me donnas vie
guetter la fuite du jour
et savoir
ce soir peut-être encore plus profond que les autres soirs
que demain il fera beau

 

Onze femmes de Shanghai 十一个上海的女人

femmesdeshanghai2

Raconter en trois phrases un personnage en le décrivant « non pas en général, mais dans un moment précis d’une histoire…. non pas depuis lui-même, mais depuis son contexte et ce qui le meut ».
En raconter onze en tout.
J’avoue que j’ai tourné viré pendant de longues semaines avant de me lancer sur les traces des 68 contributeurs qui se sont avant moi laissé tenter par l’invitation-proposition de François Bon sur son Tiers Livre.

Peu ou pas inspiré suis depuis de très longs mois. Deux romans en jachère. N’arrive pas à faire émerger les mots qui pourraient leur donner un semblant de suite.
Seuls quelques poèmes parviennent à s’échapper de temps en temps de mon stylo.
Au quotidien, se résoudre à répéter et conjuguer le mot résilience au fond du brouillard de soi-même, et pas que dans l’écriture.

Et puis, une petite embellie avant-hier à la lecture de la très belle contribution d’Arnaud Maisetti à l’atelier de François. Ses onze personnages esquissés à partir d’expériences de voyages m’ont renvoyé illico à Shanghai, si chère à mon cœur.
L’an passé, mon voyage là-bas m’avait inspiré plus de cinquante Shanghaikus.
Je les ai revisités et me suis lancé en choisissant onze femmes approchées lors de mes séjours annuels à Shanghai.

Pour le plaisir et le mystère de la calligraphie, j’ai demandé à ma fille de traduire le titre de ce billet, en attendant de pouvoir moi-même un jour écrire correctement en chinois.

十一个上海的女人

1. Jia Jia dessine sur la peau des hommes les tatouages qu’ils ont choisis.
Au revers de sa main qui danse au rythme de l’aiguille gorgée d’encre, elle s’est fait tatouer le Mont Fuji d’Hokusai. Il l’accompagnera cet hiver au Pays du Soleil Levant, dans son premier voyage hors de Chine.

2. En attendant que le feu passe au rouge, Feng fredonne la ritournelle triste diffusée par son autoradio. Elle voudrait bien rentrer chez elle après ses dix heures de volant, mais tant que des bras se lèveront au-devant de son taxi, elle continuera de braver les embouteillages. À bientôt 70 ans, Feng travaille sans compter pour payer les études de son fils, futur avocat d’affaires.

3. Rue Fuzhou Lu, Zhen agite un éventail pour chasser la vapeur qui s’échappe de trois petits paniers ronds en bambou. Debout dans un réduit brun de crasse coincé entre une boutique dédiée à la calligraphie et un salon de coiffure, Zhen vend ses raviolis à la pièce. Un très vieil homme est allongé devant une télé miniature au fond du réduit. Sans doute son père.

4. Mei brandit en souriant la grosse pomme de terre arrachée du sol noirâtre de sa parcelle. Avec son mari Wang, ils se sont installés là un beau jour sans rien demander à personne. Depuis, sans rien échanger d’autre que des éclats de rire, ils cultivent leurs légumes. Mei et Wang n’ont jamais eu d’enfant.

5. Hua a oublié le son de la première pièce jetée par un passant sur le trottoir où elle joue du ErHu près de la station de métro Xindianti. Hua ne connaît ni le visage ni le prénom du jeune homme qui chaque jour la ramène chez elle sur son vélo. Hua est aveugle et fêtera ses vingt ans le mois prochain.

6. Ting Ting est en colère mais seule Niu, sa fille de cinq ans, le sait. Tout à l’heure, à la sortie de l’école, elle a tendu la main au maître mais il l’a ignorée. Au début de l’année, pourtant, elle était allée le saluer. Il lui avait même souri. Aujourd’hui, il n’a parlé qu’avec les mamans qui lui tendaient une petite enveloppe.

7. Agenouillée face à une croix aux lumières fluorescentes rouges, Xia-He murmure sa prière à Jésus les yeux fermés. Elle a rencontré le pasteur et la foi au moment où son fils Deng s’enfonçait dans l’alcoolisme. Aujourd’hui Deng est mort et Xia-He se rend au temple chaque jour.

8. Yun ne dit jamais un mot aux joueurs dont elle porte le sac sur le parcours du Sheehan Golf Club. Elle se contente de leur sourire, de tenir le drapeau sur le green et de leur nettoyer les clubs, comme on le lui a appris. Parfois on lui tend la pièce après la partie. Yun la refuse toujours et tente d’oublier qu’ici, le droit de jeu dépasse ce qu’elle gagne en un mois.

9. Li Na avait trouvé une place de vendeuse chez un boulanger installé près du Bund. C’est la première fois qu’elle travaillait depuis la fin de ses études de psychologie. Li Na s’y plaisait bien, mais demain, il lui faudra quitter la boutique car son patron l’a surprise ce matin en train de manger un croissant en cachette.

10. Lo Shen n’en peut plus de cette chaleur dans la salle d’attente. La climatisation est en panne, ils lui ont dit à l’accueil de l’hôpital. Près de six heures qu’elle patiente parmi des dizaines d’autres mamans et elle n’est pas sûre de passer avant la nuit. Lo Shen n’a plus d’eau à donner à Zhou, son fils de six mois, exténué de fièvre.

11. Dans l’avion qui la ramène au pays, Xiu ne relève pas les sourires moqueurs et les plaisanteries grivoises de quelques passagers avinés. Elle continue de leur servir du champagne, le visage impénétrable. Demain-matin, elle ira réclamer à sa compagnie de ne plus l’affecter sur la ligne Shanghai-Paris.