S’il te plaît

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Ne me dis pas que ce fut un mirage non raconte-moi plutôt quels oiseaux chantaient là juste à côté de toi lorsque apparut cette merveille oui vas-y dis-moi leur plumage la taille de leur bec la grâce de leurs ailes dépeins-moi le dessin des écorces les nervures des feuilles la trame des rameaux d’où se lançaient leurs voix décris-moi s’il te plaît les secondes offertes à la peine du ciel lorsque tu pris ton envol vers là-bas.

Le photographe du désert

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Faire sonner les mots en dehors de ma bouche lire à voix haute c’est plus fort que moi je ne peux m’en empêcher ce désir surgit parfois lorsque me trouve devant un texte qui me parle me touche m’emporte loin me fait réfléchir sonne avec profondeur à mes oreilles et à mon cœur la semaine passée j’étais ici-même avec Nicolas Esse il y a dix jours aux côtés de Candice Nguyen et aujourd’hui me voici devant Philippe Castelneau et sa contribution-portrait à l’atelier d’écriture proposé par François Bon sur son Tiers Livre « faire semblant d’être Pierre Michon » c’est le texte que je préfère parmi les trente mis en ligne chez François pas de titre comme pour les vingt-neuf autres textes du coup je me permets de lui en donner un Le photographe du désert Philippe trouvera peut-être mieux ou pas il me dira ou pas lire à voix haute ce texte donc mixer ses mots à des phrasés de oud et partager avec vous tout comme nous partageons le plaisir de nous lancer à écrire modestement et toujours passionnément chez François Bon.

Photo de ci-haut @Pexels

Tante Berthe

Tante Berthe

Les clochettes tintent. La pauvre chèvre pelée bêle devant la véranda.
Suivie d’une autre chèvre puis d’une autre en un cortège qui dessine une volute blanche et beige dans le jardin. Elles annoncent une drôle de nouvelle les biquettes il te semble, ma Mémé Zoé. Tu dis que leurs gros yeux humides racontent le pire. Leurs barbichettes tremblotent de stupeur.

Chacune arbore un large collier de cuir à rivets et à points rouges semblable à ceux que …
« Tu ne te souviens plus, Mémé ?
« Non, Il me faut fermer les yeux. Chercher au dedans de moi. Délaisser un instant les faces tristes et tremblotantes des bêtes. »

Là, ça te revient. Ces colliers accrochés dans la remise à côté des bidons des deux brouettes, une pour le grain l’autre pour le fumier, ces colliers tu les revois maintenant, oui. C’est Tante Berthe qui les tresse. Elle tient ça de son grand-père Fernand qui le tenait du sien et loin on peut remonter avec cette histoire de colliers. Elle t’en a parlé, Tante Berthe. Fernand lui a appris la façon d’accorder, de mêler les brins de cuir un peu comme on tricote. Un brin à l’endroit un brin à l’envers enfin à peu près comme ça en resserrant bien les doigts à chaque passée.
« Je n’ai pas d’enfant alors ces colliers c’est un peu ma layette à moi », elle répète souvent dans un grand éclat de rire.

Ces colliers, Tante Berthe les confectionne depuis petite. Avec la place juste à l’aplomb du gosier pour laisser accrocher une cloche ou une clochette.Tous poinçonnés de rouge, ils sont. Sa marque de fabrique. Sa signature. Elle s’applique comme une écolière en tirant la langue. Elle trempe le poinçon dans un pot d’encre et paf, les pois sont marqués sur le cuir. Tu te rappelles bien maintenant. Elle s’en amuse. Même les doigts tout humides de rosée après le ramassage des légumes ou la cueillette des champignons, elle passe et repasse les brins de cuir l’un sur l’autre et le collier nait sous ses épais doigts aux ongles ras et bombés.

«  Elles sont jolies mes chèvres, on les reconnaît quand elles sortent du village ! », elle dit à chaque fois.Toujours en rigolant. Une trentaine de bêtes elle a. Le plus gros troupeau du canton. Ça fait beaucoup de cuir et de pois rouges. Avec deux ânes aussi mais elle ne les marque pas, eux.

La pauvre chèvre pelée ne bêle plus à présent. Elle frotte son cou contre le piquet brun de la clôture. Juste à l’endroit où le collier tinte de sa clochette. Puis elle pousse ses gros yeux globuleux vers le chemin qui mène à la bergerie. Les autres attendent en tremblant comme d’habitude.

Alors tu comprends.Tu sautes la clôture et te mets à courir vers le mas de Tante Berthe. Les chèvres derrière. Au ralenti vous avancez. En amont de l’allée qui mène aux deux murettes juste à l’entrée du mas, tu distingues sa silhouette. Debout elle se tient. Immobile. Figée dans le froid de novembre. Tu siffles pour t’annoncer. D’habitude elle te répond en criant « Viens, viens ! » Là, rien.
« Mon Dieu », tu te dis.

Tu approches et c’est un épouvantail qui se dresse devant toi. Vêtu comme elle. À l’identique. Même blouse à carreaux. Même fichu blanc et beige autour de la tête. Même godillots crottés.
Mais un corps de chiffons accroché à une armature en fer et un visage de paille grossière avec deux gros cailloux noirs pour les yeux.

Toi, tu écarquilles les tiens, tu entres dans la pièce cuisine salle à manger bergerie et tu entends « coucou, coucou ! ».
C’est Tante Berthe qui bondit de derrière le gros poêle à bois en éclatant de rire
« Je t’ai bien eue, hè Zoé, je t’ai bien eue ! Allez, accompagne-nous au pré !».

Ce texte est ma contribution à l’atelier d’écriture* « faire semblant d’être Pierre Michon ».  proposé par François Bon sur son Tiers Livre. Décrire un personnage dans son rapport avec le temps, c’était la consigne. L’écrire « en entier par le temps quantifié et saisi, on décrypte un instant et c’est toute l’image d’une vie qu’on va construire ». J’avoue avoir calé et longtemps ramé pour finalement trouver la clé et accoucher de ce portrait que j’ai pris plaisir à brosser.

*Les 3O contributions-portrait se découvrent ici

Photo de ci-haut @Paquerette

 

Juste assez

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Un jour peut-être approcher de la cime essoufflé juste assez pour braver le chemin étonné juste assez pour mesurer tes pas à l’échelle du monde un jour peut-être chasser le vertige éveillé juste assez pour goûter l’éphémère émerveillé juste assez pour te fondre dans le paysage.

Ce miracle

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Juste avant la naissance du crépuscule il arrive que des mots s’échangent en silence d’arbre à ciel et de feuilles à lune toi aussi tu parles au chaud de ton désir que tes yeux s’ouvrent demain encore sur ce miracle.

Pauvres fantômes

Sonatine

Je les avais pourtant prévenus le clavecin est piégé n’y touchez pas mais si têtus ils sont les fantômes surtout lorsque leur désir de revanche sur les riches leur mange le cœur ils ne m’ont pas écouté les ai vus entrer dans le salon désert sentait l’amour le parfum de femme et le tabac hollandais leurs éclats de rire obscènes me claquent encore aux oreilles suis resté dehors en embuscade ai aperçu le plus vieux s’approcher de l’instrument avec une hache à la main il ne l’a pas actionnée non il a regardé ses deux acolytes en tirant la langue et au ralenti a avancé son poing vers le blanc des touches déplié ses doigts puis tenté une note avec son index et là le clavecin a craché des torrents de cailloux de poussière un tourbillon géant a pris d’assaut l’espace et les fantômes ont disparu sous les gravats dans un silence de mort.

Photo de ci-haut @RomainVeillon

Si peu

sipeu

Si peu aujourd’hui
les mots à l’arrêt
le désert
le calme plat
le vide
le rien du tout
l’infime
le silence
à peine quelques perles de pluie sur les fleurs
si peu

Le cauchemar du rescapé

baignoire

Découvert avec effroi hier-soir sur Arte.tv le documentaire Heinrich Himmler – The Decent One consacré à Heinrich Himmler chef de la SS et architecte de la solution finale ai haï encore plus fort le fascisme le fanatisme le nationalisme et dans la nuit a surgi et tourné un cauchemar que j’ai tenté d’écrire tôt ce matin

Les traces de sang ont disparu lorsque la terre a tremblé sous les bombes tombées autour du camp le souvenir des méfaits de l’homme à la tête de mort sur la casquette s’est infiltré peu à peu dans les fissures ouvertes à l’endroit même où il avançait chaque jour en riant en claquant des talons cravache en main posait ses bottes noires là juste entre les deux anneaux puis se penchait vers nous et questionnait à voix basse de plus en plus basse au fur et à mesure que les coups pleuvaient nos silences se sont enfuis nos cris se sont tus nos hurlements ne résonnent plus que dans le crâne nu de l’homme aux lunettes cerclées maintenant que le voilà tête de mort enfoncée dans la bouche empierré et ligoté aux poignées de cette baignoire où il régnait en maître il y a peu avant de quitter le camp nous avons coupé l’eau pour le dissoudre à sec dans sa honte en vain il est trop tard à présent trop tard pour entendre et accepter les pardon pardon qui résonnent jusqu’au plafond de cette salle où l’homme demeure seul à ressasser remords ou peut-être dernières volontés tandis que chaque jour qui passe depuis voit le désert envahir un peu plus la terre et le camp où je me souviens avoir été jeté piétiné ce camp où des nuits entières ai prié pour en ressortir vivant.

après le cauchemar la nausée encore la bête immonde à la tête de mort remue encore et dans ma ville en plus sans que grand monde s’en émeuve

Photo de ci-haut @RomainVeillon

Le tocsin éternellement ?

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Encore le tocsin hier matin tout près de la maison ces deux notes lancées en boucle par les cloches novembre déroule sa peine il n’y a que Bach pour me consoler m’empêcher de trop m’enfoncer sur le sentier glacé du chagrin penser aux chers disparus partis trop tôt penser à la mort à la mienne dans longtemps ce serait bien désir d’aller respirer dehors aussi de marcher vers les tombes au pied des arbres et juste avant de sortir presque par hasard mais existe-t-il vraiment le hasard tomber sur ce Tweet énigmatique de Nicolas Esse dont j’apprécie la poésie les photos de rando à vélo au bord du Lac Léman il me semble et puis l’humour décalé

Nous ne sommes pas faits pour mourir éternellement forcément je clique vers son site je lis le billet et je partage à voix haute

 

une fois le texte lu et enregistré et mixé je réalise que Nicolas Esse le publia en décembre 2014 à peine un peu plus de deux mois après le départ de Maman trop tôt envolée vers l’autre monde je suis sûr qu’elle aussi aurait été touchée par ces mots puissants ces vérités glaçantes sûr qu’elle non-plus n’aurait pas désiré mourir éternellement…

Migrants mineurs : en montagne ou en mer, même calvaire

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Journée internationale des droits des enfants ce lundi pensée forte pour ces mineurs migrants africains abandonnés en montagne il y a dix jours dans les Hautes-Alpes au Col de l’Échelle près de Briançon ai découvert leur calvaire en écoutant ce reportage poignant et révoltant de Raphaël Krafft sur France Culture

Ce reportage a été diffusé vendredi dernier dans l’émission Le Magazine de la rédaction

Ne donnez pas à la mort le droit de dire le dernier mot, lançait Erri de Luca à la Maison de la poésie en avril dernier en évoquant le sort des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Ses mots valent également pour tous ceux qui empruntent plus au nord la voie de la montagne eux aussi au péril de leur vie.

Photo de ci-haut @RaphaëlKrafft

 

Dans le Tanger de Candice Nguyen

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Il faudrait pouvoir dérouler la longue contemplation
du détroit de Gibraltar et de Tarifa :
cette Europe qui semble si proche, si proche…
combien de personnes noyées entre ses bras ?
déstabilisant le vertige ressenti ici
depuis le petit muret sur lequel nous sommes assis.

Ils résonnent fort en moi ces mots de Candice Nguyen publiés dans son Carnet tangérois me souviens que début mars à Tarifa de ce côté-ci de la mer avais marché avec mon amoureuse jusqu’au bout de la digue qui mène à l’Île des Colombes le point le plus au sud de l’Europe l’endroit où se mélangent l’Atlantique à droite en regardant la mer et la Méditerranée à gauche avec le Maroc en face juste là on touchait presque Tanger nous étions émerveillés devant ce ballet des flots avions senti aussi monter en nous de la honte devant cette Méditerranée qui pleure tant de migrants disparus noyés à quelques brassées à peine de notre continent tellement égoïste ensuite je me souviens avions hésité un moment à prendre un ferry et partir découvrir Tanger et puis non trop court pas assez de temps devant nous une journée bien trop court Tanger ne se déguste pas au pas de course alors en remontant vers Cadix et Séville nous sommes promis d’y aller sans tarder en prenant vraiment le temps cette ville magique Candice l’a arpentée l’a respirée l’a lue l’a photographiée y a écrit combien de temps est-elle restée je ne sais mais de là-bas elle a ramené un Carnet tangérois tellement beau tellement touchant que je ne résiste pas au plaisir d’en lire à voix haute un extrait Le Café à l’anglaise ça s’appelle

à Tanger irons bientôt j’espère Inch’Allah boire le thé et parler avec ces femmes magnifiques qui le tiennent en écoutant Sabâ Peşrev – Tanburi Büyük Osman Bey découvert grâce à Candice.

 

Photo de ci-haut @CandiceNguyen

 

Retrouver les chênes et les bouleaux

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Remonter vers les chênes et les bouleaux retrouver leurs écorces râpeuses et douces respirer profondément dans la fraîcheur du jour sentir ma peau se gercer bien sûr un peu moins souple qu’avant cette peau hé hé Papet le temps te travaille lui tire la langue lui envoie des grimaces en souriant puis cherche contact et parfum silencieux au pied des troncs dressés en majesté vers les cieux me souviens soudain de ces branchages contemplés l’hiver dernier à Tarifa nus dépouillés de feuilles tendus sous la lumière dorée tels des bras en prière pour que le printemps s’en revienne vite prière surtout je les ai entendus ces arbres pour que plus un seul migrant ne périsse en mer entre l’Afrique abandonnée et notre vieille et honteuse Europe presque à la nuit quitter les chênes et les bouleaux et rentrer écouter une histoire mise au chaud en début de semaine dans ma collection de podcasts l’histoire d’un fou d’arbres lui aussi.

Le fou d’arbres est l’un des trois personnages découverts dans l’émission Les Pieds sur terre de lundi dernier sur France Culture

Bach, Candice et Sama

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Pas un jour sans Bach violoncelle seul les six suites m’accompagnent en écriture Rostropovich Casals bien sûr et Queyras au jeu moins lyrique moins romantique disons davantage protestant l’écoute religieusement et l’emmène avec moi regarder les grues passer là-haut près des des traces fugaces laissées par les avions

un peu de Twitter aussi juste ce qu’il faut pour rester connecté avec celles et ceux dont j’aime la petite musique et justement hier un tweet de Candice Nguyen exilée à Montréal pour combien de temps je ne sais quand reviendra à Marseille reviendra-t-elle mystère mais savoir que tout le temps où je veux quand je veux sa merveille de site m’est ouverte

 

et donc ce tweet qui ouvre la curiosité « Un après-midi avec Sama, la DJ qui a ramené la techno en Palestine » et là je clique découvre l’interview de l’artiste dans Noisey son courage son engagement sa liberté de ton et en quelques minutes par la magie du Web passe du Québec à Ramallah en me disant que Twitter quand même c’est chouette j’écris quand même parce que souvent las me trouve devant la foire aux egos on s’aime mais surtout on aime qu’on nous aime vous me comprenez hein mais bon avec Candice c’est un autre feeling jamais déçu suis par sa curiosité sa poésie et son talent pour partager voilà à mon tour je partage avec plaisir les morceaux de Sama découverts alors que la nuit tombe ici qu’il commence à faire froid dehors moins beaucoup moins qu’à Montréal mais tellement chaud dedans comme à Ramallah cette musique c’est de la régalade.

 

Maïté et les chats du voisin

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J’ai croisé Maïté sur le chemin qui mène aux maisons où chantent les coqs le matin d’habitude elle est penchée sur les sillons de son jardin mais là l’ancienne factrice avait rendez-vous avec des chats l’ai suivie friand comme toujours de ces instants presque hors du temps tissés de trois fois rien et de beaucoup d’humanité.

Sont passés où les cochons noirs ?

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Rien ne m’inspire davantage que ce que j’entends que ce qui surgit impromptu à mes oreilles et que j’écoute en prenant le temps l’automne filant et l’hiver approchant me revient en douceur le désir de ressortir l’enregistreur pour aller capter les sons des alentours pas pu graver le cri des grues avant-hier frustré volaient trop haut mais ces deux cochons noirs croisés au détour d’un chemin dans leur enclos ai gravé leurs grognements il m’ont approché de bon matin le groin humide et gourmand n’ai pas trop su quoi leur dire sinon que je les trouvais beaux dans leur habit soyeux puis m’en suis allé en pensant à leurs petits yeux curieux l’après-midi repassant devant leur champ ils avaient disparu les ai cherché ai guetté leurs pas et leurs voix mais non rien envolés ai soupiré en me souvenant des canards croisés l’hiver dernier non-loin d’ici et plus jamais retrouvés aujourd’hui sans doute hélas transformés en pâté ai campé un moment silencieux devant le grillage puis me suis rentré résolu à continuer au quotidien à avancer serein et décidé sur mon chemin végétarien.

Quelques pensées de mistral

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Qu’en entendent-ils du mistral les disparus il fait danser les mouettes écumer les flots hurler trembler les fenêtres de ma chambre qui fut ton bureau Maman l’entends-tu toi dis ce vent de folie le sentent-ils les morts pousser et pousser encore les dalles de leurs tombes s’engouffre-t-il dans les fissures délaissées les pots de fleurs les ex-voto les plaques aux mots offerts qui tapent sur le marbre en perçoivent-ils les claquements et ces cendres dispersées au jardin du souvenir qu’en reste-t-il lorsque le vent se déchaîne et nous vrille la tête avec toutes ces pensées sombres tu peux me dire Maman ?

« … Mistral mistral mistral
On voudrait bien que tu t’arrêtes … »

Alphonse et Zoé, mémoire à voix haute

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Mémé Zoé c’était ma grand-mère maternelle haute-provençale née en 1894 qui perdit son promis à la Guerre de 14 et ne s’en remit jamais Zoé ainsi se prénomme ma fille cadette née en 2001 elle n’a pas connu son arrière grand-mère puisque décédée vingt ans avant sa naissance ai souvent parlé à Zoé comme à chacun de mes trois enfants de l’aïeule Zoé endeuillée à vingt ans leur ai offert mon dernier livre et ils connaissent d’autant mieux Alphonse Richard qu’ils portent en eux les mots par moi énoncés pour leur raconter la tragédie vécue par notre ancêtre et l’abomination de cette Grande Guerre qui il y a un siècle bouleversa la vie de toutes ces femmes dans chaque camp dont un fils un promis ou un mari ne revint jamais au pays hier dimanche 12 novembre lendemain de commémoration de l’Armistice Zoé a choisi de lire à voix haute la journée du 12 août 1914 la douzième de mon récit qui s’achève deux jours plus tard avec la mort d’Alphonse Richard cette lecture teintée de sentiments encore un cadeau de la vie qui me touche au plus profond.

Et maintenant, le Jardin public Valmer !

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Valmer c’est un jardin public de toute beauté comme la villa qui le surplombe dans le quartier de ma jeunesse j’y venais souvent refaire le monde avec les copains et regarder la mer avec une chérie il sent bon l’iode les pins et les arbousiers ce jardin il est délicieusement arboré il permet de se détendre à l’ombre les après-midi d’été Valmer accueille souvent des mariés en quête de photos face à la mer car il offre une vue somptueuse sur la Corniche le Frioul les îles d’Endoume Malmousque le Petit Nice jusqu’à l’île Maïre à l’autre bout de Marseille vers les Calanques aujourd’hui le voilà menacé d’être privatisé sur sa partie haute celle qui jouxte la villa vouée à devenir un hôtel cinq étoiles la Ville veut y aménager un parking en catimini sans consulter personne c’est juste une nouvelle atteinte au patrimoine commun des Marseillais ce joyau doit rester public ouvert à toutes et à tous ça n’est pas négociable j’ai choisi de rejoindre les plus de 13.400 signataires de la pétition lancée par Hervé Menchon parce que je ne supporte pas l’avenir qui est dessiné à ce jardin par des élus irresponsables ceux qui cautionnent aussi la construction programmée par Vinci d’un immeuble avec parkings souterrains sur le site de la carrière antique de la Corderie peut-être signerez-vous aussi ça peut servir une signature deux signatures des milliers de signatures pour renverser le cours d’une histoire de Marseille qui a tendance à se conjuguer de plus en plus avec le fric les intérêts privés au détriment de notre vivre tous ensemble sur le sol de notre cité.

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Pour prolonger, lire la page Facebook du groupe Les Sentinelles.

 

Quatre vingt dix-neuf ans et bien plus

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Onze novembre deux mille dix-sept l’armistice conclu il y a quatre vingt dix neuf ans jour pour jour une journée de grisaille dehors rien d’inédit une journée de pensées fortes pour Alphonse Richard tombé bien avant que le feu et la folie ne s’arrêtent quatre ans et presque trois mois après sa mort je me demande comment il aurait pu traverser la Grande Guerre le caporal dignois si le mortier allemand ne l’avait fauché dès les premières salves le quatorze août quatorze comment aurait-il survécu à la tragédie comment aurait-il accueilli l’affreuse nouvelle qui me massacre le cœur publiée par Gérald Andrieu sur mon fil Twitter

reprise ensuite prolongée ainsi par Arnaud Maisetti

pour dénoncer la mort maquillée du berger de Lozère le dernier Poilu de la Grande Guerre tué à l’ennemi comme les autorités militaires écrivaient sur la fiche des morts pour la France Augustin tué le dix novembre dix-huit tu parles les salauds ils ont osé les salauds onze novembre deux mille dix-sept journée de signes d’amitié aussi consolent et apaisent comme ce tweet de Francine Bourgeois

oui Alphonse Richard est vivant parmi nous et bien au-delà de notre France bien sûr et je me prends à réécouter l’audioblog fabriqué par les collégiens du Lycée français de Shanghai Campus de Pudong rencontrés en octobre leur enregistrement audio de l’intégralité de mon livre quel magnifique cadeau toutes ces voix d’enfants je n’en reviens toujours pas et sans doute Alphonse non-plus.

Vinci indésirable sur l’antique carrière marseillaise de la Corderie

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Retourner à Marseille hier dans le quartier de ma jeunesse boulevard de la Corderie si souvent emprunté adolescent pour descendre en ville tourner à droite à Saint-Victor juste après la rue d’Endoume venions de là avec les copains pour aller au ciné à deux pas de la mythique et somptueuse Abbaye avancions vers le Vieux-Port passions en dessous de l’antique carrière grecque exploitée à partir du VIème siècle avant notre ère du temps où Marseille était Massalia pas encore mise à jour à l’époque où la longeais sans le savoir aux côtés de Jean-Marc de Guy et de tant d’autres aujourd’hui Vinci ose vouloir y construire un immeuble résidentiel avec la bénédiction de la Mairie de Marseille et de la Ministre de la Culture pas une semaine sans rassemblement d’habitantes d’habitants d’architectes d’archéologues pour protester contre l’insupportable le sacrifice du patrimoine historique des Marseillais sur l’autel du fric banderoles affichettes pancartes et paroles aussi paroles de colère à commencer par Franck Pini habitant du quartier.

David Coquille est journaliste au quotidien La Marseillaise je garde une tendresse pour ce journal où fus correcteur l’été de mes dix-sept ans ce fut aussi le journal du regretté Jean-Claude Izzo David Coquille donc qui chronique avec talent chaque épisode du feuilleton de l’antique carrière remonté lui aussi devant le scandale de ce projet immobilier cautionné par Jean-Claude Gaudin et Françoise Nyssen.

Ne pas lâcher résister ensemble chacune et chacun à son niveau seule condition pour que ce funeste projet finisse par être enterré dans les poubelles de la ville.

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Lire l’interview réalisée par David Coquille de Georges Heintz, architecte urbaniste et membre de l’Académie d’architecture, publiée dans La Marseillaise.

David Coquille est aussi sur Twitter : @DavidLaMars
Il y tient entre autres la chronique de la carrière antique de la Corderie

Alphonse Richard renaît au pays avec des collégiens dignois

Au collège Maria Borrély de Digne-les-Bains encore un beau rendez-vous hier avec des élèves de troisième pour parler d’Alphonse Richard et de mon dernier livre à lui dédié rencontre forte et riche après celles de lundi avec des écoliers dignois et de la mi-octobre avec des élèves du Lycée français de Shanghai Campus de Shanghai forte et riche parce qu’autour de mon récit avons pu parler de la mescle entre littérature et histoire de la guerre de 14-18 de son horreur absolue de l’immense deuil dans lequel furent plongés tant de parents de femmes d’enfants de fiancées de chaque côté de la frontière forte et riche car avons évoqué le fil ténu et précieux qui relie l’histoire des individus et l’Histoire avec un grand H et comme c’était la journée des cadeaux après l’audioblog dédié à mon livre conçu par les collégiens du LFS de Shanghai et publié sur Arte Radio ai savouré cette émouvante lecture d’un extrait de mon récit signée Nina

Un grand merci à Sylvie Poirié professeur de Lettres Sylvie Deroche professeur d’Histoire-Géographie et Rémi Garcin chef du service des Archives communales de la Ville de Digne-les-Bains pour le précieux travail en commun avec les collégiens.

Un cadeau shanghaïen nommé Alphonse Richard

QRCodeAlphonseUn QR code vient de tomber sur mon WeChat adressé par Élise et Guillaume les documentalistes du Lycée français de Shanghai Campus de Pudong ai passé là-bas le treize octobre dernier une journée de belles et fortes rencontres avec les collégiens autour de mon dernier livre Il s’appelait Alphonse Richard, le premier Dignois tué à la Grande Guerre le QR code porte une toute petite photo en son cœur la couverture du livre je l’identifie ce code et j’arrive sur Arte Radio c’est l’audio blog Lire en fête Shanghai Pudong je clique commence à écouter et là les larmes me viennent les élèves du LFS ont lu et enregistré mon livre de la première à la dernière page c’est magique une merveille de cadeau je vous le fais partager juste avant de me rendre au Collège Maria Borrély de Digne-les-Bains où des élèves de troisième m’attendent pour une rencontre autour d’Alphonse Richard le Dignois.

L’Audioblog dédié à Alphonse s’écoute aussi ici : http://audioblog.arteradio.com/blog/3048055/lire_en_fete_shanghai_pudong?sortBy=date-asc&pageNumber=0

 

 

 

Au pays d’Alphonse Richard, des écoliers se lancent en écriture

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Longtemps que n’avais plus été à l’école m’y suis replongé avec gourmandise ce lundi bonheur de rencontrer les élèves de CM2 de l’École Joseph Reinach à Digne-les-Bains invité pour parler de mon dernier livre dédié à l’enfant du pays Alphonse Richard le premier Dignois tué à la Grande Guerre avons évoqué cette tragédie le deuil de tant et tant de femmes d’enfants de parents dans chaque camp avons chéri ensemble les mots paix amour et liberté puis m’ont beaucoup questionné sur le travail d’écriture l’inspiration le temps qu’il faut pour faire naître un livre le rôle de l’éditeur le désir la passion d’écrire leur ai répondu de mon mieux en rappelant qu’écrire n’est pas réservé aux écrivains leur ai proposé d’écrire eux aussi des petits textes courts comme des haïkus ont choisi quelques mots pour lancer le déclic chocolat pixel girafe ai ajouté lune soleil et saisons comme l’avais fait à la mi-octobre au Lycée français de Shanghai un peu déroutés au départ les petits Dignois puis se sont laissé aller à faire courir leur imagination sur le papier voici leurs pépites
à écouter sans modération

Méline

La nature sature
la sécheresse caresse
la belle campagne

Laurette

La lune s’est levée
le soleil s’est couché
les nuages s’envolent

Julie

L’hiver apparaît
le manteau blanc
recouvre mon joli pré

Chloé

Sous les rayons dorés
les saisons se réchauffent
en dansant

Samuel

Quand l’hiver repart
que les beaux jours reviennent
on dit au-revoir à la haine

Mathéo

La lune brille
elle est ronde
la nuit elle est belle

Mohammed

Dans la savane
il y a des lions et des girafes
et des zèbres

Tigranuhi

La nature se réveille
tous les matins
joliment

Lucas

La lune toute ronde
le soir de Noël
ouvrons tous nos cadeaux

Angel

Le soleil émerveille
se promène
dans le grand ciel bleu

Joyce

L’astronaute va sur la lune
et voit
un nuage en chocolat

Talina

D’un petit arc en ciel
voilà la licorne
qui tombe flagada

Nolan

Je suis une saucisse
qui aime
manger des frites

Loris

Je suis un mojito
qui aime boire
plein de chocolat chaud

Chady

Dans la nature blanche
le renard mange
du chocolat blanc

Lorenzo

Le soleil est dans l’espace
et ses rayons
réchauffent la terre

Armel

À la nuit des temps
deux loups-garous
réunis pour la nuit

Djelana

Le sapin est vert
la neige est blanche
et Noël est magnifique

Lynh

La nuit elles apparaissent
elles brillent dans le ciel
les étoiles

Mille fois merci à Claire Bésinet la directrice de l’école et à Clémentine Perdreau la maîtresse de la classe de CM2 pour leur accueil bienveillant et chaleureux.

 

 

Le bunkœur abandonné

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Sur la plage d’en bas affalé contre les galets penché vers la mer le vieux bunker abandonné se tait raconterait quoi comme histoire si ses murs pouvaient parler peut-être dirait des mots de guerre de résistance de combats pour la liberté des paroles de deuil de souffrance de rêves vifs d’espoirs tués d’espérance violente il se tairait un peu ou longtemps peut-être puis réapparaitrait soudain sur sa peau un souffle de sourire lorsque parlerait de paix retrouvée

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là maintenant d’en haut face à la Méditerranée tu guettes le moindre signe l’aperçois te saluer en silence de son dos empesé épuisé et tu te prends à désirer le nommer bunkœur.

Lo libre salabrum

lolibresalabrum

À l’aube comme souvent
tu descends peindre quelques galets
nourrir les poissons
leur dire qu’aujourd’hui comme hier
n’en mangeras pas
seul encore à cette heure
accroches tes yeux à l’horizon
respires le parfum des algues et des pins
puis remontes faire couler le café
fredonnant à voix basse
cette chanson belle et triste à la fois
Lo libre salabrum*

*L’air libre au goût salé

La lune, la carrière et les caractères

24734FE7-BB41-4585-8013-D2E2562C1517Presque pleine lune brille tant que nuit fut peu paisible pensé aux nouvelles d’ici accueillies en désordre comme un flot continu d’autant plus violent qu’en fus coupé là-bas du coup ai sorti la machine à trier à élaguer à contenir le plus possible le flux de colère en moi histoire de conserver lucidité sens critique mais sans brider ma capacité à m’indigner ne vais pas dresser la liste de tout ce qui me fait bondir depuis qu’ai retrouvé notre vieux monde serait longue à dresser mais fais le choix de retenir le plus exaspérant le site antique de la Corderie à Marseille menacé par Vinci avec la bénédiction de la Ville ça résiste oui ça résiste beaucoup un combat quotidien des Marseillais pour sauvegarder le site entier il faut le gagner ce combat contre la fabrique du fric contre ce monstre aux dents d’acier c’est un combat pour notre mémoire vive notre dignité de Marseillais d’où que nos ancêtres et nous mêmes soyons arrivés sur le sol de la cité quelle que soit la date du début de l’histoire qui nous lie en profondeur avec la plus ancienne ville de France ne pas lâcher continuer à crier à dénoncer à s’opposer me souviens bien des sorties au cinéma de notre jeunesse descendions par le boulevard de la Corderie pour remonter vers le Breteuil ignorions la carrière mais elle nous entendait passer c’est sûr les vestiges encore enfouis captaient nos pas et nos paroles de fils et filles de Marseille souvenir vivace si on nous avait dit à l’époque nous serions venus nous agenouiller de fierté devant ces trésors les protéger aujourd’hui combat de haute importance et de haute lutte oui mal dormi donc  agité tourné et retourné dans le lit à cause aussi des caractères chinois que j’ai commencé à apprendre la trentaine de verbes que je sais dire que je comprends qui me servent pour échanger un peu et que je désire savoir écrire et lire maintenant la tâche est belle et difficile les mots ont défilé devant mes yeux tandis que de mes doigts dans le clair obscur de la nuit je tentais de répéter l’ordre des traits de chacun en me trompant forcément en mélangeant un peu il me faudra reprendre dans la quiétude du matin sur mon cahier quadrillé répéter répéter encore comme le font toutes celles et tous ceux qui chaque jour font entendre à Marseille que la carrière antique de la Corderie elles, ils y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.

Un autre jour se lève

E109D8D0-A10F-48D3-B438-FE29A16DE5F6Te voici à l’autre bout de la terre la grande ville a disparu ses paroles ses cris ses joies ses gens ses odeurs son vacarme sa folie un autre jour se lève ici dans la douceur inouïe de novembre si loin du soleil de là-bas qui déjà se prend à guetter sa chute vers un autre horizon.

Après nous le déluge

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Premier novembre ici aussi
se souvenir
le déluge d’automne
eux ne le redoutent pas
pas plus que le Bouddha
dans sa statue d’argent
il en a tant et tant vu
tant enduré de déluges
de catastrophes
de tragédies
siècle après siècle
passés où les fidèles ?
cachés derrière un pilier
ou envolés là-haut
au-dessus des toits vernis
partis rejoindre
les êtres chers
toi, où que tu voyages
chaque disparu du monde
t’accompagne
et après nous le déluge.