Trois petits tours et puis revient (39) Jouer le jeu du circuit court…

circouitcourt

 

Contribution #20 Et puis j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’ont envoyé Marion et Renaud, depuis Bordes : Les Champs de Roses, de Danakil. Un grand merci.

 

(À demain 8h30…)

circouitcourt

Les mots pour le dire

« Des petits pois, tu en veux combien ? Un kilo ? D’accord, un kilo de petits pois ! Et toi ? Euh, pas de petits pois, deux bottes de radis et trois kilos de carottes ! C’est noté ! Ça sera tout ? Des fraises, tu veux pas des fraises ? Allez va pour des gariguettes ! Ces derniers temps, notre petite rue a trouvé un moyen de tirer la langue aux longues journées : jouer le circuit court, pour court-circuiter l’interdiction des marchés de plein vent. Je te raconte : depuis 6 semaines, à moins de 15 kilomètres d’ici, Michel le maraîcher confine chez lui entre ses serres et ses cagettes, et jour après jour, il voit sa production faire de l’œil au ciel, désespérément. Du coup, un petit coup de fil, et hop, Chantal organise la collecte des commandes des voisins. Nous avons même assuré la livraison, la semaine passée : du tout frais, du tout bon, sans pesticides, et je te dis pas le goût, mmm… de la régalade ! Jouer en direct le jeu du circuit court, il faudra s’en souvenir durablement, même s’il paraît que début mai, les marchés de plein vent seraient de retour. »

 

Trois petits tours et puis revient (38) Tellement à fleur de peau…

Rose

 

Contribution #19 Petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a envoyé Zoé, depuis Nîmes : Il neige, de Voyou. Mille mercis.

 

(À demain 8h30…)

Rose

Les mots pour le dire

« L’autre matin, incapable de dire à quelle heure, je sursaute en entendant le passage des éboueurs, et je me demande : quel jour on est ? Lundi, mardi ? Je ne sais pas si ça te le fait à toi aussi, mais depuis six semaines maintenant, c’est fou comme nous perdons la notion du temps. Les heures s’écoulent sur un curieux tempo, comme si nous étions légèrement anesthésiés. Ça n’est sans doute pas pareil pour ceux qui travaillent, ceux qui n’ont pas cessé de travailler et puis aussi pour tous ceux qui depuis le début de cette interminable parenthèse, ressentent une vive incertitude, une profonde angoisse de ne pas parvenir à repartir, à relancer leur activité, à vivre de leur travail comme au temps d’avant. J’ai croisé Fatima la fleuriste hier en allant acheter le pain et les tomates. C’est une artiste des fleurs et une battante, Fatima. Elle est toujours allée de l’avant, elle n’a jamais renoncé. Nous avons bavardé un court instant devant sa boutique désertée par les clients et puis elle m’a dit : – tu sais, le 1er mai approche et personne n’a la tête au muguet, personne. Nous sommes tous tellement à fleur de peau ! »

 

Trois petits tours et puis revient (37) Faudrait pas que ça dure trop longtemps…

Albrecht_Dürer_hieronymus Holzschuler

 

Contribution #18 Petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a envoyé Annick, depuis Tence : Il en faut peu pour être heureux. Grand merci.

 

(À demain 8h30…)

Albrecht_Dürer_hieronymus Holzschuler

Les mots pour le dire

« C’est vraiment pas grand-chose, mais il faut quand même que je te raconte. En allant chercher quelques fruits chez Francis hier-matin, je rêvasse, comme d’habitude, je lambine, lorsque j’entends une voix connue, là, derrière moi : – Éric, Éric ! Je me retourne et j’aperçois, à distance règlementaire bien sûr, j’aperçois Philippe, un copain du temps d’avant. – Ça va ? il me dit – ça va je lui réponds. Je le dévisage un peu et et je lui dis : – toi aussi tu te laisses pousser la barbe ? Il me répond –  oui, oui, depuis le début du confinement, je fous la paix à mon rasoir ! – Tout pareil, je lui réponds. Moi aussi je le laisse tranquille mon rasoir, la barbe, je la laisse pousser. Tu me diras, à part la barbe, y’a pas grand-chose à laisser pousser, hein ! Mis à part le nez, peut-être… Bon, faudrait pas non-plus que ça dure trop longtemps ces histoires de virus et de confinement, nous commençons à devenir gagas ! »

Illustration : Portrait de Hieronymus Holzschuher, d’Albrecht Dürer

 

Trois petits tours et puis revient (36) Le sourire de mon fils…

surlaroute

 

Contribution #17 Petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’ont envoyé Samuel, Noëlle et Marco, depuis Bérenx : On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime, de Louis Chédid. Mille mercis.

 

(À demain 8h30…)

surlaroute

Les mots pour le dire

« L’autre jour sur la route, en montant chercher mon fils, il y avait en moi un mélange de joie, de tristesse et de colère. La joie de le retrouver bientôt, presque 50 jours après. J’imaginais tous les parents coupés de leurs enfants depuis tout ce temps et sur la route des retrouvailles. C’était doux, c’était bon. Il y avait de la tristesse, oui aussi, en pensant à l’état de manque dans lequel nous plonge la catastrophe que nous traversons, à cette exigence de limitation des contacts, cette impossibilité de nous serrer dans nos bras, cet appauvrissement de notre toucher, cette incertitude sur le futur. Et puis il y avait de la colère, et ça remontait de partout :  les courbes statistiques des décès dus au virus, l’hécatombe dans les EHPAD, les hôpitaux systématiquement paupérisés depuis plus de 30 ans, les violences conjugales en hausse, les policiers en mode open bar qui tabassent les jeunes dans les quartiers populaires, les verbalisations abusives, les actionnaires qui continuent de palper, de toucher leur part, cet empaffé de Donald Trump chantre de l’Eau de Javel, et ces pébrons dans leurs palais et leurs ministères à Paris, qui naviguent à vue et nous promènent depuis le début. Bon, je me suis calmé, et le sourire de mon fils a fait le reste lorsque je l’ai retrouvé et que je l’ai embrassé. »

 

Trois petits tours et puis revient (35) C’était si bon de se taquiner…

 

Contribution #16 Et puis, petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a envoyé Paule, de Salies-de-Béarn : Le P’tit Quinquin, chanson traditionnelle du Nord. Je suis sûr que Francis appréciera. Merci beaucoup.

 

(À demain 8h30…)

Les mots pour le dire

« Ça va peut-être te sembler idiot, ou déplacé, ou les deux, mais je t’avoue que ça commence à me manquer de regarder le foot à la télé, de me poser devant un bon match avec du beau jeu, des actions de classe, de l’intensité, de la virtuosité, des buts de folie, comme le Liverpool de Mohammed Salah et de Sadio Mané, tiens par exemple ! Oui,ce spectacle-là me manque, je le confesse. Ce que j’ai peut-être encore davantage hâte de retrouver, c’est de pouvoir se chambrer en souriant avec Francis l’épicier, comme au temps d’avant… Lui, il est pour Lille. Normal, c’est un CHTI, Francis. Et moi je suis pour l’OM, évidemment ! Avant – j’allais dire autrefois – qu’est-ce que c’était bon de prendre le temps de bavarder, entre une pesée de légumes et une découpe de fromage. Oui, c’était si bon de se taquiner, d’être gentiment chauvins, de rigoler un bon coup en parlant ballon. Aujourd’hui, dans son alimentation, il faut se tenir à distance, il y a d’autres clients qui attendent dehors, il faut aller vite, tous deux derrière nos masques, lui à sa caisse derrière la petite cloison en plexiglas, nous n’avons plus le temps de nous poser, plus le temps de prendre le temps. Dis-moi, ça te fait ça à toi aussi ?« 

Trois petits tours et puis revient (34) Nous jouions ensemble…

billet33

 

Contribution #15 Petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’ont envoyé Nicolas et Alain, de Salies-de-Béarn : Le chant des sirènes, de Fréro Delavega. Grand merci.

 

(À demain 8h30…)

billet33

Les mots pour le dire

« Au petit matin, j’ai été réveillé par un tic tic tic, ou un tac tac tac discret. Il remontait de la rue, ce tac tac tac, comme une vieille horloge un peu mouillée, avec le roulement de la rivière en toile de fond. Les oiseaux n’étaient pas encore debout. Alors, je me suis rendormi, et dans le rêve qui a suivi, nous jouions ensemble à un jeu de société avec des feuilles  et des stylos. Je crois bien qu’il s’appelait le Petit Bac ce jeu. Je suis sûr que tu t’en souviens toi aussi : tu dis un mot, pays ou ville ou plat ou fleur ou métier, et puis tu choisis une initiale et il faut trouver cinq mots qui commencent par cette lettre. Le chronomètre tourne, tic tic tic, tac tac tac, et c’est le premier qui a trouvé cinq mots qui a gagné, et on repart pour une autre lettre. En me réveillant, j’ai repensé à ce rêve et je me suis dit qu’il faudrait peut-être penser à réviser un peu nos mots, pour la prochaine fois où nous jouerons ensemble. Il nous faudrait réviser les noms de fleurs par exemple, les noms d’oiseaux, les noms d’arbres, les noms de tout ce qui nous tend les bras bien souvent et que la plupart du temps nous négligeons, que nous ne savons pas nommer. »

Trois petits tours et puis revient (33) Trois mois après le temps d’avant…

PHOTOPETITSFILS

 

Contribution #14 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’ont envoyé Alexandre, Clément et Raphaël, depuis Shanghai. Mille mercis, les pitchouns.

 

(À demain 8h30…)

petitsfilsfooteux

Les mots pour le dire

« Les jolis cadeaux arrivent du lointain ces temps-ci. Tu te souviens des cerisiers en fleurs japonais, l’autre jour, du chant de Kamaishi, eh bien figure toi qu’hier, mes petits-fils m’ont envoyé depuis Shanghai l’enregistrement de petites chansons, bien joyeuses. Tu vas les écouter dans un court instant. Il faut dire que trois mois après le temps d’avant, leur horizon s’est un peu éclairci : ils ont enfin pu retrouver leurs copains de foot et partager leurs entraînements. Plus de 100 jours après le début de leur confinement. Bon, pour la reprise de l’école et du collège, ça sera à la mi-mai, pas avant… Chez nous, en France, il paraît que le retour en classe est prévu pour le 11 mai. Mmmmouais… Sérieusement, tu y crois, toi, au début du temps d’après, le 11 mai ? »

Trois petits tours et puis revient (32) C’est plus fort que moi…

photopourépisode32

 

Contribution #13 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a adressé Ema, de Labastide-Villefranche : un chant chamanique, par elle inventé. Mille mercis.

 

(À demain 8h30…)

photopourépisode32

Les mots pour le dire

« Je vais te faire une confidence, jamais je n’ai su danser ! Jamais ! Et je suis sûr que toi et moi, nous ne faisons pas partie du même monde. Toi tu enchaînes les rocks, les twists, les djerks, les tangos, les paso-doble, les macarena et tutti quanti… pendant ce temps, je reste assis, je te bade, je t’envie. J’aimerais bien oser, mais bon, quand on est raide comme un passe-lacets, quand on a la souplesse d’un fer à repasser, on contemple les cadors, on prend des notes, même si on sait bien qu’elles ne serviront jamais ces notes ! Chantal a beau me dire d’essayer, je n’y arrive pas, c’est plus fort que moi. Bon, pour être honnête, il y a quand même une danse qui depuis l’adolescence ne m’a pas trop rebuté, une seule, c’est le slow.  Ah, le slow, le slow… là il faut vraiment avoir ze rytheum in ze skin ! »

Trois petits tours et puis revient (31) Presque comme un débutant…

billet31

 

Contribution #12 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’ont posté Charlotte et Julien, depuis Bayonne : Assis sur le rebord du monde, de Francis Cabrel. Mille mercis à eux.

 

(À demain 8h30…)

billet31

Les mots pour le dire

« Pour la première fois depuis plus d’un mois, j’ai repris le volant. Je ne sais pas si tu as vécu ça à toi aussi, mais franchement, ça m’a fait tout drôle. Je te raconte : une dent qui fait mal, un peu, un peu beaucoup, alors forcément, dentiste ! Et comme son cabinet se trouve au-delà du rayon règlementaire d’un kilomètre, à 18 bornes, précisément, eh bien action, réaction, en voiture Simone ! C’est pas que je conduisais beaucoup dans le temps d’avant, mais là, je me sens presque comme un débutant, vigilant pour deux, alors que les rues sont désertes ou quasiment. Ensuite, en traversant la campagne, ce qui me saute aux yeux, c’est cet amour de printemps, avec un visage plus radieux qu’avant, un ciel plus clair, un air plus pur, les oiseaux plus présents, comme un signe discret, un message discret qu’adresse la nature, un message pour le futur, pour le temps d’après, lorsqu’il faudra bien apprendre à davantage encore laisser nos voitures en paix… »

Vie d’Éros Sambóko (1) (Lecture à voix haute)

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J’aime la poésie de Serge Marcel Roche, la douleur, la mélancolie qu’elle exprime, depuis l’Afrique noire où il demeure. Le rythme et la couleur de ses phrases m’entraînent là-bas. J’y reste longuement et je récite ces mots dans ma tête, puis à voix basse. Récemment, je me suis pris d’affection pour Éros Sambóko, un personnage imaginaire qui vit en milieu urbain, celui de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Serge Marcel Roche connait un peu cette grande ville mais il n’y vit pas.

Pas la première fois que je me prends à dire ses textes à voix haute et à les partager. 

Un pied dans la lumière

 

Retrouvez Serge Marcel Roche ici

Trois petits tours et puis revient (30) Le soleil se languit…

Paul_Cézanne-LabaiedeMarseilledepuisl'Estaque

 

Contribution #11 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a adressé Delphine, de Foix : Somewhere only we know , de Keane. Grand merci à elle.

 

Paul_Cézanne-LabaiedeMarseilledepuisl'Estaque

(À demain 8h30…)

Les mots pour le dire

« C’est bien simple, chaque fois qu’il pleut ici, je regarde s’il pleut à Marseille. C’est comme un réflexe. Hier-matin, il m’a semblé que oui, le temps était au gris et aux gouttes là-bas aussi. Chaque fois qu’il pleut ici, je repense à Marius et Jeannette, au film de Robert Guédiguian, à son quartier de l’Estaque si loin d’Endoume, mon quartier d’enfance. Lointaine Estaque, mais si proche de tous nos lieux de vie, ces lieux où depuis longtemps, se partagent les mots, les bons plats, l’apéro, et les parties de rigolade qui nous manquent tant en ce moment. Toi aussi tu l’as vu ce film, j’en suis sûr. Et tu te souviens de ce refrain. Alors surtout, surtout, ne te prive pas de le fredonner ! »

Illustration : Le port de Marseille vue de l’Estaque – Paul Cézanne

Trois petits tours et puis revient (29) En pleine floraison…

Kamaishi1

 

Contribution #10 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a adressé Toshiko depuis Kamaishi, au Japon : l’air traditionnel Kamaishi Kouta. Merci à elle, du fond du cœur.

 

« Ici on est à Kamaishi, au port de trésor,
Il y a de l’or et de l’argent
C’est un endroit merveilleux
Venez ne serait-ce qu’une fois, venez voir ! »

 

(À demain 8h30…)

image0Photos @ToshikoMiyazaki

« Mon gîte au printemps
Parce qu’il n’y a rien
De rien je ne manque. »

Kobayashi Issa

Les mots pour le dire

« Tu vas être d’accord avec moi, le monde ne nous fait pas de cadeau en ce moment, comme s’il nous disait à tous : vos guirlandes de Noël… vous n’êtes pas près de les ressortir. Et pourtant, ces temps-ci, ma boîte mail m’en offre, des cadeaux. Je reçois de nombreux enregistrements, et ça fait vraiment du bien. Le dernier en date remonte à hier-soir, en provenance du Japon, de Kamaishi. Kamaishi, c’est l’une des villes terriblement meurtries par le tsunami de mars 2011. Cette contribution, vous irez l’écouter dans un instant. Deux photos l’accompagnaient :  des merveilles de cerisiers en pleine floraison. Du coup, je me remets un peu à croire à nouveau à la possibilité d’un Noël, et à la réalisation de l’un de mes rêves les plus grands : grimper un jour jusqu’au sommet du Mont Fuji, la montagne sacrée des Japonais. »

Trois petits tours et puis revient (28) On va finir par y arriver…

Contribution #9 Et puis, petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’ont adressé Claude et Dany, depuis Salies-de-Béarn : Ça va ça vient, de Vitaa et Slimane. Grand merci à eux.

(À demain 8h30…)

Les mots pour le dire

« Je suis sûr que ça te le fait à toi aussi. Parfois, je me réveille en pleine nuit, le souffle court, et me reviennent des paroles entendues dans la journée, à distance sociale règlementaire. Le libraire d’abord, une fois payée la commande : – oui oui, ça va !, ça va à peu près, on fait face, les lecteurs sont solidaires, on vide un peu les stocks. Ensuite la dame au gros chien noir tout gentil croisée sur le chemin de promenade règlementée. Elle me dit :vous avez entendu les casseroles aux balcons hier-soir ? Ça faisait une belle musique ! Il faut de l’amour et encore de l’amour, faut pas lâcher ! Il y a aussi les mots du voisin, l’autre dimanche : – je retrouve un peu le sommeil. Pendant deux semaines, c’était dur, mais bon, ça va mieux… on va finir par y arriver ! »

 

Trois petits tours et puis revient (27) Un maillot de foot tricolore…

RobertCapaPhoto @RobertCapa

Contribution #8 Et puis, petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a transmis Vincent, depuis Bordeaux : Hasta siempre, de Carlos Puebla. Merci à lui.

(À demain 8h30…)

RobertCapa

Les mots pour le dire

« À la boulangerie l’autre matin, je patiente sagement, je rêvasse comme souvent, je me tiens bien à distance des autres clients, lorsque soudain, je sens sur ma droite que des gâteaux me font de l’œil. Oui, oui, les gâteaux confinés derrière la vitre du présentoir. Ils m’aguichent, les petits. Ils me disent : – tu peux nous sortir de là ? tu veux bien ? Je résiste quelques secondes, oh pas plus longtemps, et lorsque mon tour arrive, je demande à la boulangère de délivrer pour moi un éclair au chocolat et un baba au rhum. En sortant, je croise un client qui porte un maillot de foot tricolore.  Rouge jaune et violet,  les couleurs de la Seconde République Espagnole, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Franco. Au revers de ce maillot, deux mots : NO PASARAN ! Tu l’as déjà vu, toi, ce maillot ? »

Trois petits tours et puis revient (26) De l’autre côté de la rivière…

chouette

 

Contribution #7 Et puis, petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a adressé Dominique, depuis Paris : Milestones, de Miles Davis. Grand merci à lui.

 

(À demain 8h30…)

 

chouette

Les mots pour le dire

« Elle est vraiment coquine la chouette d’en-face la maison. Hier-soir, je suis en train d’écouter du jazz, tranquille dans mon lit, souple, quand je l’entends hululer en douceur de l’autre côté de la rivière. Dès que je m’approche de la fenêtre pour mieux l’entendre, hop, elle se tait ! Nada. Rien que le bruit de l’eau. Je patiente un peu, toujours rien. Alors je me recouche. Et là, hé bien oui, dame chouette se remet à raconter au quartier son début de nuit. Du coup, sur la pointe des pieds, je me relève. Incognito je lance mon enregistreur, et hop, c’est dans la boîte. Tout content, je retourne à mon vieux copain Thelonius Monk. »

 

Trois petits tours et puis revient (25) Alors, je me suis souvenu…

NODREDAMEDEPARIS

Photo @BrunaUccello

 

(À demain 8h30…)

Les mots pour le dire

« Les mois filent si vite que je ne me rappelais plus cette date… le 15 avril 2019. Notre-Dame de Paris en flamme, le peuple parisien effondré, le chagrin, l’impuissance. Un an après jour pour jour, j’ai reçu d’une amie le son du gros bourdon de la Cathédrale. Il a résonné hier-soir à 20 heures au moment où tant de gens partout dans le monde applaudissent les soignants aux fenêtres et aux balcons. Alors, je me suis souvenu. M’est revenu aussi le souvenir du tout premier voyage à Paris. J’étais minot, avec mes parents, nous étions montés en train, c’était loin, c’était si beau. Je m’étais senti presque comme dans un lieu familier, un lieu joyeux, un endroit unique au monde. Je me souviens très bien de ces journées de printemps, la promenade à Montmartre, le Mur des Fédérés au Père Lachaise, Papa nous avait parlé de la Commune. Ce qui m’a marqué aussi c’est que lorsque nous avions quitté Notre-Dame, les cloches carillonnaient. »

« À Paris », chanson interprétée par Yves Montand sur des paroles de Francis Lemarque

Trois petits tours et puis revient (24) Lorsque le ciel grondait soudain…

orage

 

(À demain 8h30…)

Les mots pour le dire

« Comme en plein été, sans prévenir, l’orage a surgi sur la ville et a pris ses aises. Gros grains de pluie et tonnerre à cœur joie, comme les après-midis d’août à Bauduen, dans notre Provence de l’enfance, lorsque le ciel grondait soudain et nous sortait de la sieste qui nous tenait à l’abri de la canicule. Pas d’éclair au-dessus des toits. Rien que le rythme jazzy des gouttes sur les vitres et les tuiles. »

 

Trois petits tours et puis revient (23) Les jours heureux…

terrassePhoto @DavidCoquille – La Marseillaise

 

(À demain 8h30)

Les mots pour le dire

« Presque comme au cinéma. 20h02. Fauteuil confort, grand écran et film colorisé. Teinté 14-18. La première ligne, la deuxième ligne, patin couffin. Assez vu des films de guerre mais bon, rester assis encore un peu. Tiens, la ligne bleue du 11 mai. L’horizon du début de la fin du confinement. Dans quatre semaines donc, les minots de retour à l’école mais les librairies toujours fermées. Les lycéens dehors mais pas les étudiants. Les cantines rouvertes mais ni les bars ni les restos. Penser à abréger la séance et puis entendre des tests et un masque grand public pour chacun. Grand public, kézaco ? Se rasseoir parce que déboule la scène finale, l’évocation des jours heureux. Il a osé… Les jours heureux, c’était le titre du programme du Conseil National de la Résistance, distribué clandestinement sous la forme d’un petit livret, et mis en œuvre dans l’après-guerre. Fermer les yeux. Ne pas crier. Promettre de ne pas oublier et quitter la salle, en quête d’une terrasse où respirer l’air tiède du crépuscule. »

Parole Parole – Mina

 

Trois petits tours et puis revient (22) Un vrai mystère pascal…

paques

 

Voilà les cloches de retour. Ne les avions plus entendues depuis jeudi. Autant dire, un bail. Hier, elles se sont remises à carillonner sur le coup de midi je crois. Ou peut-être avant, à l’heure habituelle de la messe. Ou bien un peu plus tard, je ne sais, absorbé que j’étais par Dona Nobis Pacem, mon morceau de violoncelle. Il se murmure que le bedeau de l’église Saint-Vincent s’est échappé de son confinement, incognito, pour les actionner manuellement. Faux, rétorquent certains. Les cloches et leurs œufs revenaient de Rome, avancent-ils. Un vrai mystère pascal…

 

paques

(À demain 8h30)

 

Dona Nobis Pacem – Yo Yo Ma

 

Trois petits tours et puis revient (21) Une arène immense…

OssauPhoto @FrédéricMarulier

 

Un rêve de la nuit d’avant. Une arène immense et nous tous dedans. Des murs blancs tout autour et du sable clair sous nos pieds. Pas de trace de sang. Pas de taureau. Pas de souffrance. Rien que le son de nos voix étonnées de nous retrouver face à face et de nous parler. De nous sourire et nous embrasser à nouveau après tout ce temps. Sans cette distance qui nous assèche et nous rend infirmes de nos sens. Tout autour de l’arène, la montagne respirait. Il aurait pu y avoir la mer et ses baleines mais dans ce rêve, c’était la montagne et ses immortelles qui nous réunissait.

 

 

Ossau

(À demain 8h30…)

Amor d’Aussau – Quinz Amics

 

Trois petits tours et puis revient (20) Retourner à la lecture…

Lemaitre

 

Le soir venu, fenêtre entrouverte sur la ville plus muette encore malgré la pluie, se mettre en pause monde. Laisser de côté l’écran. Retourner à la lecture. Retrouver le tempo lent des phrases et des mots du roman de Pierre Lemaître,  « Au revoir là-haut ».
« Grâce à la conquête de la côte 113, l’hôpital de l’avant, qui s’était légèrement assoupi ces dernières semaines dans l’attente de l’armistice, avait repris de l’activité, mais, comme une attaque n’avait pas été trop dévastatrice, on y adopta un rythme normal qu’on n’avait pas connu depuis presque quatre ans. Un temps où les sœurs infirmières pouvaient se consacrer un peu aux blessés mourant de soif. Où les médecins n’étaient pas obligés de soigner des soldats longtemps avant qu’ils soient vraiment morts. »

 

 

Lemaitre

 

(À demain 8h30…)

 

Voir un ami pleurer – Jacques Brel

Trois petits tours et puis revient (19) Remonter le temps…

 

mimosa

 

 

J’ai beau savoir que Facebook nous espionne, quelle surprise en me connectant, hier-matin ! Papa en photo sur mon mur, sérieux comme un pape, le dos à la mer. Dans ses bras, du mimosa, sa fleur préférée. Remonter le temps. Marseille. L’appartement face à la rade. Il y aura vécu trente-deux ans, après son départ à la retraite. Six ans jour pour jour, cette photo. Postée avec un petit lien pour l’écouter évoquer l’un des souvenirs les plus marquants de sa vie. Son destin d’instituteur de la République. Retrouver sa voix pour la première fois depuis son départ vers le Grand Tout, fin février. Arrêter le temps.

 

 

mimosa

 

(À demain 8h30…)

 

Dis, quand reviendras-tu ? – Barbara

 

 

 

 

Trois petits tours et puis revient (18) Accepter de lâcher prise…

 

 

Vous aussi j’en suis sûr. En dents de scie, le sommeil. Chaotique. Nuits confinées, nuits agitées. Dormons mal. Cauchemardons. Pire avec la pleine lune. Trois, quatre, cinq fois dans la nuit, se frotter les yeux et regarder l’heure. Trop tôt pour se lever. Tourner virer sous la couette. Bailler. Et puis, allez, debout ! Déjà le jour d’après. Tenter de ne pas trop ruminer ses mauvais rêves. Accepter de lâcher prise, de partir un peu en vrille.

 

 

démonsminuit

(À demain 8h30…)

Les démons de minuit – Imagine

 

 

Un drap blanc pour elles

DRAPSOIR

Lorsque la nuit s’installe, le blanc des draps au balcon chuchote comme une douce supplique. Une prière silencieuse. Puisse l’éclat de ce blanc répandre la paix sur la nuit de toutes les femmes. Les soignantes, les caissières, les femmes de ménage, les tatas, les amoureuses, les copines, les épouses, les mamans, les mémés et les pitchounettes. #UnDrapBlancPourElles, oui.

Forever Polida – Moussu T e lei Jovents

 

 

 

Trois petits tours et puis revient (17) Que sonne bientôt l’heure…

MIMIphoto

 

 

En attendant le jour d’après, leitmotiv de nos journées qui rallongent, laisser entrer en soi la tristesse et la mélancolie qui débordent du monde. Laisser sourdre sa rage aussi, en effeuillant les mots et les phrases qui fleurissent au dehors de nos confinements, sur des banderoles de fortune, dans nos villes et nos villages. Y dénicher de quoi affiner nos analyses et esquisser les contours possibles d’un bonheur commun à construire :

« Vous ne confinerez jamais notre colère ! », « Soignants sans armes », « Nous ne sommes rien sans ceux qui ne sont rien ! », « Les derniers de cordée sont devenus les premiers », « Le soin c’est de l’humain, pas du chiffre ! » « De la thune pour l’hôpital, pas pour le capital ! », « Santé, social, écologie, confiné.e.s de tous les pays, unissez-vous ! »

Espérer que sonne bientôt l’heure de sortir et d’agir.

 

 

MIMIphoto

(À demain 8h30…)

Tout le Bonheur du Monde – Sinsemilia

 

 

 

 

Trois petits tours et puis revient (16) Nous tenons proches…

 


Pour continuer à prendre patience, précieuse est la compagnie des livres et de la musique. Certains jours, c’est compliqué de se concentrer sur la lecture. Un peu moins de s’adonner à de petites récréations sonores, à des rendez-vous qui nous rassemblent. Depuis que sommes confinés, les Live fleurissent sur les réseaux sociaux, et ça fait du bien. Concerts annulés, tournées reportées, les artistes accusent le coup. Privés de scène, ils restent debout aux côtés des soignants et de nous autres, ils s’installent sur la Toile et ils partagent. D’où que nous les écoutions, nous nous évadons et nous nous tenons proches. Le temps d’un confinement musical, remercions tous ces gens du spectacle qui nous aident à continuer à prendre patience.

 

CAPUCONJOUE Camille chante

(À demain 8h30…)

Le chant des oiseaux – Gautier Capuçon et 28 jeunes violoncellistes

 

What You Gonna Do ? – Ryon

 

 

Trois petits tours et puis revient (15) Depuis son balcon marseillais…

YOLANDEphoto

 

 

Un petit matin en apnée. La guerre mondiale des masques. Le déferlement des courbes statistiques. Les violences aux femmes en hausse. Les vieux triés dans les EHPAD. L’aumône aux sans domicile. Les livreurs à vélo en danger. Les propos racistes sur les ondes. Les phrases assassines des autorités policières. Les dénonciations comme en 40. La fermeture de lits hospitaliers annoncée. Comme un trop plein de nausée. Tenter de l’évacuer un court instant en écoutant Yolande chanter depuis son balcon marseillais.

 

 

 

YOLANDEphoto

 

(À demain 8h30…)

 

La mer – Charles Trénet

 

Trois petits tours et puis revient (14) Ne pas traîner…

salies

 

 

Escapade pour quelques courses. Remplir attestation. Râler dans ma barbe. Prendre chariot à roulettes. Comme les petits vieux. Douceur de l’air dehors. Pour tout le monde. Saluer de loin les gens connus. Hausser les épaules. Plus de poignée de main. Éternuer dans mon coude. Me dire  » à tes souhaits ! « . Se tenir à distance des autres. Se méfier de son prochain comme de soi-même. Colère rentrée. Chez l’épicier, ne pas trainer. Hop hop hop ! Aller droit au but, puis renouer un court instant avec la radio, autrefois si familière, si nécessaire, si légère.

 

 

salies

 

(À demain 8h30…)

 

Pourvu qu’elles soient douces – Mylène Farmer

 

 

Trois petits tours et puis revient (13) Il n’oubliera pas…

frankbalconhotel

 

 

Lire ces mots dans les carnets d’Arnaud Maisetti : «  Il n’y a pas d’horizon dans ces jours d’attente et de répétition, qui entasse rage, dégoût, désespoir et silence : pas d’horizon, seulement l’acharnement à construire du temps qui saura le transpercer et renverser le désespoir et la rage en monde. » Penser à mon ami Frank, en mission dans une raffinerie de Taranto, au sud de l’Italie. Demain dimanche, son horizon s’écrira en lettres plus claires. Il pourra quitter les 20 mètres carrés de la chambre d’hôtel où il est confiné depuis le 21 mars. En retrouvant l’air libre, la rage et le dégoût devant la tragédie vécue par le peuple italien ne l’auront pas quitté, non. Il n’oubliera pas non plus le monde imaginé chaque jour de quarantaine en apercevant la mer depuis sa fenêtre.

 

 

frankbalconhotel

(À demain 8h30…)

Supplique pour être enterré à la plage de Sète – Georges Brassens

Trois petits tours et puis revient (12) Jeunes et frêles d’épaules…

Eric à Gémenos été 60

 

Pour nous échapper quelques instants de notre présent pesant, nous sommes nombreux à revisiter et partager nos photos d’avant, de ce temps d’autrefois qui a filé sans prévenir. Je me rappelle cette époque où nous nous moquions un peu des vieux lorsque nous les entendions murmurer  » c’était le bon temps  » en soupirant. Aujourd’hui, avouons-le, devant ces photos d’antan, nous faisons pareil. Tandis qu’ensemble nous rions aux éclats devant telle coupe de cheveux ou tel accoutrement, sans doute nous moquons-nous aussi un peu de nous mêmes. Avec joie et tendresse. Nous étions jeunes et frêles d’épaules. Si légers. S’étonner d’avoir si peu changé, finalement. Prier pour que revienne un jour ce temps de l’insouciance et de la légèreté.

 

 

Eric à Gémenos été 60

 

(À demain 8h30…)

 

Jésus que ma joie demeure – Jean-Sébastien Bach

Trois petits tours et puis revient (11) Nous rapprocher des proches…

maisonpourmarionnettes

 

 

Je suis sûr que vous faites pareil. Dès le saut du lit, avec Chantal, nous prenons des nouvelles des êtres chers. Qu’ils vivent à deux pas de la maison ou bien un peu plus loin ou bien encore plus loin, très loin même. Sans doute davantage qu’en temps normal, besoin de nous rapprocher des proches et des amis. Ne pas perdre le fil de ce qui continue de nous relier. Même si ce lien s’est dissous parfois au fil des années, il ne s’efface pas. Il continue de nous tenir ensemble. Ce-matin, devant un café au lait, c’est d’un homme qui nous raccorde à nos enfances à toutes et tous qu’ensemble nous nous sommes rapprochés.

 

 

maisonpourmarionnettes

(À demain 8h30…)

 

Aline – Christophe

 

 

 

 

 

Trois petits tours et puis revient (10) Pape Diouf…

pape

 

Pas les mots ce matin. Rien que les siens.

« On naît, on vit, on part, on est tous de passage. On se succède les uns aux autres. C’est la loi de la nature. Je n’ai pas peur qu’on m’oublie. L’essentiel est que mes enfants et ma famille ne m’oublient pas. »

Pape Diouf, 1951-2020

 

 

pape

Birima  – Youssou N’Dour

 

(À demain 8h30…)