Du miel au bout des doigts #13 (suite et fin)

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A peine à l’intérieur de la chambre, une ombre se jette sur moi et me cogne ferme à la tête.

Je hurle et je m’éboule face à la baie vitrée entrebâillée.

Avant de m’évanouir, j’aperçois Lisa allongée les jambes offertes.

Les mains dans les cheveux, elle ordonne : – “ Viens vite mon Luis, viens me donner ton miel ! “.

Lorsque j’ai rouvert les yeux, il faisait jour mais je n’ai vu que du rouge, enfin un peu de blanc aussi, le blanc de mes doigts

tranchés éparpillés sur la moquette.

Plus de piano dans l’air, rien que le rire acide des mouettes.

* * *

Du miel au but des doigts est l’une des treize nouvelles de mon recueil « Marseille rouge sangs » publié l’an passé aux Editions Parole. C’est aussi l’un des trois textes du livre adaptés au théâtre par les comédiens de Base Art Compagnie. Dimanche-dernier, ils ont donné la douzième et dernière de leurs représentations du spectacle au Bar culturel de l’Angle, dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon.

En Février prochain, leur Marseille rouge sangs devrait être programmé lors de la 6ème édition du Festival « Polar en Lumière » au cinéma Les Lumières de Vitrolles, lors d’une soirée « Marseille » à laquelle je suis invité aux côtés d’autres auteurs marseillais.

 

Comme des poissons dans l’eau

Clément, mon petit-fils de 4 ans, est sans doute né avec des nageoires. À la piscine hier après-midi, il s’est régalé à me montrer l’étendue de son registre. Et il s’est prêté avec gourmandise à la séance de plongeons aux côtés de son grand-frère Alexandre et de mon petit neveu Samuel, tous deux âgés de 7 ans.

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Il paraît que quand il est en grande forme, Clément est capable de s’offrir un salto avant…

 

Alexandre et Clément se payent un petit foot sur canapé

Juste avant de monter à la sieste, mes deux petits-fils se sont lancés dans une partie de foot sur le canapé du salon. Doigts shooteurs équipés d’embouts. Un vert, un bleu. Petit ballon confectionné avec la cire d’un Babybel. Un vrai match sur un vrai terrain de jeu. En plus, il y a eu plein de buts et l’arbitre fut impartial. Of course.

Du miel au bout des doigts #12

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À la lisière du Marseille encore intact, le Régent pointe vers le ciel ses trois étoiles.

Larges fenêtres et balcons à la vénitienne.

Pas de groom à l’entrée, il est trop tard.

Pas de Luis non plus.

D’habitude le veilleur m’accueille en baillant dans le hall devant sa télé.

Là, il a dû monter aux étages faire sa ronde.

Ce soir, je ne prends pas l’ascenseur.

La cent est au premier, juste en arrivant sur le palier.

L’inconnue a laissé la porte entrouverte et a mis de la musique, valse et jazz mêlés.

“ Romantic but not blue “ , un de mes morceaux préférés.

(à suivre)

L’Auzon s’écoule juste là

De Flassan à Bédarrides dans le Vaucluse, l’Auzon s’étire paisible sur à peine un peu plus de 35 kilomètres jusqu’à la Sorgue, qui elle-même s’en va rejoindre le Rhône. Son nom signifie rivière des Aulnes. M’y suis promené l’autre jour avec Chantal aux côtés de nos amis de Mazan. Reviendrons sans doute cet automne nous reposer auprès de ce cours d’eau charmant comme tout.

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Du miel au bout des doigts #11

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Du brouillard sur les quais délaissés et au pied des grues rouillées.

Sur le Chemin de la Vigie, je longe les ateliers éventrés, vidés de leurs machines.

J’avance en terrain de connivence. Quinze ans à réparer les bateaux, ça donne quelques repères.

Il y a plus pittoresque mais je déteste les cartes postales.

Il y a plus court aussi jusqu’au Régent mais c’est le trajet que je préfère.

Parce que le port est devenu un vestige à peine tiède, décoloré, presque anesthésié.

Vite, profiter encore un peu des hangars gris, longer les entrepôts au bord de l’eau, se laisser bouger par les courants d’air, deviner près des filins le cri des voix anéanties.

Surtout, peser chacun de ses pas sur ce domaine massacré.

Car les nouveaux conquérants débarquent et s’installent et rêvent à voix haute de fortune en bord de mer.

Accent pointu, costumes larges, attaché-case, anglais courant souhaité.

Des casinos et des bureaux à la place des bateaux.

Par milliers de mètres carrés. Les plans sont déjà prêts.

Plans sociaux et plans fonciers.

Un troisième millénaire pépère s’avance au rythme du dollar et des croisières.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #10

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“ Vous avez du miel au bout des doigts. Venez me rejoindre au Régent. Je vous attendrai chambre cent. “

A peine envolé le dernier morceau de la soirée, “ I didn’t Know about you “ – c’est toujours avec Monk que je prends congé – je décachète le billet bleuté. L’écriture est souple et délicate, mystérieuse et assurée.

L’inconnue n’a laissé ni signature ni prénom mais ses derniers mots sonnent comme un aveu : “ Ne vous éternisez pas après Thelonius… “.

La gourmande est une habituée du piano-bar.

Dans moins de dix minutes, je saurai si mes doigts ne tremblent pas.

(à suivre)

Le rideau est tombé sur « Marseille rouge sangs » à Avignon

Après douze représentations de Marseille rouge sangs au Bar culturel de l’Angle, dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon, les comédiens de Base Art Compagnie, Laure Bruno, Frédéric Chiron et Paul Bruno, sont rentrés à leur(s) maison(s). Ils vont d’abord se reposer un peu avant de reprendre la route. Dès mercredi-soir, Base Art Compagnie retrouve la scène au camping Bélézy de Bédoin (84) pour une représentation de son spectacle La Sorcière du placard aux balais, une adaptation du célèbre conte de Pierre Gripari. Dans les mois qui viennent, le trio a prévu de se retrouver pour travailler avec le désir de porter sur scène d’autres nouvelles de mon recueil. Bonheur immense d’avoir pu savourer plusieurs fois leur spectacle. L’ai reçu comme un magnifique cadeau. Très touché par la passion qu’ils ont déployée pour incarner les personnages de mes textes et ce faisant leur offrir une seconde vie. Bien évidemment je reste en lien avec eux et vais suivre à la trace les prochaines escales de leur Marseille rouge sangs. Les prévues comme les non-encore fixées.

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Du miel au bout des doigts #9

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Lisa ne les supporte pas, ne leur parle pas, ne les sert pas.

Lisa les expulserait si elle s’écoutait.

Mais ce soir, ma malgachine a la tête ailleurs.

Elle surveille la pendule et m’ignore depuis l’engatse du billet.

Même le tempo de mon “ Love you madly ”, à l’instant, ne l’a pas happée de son indifférence.

J’ai bien tenté de l’arraisonner en improvisant un “ Lover Man “ vigoureux façon Petrucciani, Lisa ne s’est pas déroutée de ce fil ténu et tendu qui la soutient pendant des heures du comptoir aux tables et des tables au percolateur.

J’ai eu envie de ses lèvres et de ses dents contre mes mains.

Lorsque la petite aiguille s’est effacée au creux de la grande, je l’ai aperçue au pied du porte-manteaux, en grande discussion avec Mado.

Ensuite, Lisa s’est enroulé les cheveux dans son keffieh et elle a filé sans se retourner.

(à suivre)

Bal musette sur le Vieux-Port

Un accordéon, une sono et des couples qui tournent. Le Quai du Port se croyait encore un 14 Juillet hier-soir. Avec Chantal, avons esquissé quelques pas de danse jusqu’au Quai des Belges. Y avons frôlé un nuage de bulles lancées par une mère et son enfant. balmusette2

Était-ce un fantôme ?

Il est passé par ici. S’est envolé ensuite, je crois. Par la fenêtre, j’ai cru l’apercevoir sur le dos d’une hirondelle.

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Du miel au bout des doigts #8

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Pourtant, j’en ai vu défiler en trois mois des petits vendeurs.

Mado les tolère forcément. Ils tournent tous au champagne, à l’armagnac ou au Daiquiri.

Les plus assurés tombent leurs lunettes noires et s’ajustent le trois-pièces aux fenêtres du piano-bar, aimantés par leur reflet.

Les plus inquiets ne s’asseoient jamais.

Ils s’autorisent une pause éclair près du piano avant de s’en retourner au sauvage danger des rues abandonnées.

La “ Vierge Dorée “ est une escale fragile et calme qui brille pour tous et pour chacun.

Même pour ces minots déjà centenaires tant ils promènent de poids aux épaules et de gris aux paupières.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #7

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Derrière mes Oakley argent, rien ne m’échappe.

Je guette les rares sourires frais, j’épie les couples et m’amuse de leurs caresses contenues, de leurs disputes convenues.

Parfois, je m’attriste des danseurs figés sur le parquet comme de la graisse froide.

Le rythme les déserte.

Ils se traînent à contre-temps, raides et pourtant si volontaires, si appliqués.

Pathétiques pantins.

De temps en temps, j’observe le manège discret des sachets blancs échangés sous les tables contre des billets.

Ce soir, un dealer à costume vert s’agite dur entre le téléphone et le bar. Je ne le connais pas, ce marchand de cauchemar.

(à suivre)

Le chariot et l’avion de 5 heures

Réveillé en sursaut. Ai cru que l’orage était là. Dans la rue. Ce n’était qu’un chariot métallique tiré par le livreur de journaux je crois. L’avion de 5 heures est passé tout là-haut au-dessus des toits. L’orage, lui, ne saurait tarder.

Sous le kiosque à musique de Salies-de-Béarn, des châteaux en Espagne

Châteaux en Espagne* est l’une des séquences offertes hier-soir sous le kiosque à musique du Jardin public par l’Harmonie municipale de Salies-de-Béarn. Un agréable concert en plein air, à la fraîche, dans un cadre empreint de quiétude où trônent les fameux Thermes salisiens. Le programme des animations et fêtes salisiennes à venir, c’est par ici

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* À l’attention de celles et ceux qui désirent tordre le cou à l’expression construire des châteaux en Espagnece lien  utile.

 

Du miel au bout des doigts #6

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Encore deux heures avant la fermeture.

J’ouvre la parenthèse et me plonge encore plus profond dans la danse des touches, juché sur mon perchoir de star.

Le Steinway trône sur une estrade bleu-nuit, au carrefour des deux allées ouvertes par la salle conçue en “T”.

La patronne m’aurait bien niché dans un coin près du pupitre à tiroir-caisse, le dos tourné aux clients comme mon prédécesseur, mais d’entrée j’ai refusé. Une place centrale, j’ai exigé. Avec une petite piste de danse dessinée en cercle autour du piano.

– “ Vous vous prenez pour qui ? “, m’a lancé Mado très énervée.

– “ C’est à prendre ou à laisser, madame. Je ne jouerai pas confiné près du radiateur. J’ai passé l’âge du piquet, qu’est-ce que vous en pensez ? “.

Mado m’a montré la porte sans sourciller. Je lui ai dit au revoir sans un regard.

Une semaine plus tard, elle envoyait Lisa me déloger du “ Misty “, le piano-bar de mes débuts où je taquinais l’impro tous les matins.

A la “ Vierge Dorée “, Mado avait installé le piano au coeur du bar, encerclé d’une piste de danse en bois clair.

Mon show pouvait commencer.

(à suivre)

Le temps des cigales

Il paraît que le chant des cigales en énerve plus d’un. Soit. J’avoue que ce chant, moi, il me berce depuis l’enfance. Et il me plaît. Il me manque même lorsque je passe un peu trop de temps loin de mon sud natal. Ma grand-mère provençale me désignait les troncs où l’insecte se laissait aller à sa musique. Cette musique s’accorde avec les plaisirs multiples de l’été. Les grasse-matinées, les petits-déjeuners en terrasse, les promenades dans la pinède, le bain dans les calanques, les siestes après le rosé, les soirées prolongées jusqu’après le crépuscule. Vive le temps des cigales !

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Du miel au bout des doigts #5

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Discrètement, je leur tire la langue. Avachie à la caisse, près de l’entrée, Mado n’apprécie pas trop.

Elle serre les mâchoires en me menaçant d’un index tremblottant.

Du coup, je calme le jeu et je déroule sur mon clavier.

Souple et doux. “ Little piece in C for U ”.

Le swing boulègue et je cherche à deviner qui a bien pu me faire porter l’enveloppe bleutée.

Lisa n’a rien voulu me dire d’autre que “ tu perds rien pour attendre” avant de s’immerger dans ses courses aux trois “C” : caisse, clients, comptoir.

Scotché au clavier, j’ai beau mener ma ronde vers les fourrures et les sacs en croco, les turbans en feutre et les diamants, chou blanc.

Aucun sourire aux commissures. Aucun clin d’oeil coquin. Aucun rond de main qui pourrait revendiquer le billet, à la dérobée.

(à suivre)

Concert improvisé au soleil couchant

Comme tant et tant d’autres Marseillais, ils sont venus passer la fin de journée sur les pelouses des plages du Prado et n’ont pas oublié leurs instruments. Marc à la contrebasse, Bruno au xylophone et Pascal au djembé ont joué face à la mer. Quelques copains les accompagnaient. Tandis que les derniers baigneurs profitaient de la tiédeur du soir, ils sont restés à partager musique et vin rosé bien après la disparition du soleil derrière les îles du Frioul.

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Du miel au bout des doigts #4

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Ce soir pas de surprise, à la “ Vierge Dorée “, c’est Bysance.

Mado, la patronne, fait carton plein à chaque fois. Vingt ans que la monnaie tinte sur le comptoir cuivré.

Plus une place dans la grande salle aux baies vitrées qui ouvrent sur le port.

Peu de connaisseurs et beaucoup de m’as-tu-vu. Jeunes bourgeoises à lévrier, rombières emperruquées à collier marseillais, veuves éteintes au nez refait, encravatés liftés avec maîtresse, intellos de broussaille avec minot.

Je me pince, mais non, ce n’est pas un mirage, il y a même des enfants autour des tables du fond.

Tandis que les parents bavardent, ils dégustent leur glace trois boules en boudant ferme, le menton calé dans une main, la petite cuillère en équilibre dans l’autre. L’ennui dégouline de leurs faces proprettes de gosses de riches.

(à suivre)

Du miel au bout des doigts #3

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Le problème avec Lisa, c’est sa jalousie aiguisée comme un Laguiole.

Elle ne supporte pas que les clientes me tournent autour et m’invitent à prendre un verre après le service. Aussitôt, les larmes la possèdent et dès que la caisse est bouclée, elle file s’enfermer dans son studio. J’ai beau lui répéter à travers la porte que c’est elle ma gâtée, ma préférée, mon caramel, Lisa se met minable. Je ne dois pas être assez convaincant. Pourtant, un double whisky avec madame avant le dodo, je trouve qu’il n’y a pas mort d’homme, moi.

(à suivre)

Marius fait le pitre

Peut pas s’empêcher parfois de produire des onomatopées, mon fils. Ça ne m’amuse pas tout le temps, mais bon, là, ça m’a fait sourire. Il aime bien faire le pitre, Marius. J’aimerais bien qu’un jour il s’essaie au théâtre. Je crois qu’il en a les dispositions. Mais bon, le choix lui appartient et lui appartiendra.

Du miel au bout des doigts #2

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Lisa me prend pour un émigré cubain. A cause de mon béret vert-olive, de ma peau mat et de mon faux air caribéen. Petite erreur de feeling mais je lui ai tout de suite pardonné. Le rhum et le citron vert la rendent très douce ma malgachine et si généreuse une fois notre journée terminée.

Je la trouve encore plus délicieuse depuis qu’elle vient me caresser les doigts lorsque je m’assieds à mon Steinway. Elle approche ses cils de mes joues et d’un sourire, me glisse qu’un petit massage ne me fera pas de mal.

– “ Ca va même vous porter bonheur, senor havanero ! “.

Lisa me parle souvent espagnol. Elle a des mains d’accoucheuse et le bout des doigts bombé comme un dé de couturier.

La tête contre son épaule, je me laisse masser de la paume aux ongles. Pour saupoudrer la valse de ses pouces, elle m’offre aussi un zeste de son souffle teinté de Cuba Libre . Je le savoure, silencieux et apaisé.

(à suivre)

À Avignon, Laure Bruno joue « Andoni et Léa »

C’était hier après-midi au Bar Culturel de l’Angle, à Avignon. Laure Bruno dans le rôle de Léa, fille d’Andoni, héros de la Guerre d’Espagne. Émouvante et sensible interprétation du personnage, tiraillée entre son amour pour son père et la détestation de celui qui l’ignore et ne pense qu’à lui et à construction de ses avions. Extrait de l’une des scènes du spectacle que Base Art Compagnie donne jusqu’à dimanche prochain 27 juillet dans le OFF du Festival d’Avignon, à partir de trois des treize nouvelles de mon recueil Marseille rouge sangs publié aux Éditions Parole : Du miel au bout des doigts, L’affaire de ma vie et donc Andoni et Léa. Y ai assisté avec mes enfants. Reviendrai samedi aux côtés de ma compagne, si heureux de voir l’existence de ces personnages prolongée sur scène. Laure Bruno, Paul Bruno et Frédéric Chiron leur donnent vie et les installent dans une dimension qui me touche, me séduit et me plait beaucoup. Je reçois leur spectacle comme un immense cadeau. Remerciements à eux ainsi qu’a Dominique Lhotte, la patronne du Bar culturel de l’Angle, investie depuis des années dans le OFF du Festival.LaurePaulBruno

Paul Bruno joue Oscar, pianiste de jazz dans Du miel au bout des doigts

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Frédéric Chiron dans le rôle de Pierrot, journaliste licencié et reconverti en nettoyeur de pierre tombales dans L’affaire de ma vie

 

Du miel au bout des doigts #1

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Du miel au but des doigts est l’une des treize nouvelles de mon recueil « Marseille rouge sangs » publié l’an passé aux Editions Parole. C’est aussi l’un des trois textes du livre adaptés au théâtre par Base Art Compagnie et joués jusqu’au 27 juillet dans le cadre du OFF du Festival d’Avignon. Le spectacle est accueilli par le Bar Culturel de l’Angle.

Je baignais en plein “ Chloé meets Gershwin ” lorsque Lisa est venue me tendre un petit billet bleuté et parfumé en me chuchotant, la bouche tordue:

– “ Encore une cagole folle de toi, Oscar ! ”

Du regard, je lui ai montré le rebord du Steinway. Elle y a déposé le papier cacheté et s’est éloignée furieuse vers le comptoir du piano-bar.

Lisa c’est ma serveuse préférée. Une de ces métis sensas qui swingue et suce comme une Rolls. Douce et dingue mais peu docile. Idéal pour ne pas se lasser.

Trois mois que nous nous connaissons, depuis mon arrivée à la “ Vierge Dorée ”, la cave à jazz la plus en vue de Marseille.

Le premier soir, dès que je me suis installé au piano, j’ai senti ses yeux violets posés sur ma bouche, là, tout contre mes lèvres.

– “ Un petit Mojito senor Oscar ? “

(à suivre)

Maman et Papa découvrent « Opérette », de Moussu T e lei Jovents

J’ai lancé « Dans ma petite calanque » sur l’Ipad de ma Maman et nous nous sommes plongés dans la poésie joyeuse d’Opérette, le dernier album de Moussu T e lei Jovents. Papa n’était pas loin. Comme le dit souvent Jacques, l’homme qui parle aux oiseaux, les choses partagées font du bien. Pour embarquer ensemble en video, c’est ici :
 

L’éducation est un placement pour l’avenir / Barcelona #8

Juste à côté de l’immeuble où nous résidions avec Marius, sur le chemin de la boulangerie et du marchand de légumes, une école avec terrain de sport, fréquentée par de jeunes enfants joyeux. Sans doute l’équivalent de nos centres aérés. De l’autre côté du pâté de maison, cette banderole apposée à l’entrée de l’école

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À Barcelone comme partout en Espagne, la crise n’épargne bien évidemment pas le système éducatif. Les petits ciseaux barrés symbolisent le refus des coupes sombres opérées depuis 2012 par le gouvernement espagnol, impitoyable adepte du néo-libéralisme.

 

Livres de ma vie / Calligrammes #3

CalligrammespageavectitreUn poème en forme de cheval. De buste de cheval plus précisément, dont la jambe droite piaffe élégamment. Toujours eu peur des chevaux mais là, ce poème-dessin m’enchanta dès sa première lecture. Une ode courte à la poésie. À la nécessaire beauté de la poésie. Une invitation à oser les vers et les rimes. Oser l’enchantement des mots posés sur la page. Ou l’écran…

 » Homme vous trouverez ici

une nouvelle représentation

de l’univers en ce qu’il a de plus

poétique et de plus moderne

 

homme homme homme

homme homme

 

Laissez-vous aller à cet art

où le sublime n’exclut pas le charme

et l’éclat ne brouille pas la nuance

c’est l’heure ou jamais d’être sensible

à la poésie car elle domine

tout terriblement  »

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918)

L’attente devant le Teatre-Museu Dalí à Figueres, puis la découverte

Je ne voulais pas manquer cette visite à Figueres. Surtout, je tenais à montrer à Marius ce musée dédié à l’artiste catalan, après avoir visité à Barcelone le Museu Picasso. Un accordéoniste nous a aidé à patienter en longeant l’Église Sant Pere parmi des visiteurs – étrangers comme nous pour la plupart – et puis nous avons pu accéder au Teatre-Museu, édifié sur le site de l’ancien théâtre municipal. Incendié par les troupes franquistes, laissé à l’abandon jusqu’en 1974, il fut restauré ensuite par Salvador Dalí, aidé par la mairie de Figueres et donc transformé en ce Teatre-Museu exceptionnel de beauté et de richesse, empreint de tout l’amour que le peintre avait pour sa compagne Gala. La visite a plu à Marius. Il a trouvé que Dalí avait « beaucoup d’imagination ». Ce qu’il a préféré, ce sont les œuvres les plus figuratives, les plus réalistes. Les horloges molles et les flûtes de pain sur les têtes des statuettes l’ont amusé. Sûr que nous n’oublierons pas cette promenade ensemble au cœur du génie de l’artiste de Cadaqués.

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Livres de ma vie / Calligrammes #2

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Les vers de ce sublime poème d’amour dessinent le visage de la bien aimée. L’ai découvert tout jeune, à l’époque de mes premières amours tenues au secret par timidité. Ou bien parce que c’était sans doute plus fort encore de les taire et de leur préférer la beauté des lettres ainsi posées sur la feuille. Plus fort peut-être de s’attarder un instant sur les sons de ces mots à peine murmurés face à la fenêtre de ma chambre qui donnait sur la mer. J’ignorais à l’époque que ce texte figurait dans le recueil Poèmes de la paix et de la guerre, écrit par Apollinaire entre 1913 et 1916. La tragédie absolue de la Grande guerre vint en moi plus tard. Lorsque ma grand-mère raconta que son promis n’était jamais revenu du front.

 » Reconnais-toi

Cette adorable personne, c’est toi

Sous le grand chapeau canotier

Œil

Nez

La Bouche

Voici l’ovale de ta figure

Ton cou Exquis

Voici enfin l’imparfaite image de ton buste adoré

Vu comme à travers un nuage

Un peu plus bas c’est ton cœur qui bat « 

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918)

Bamboleo barcelonais / Barcelona #7

Ils font la manche dans le Vieux Barcelone comme tant de musiciens dans tant de villes du monde. Bamboleo. Le tube des Gipsy Kings. Il résonne depuis la fin des années 80. Ne savais pas que les membres du groupe avaient fui la Catalogne pendant la Guerre civile espagnole et que le premier nom des Gipsy Kings était Los Reyes. Les Rois. Ignorais que cette chanson qui a imprégné tant d’oreilles était une reprise de Caballo viejo, un classique vénézuélien.

… Bamboleo, Bambolea
… Porque mi vida, yo la prefiero vivir asi … parce que c’est ainsi que je préfère vivre ma vie…

 

Sardana, Catalunya i independència / Barcelona #6

Alex Ruig est le contrebassiste de La Cobla La LLobregat, un orchestre – fondé en 1929 – qui fait vivre dans toute la Catalogne la tradition de la musique d’ici. Ai bavardé avec Alex sur la grand place de la Cathédrale de Barcelone, entre deux Sardanas offertes par l’orchestre coutumier des concerts publics. Les Barcelonais y étaient nombreux à danser avec émotion et fierté. La Sardana, c’est le nom de cette danse populaire  – c’est aussi le nom de la musique qui l’accompagne – considérée comme la danse nationale de Catalunya. Les hommes et les femmes la partagent en se tenant par la main et en formant une ronde. Ci-dessous, la traduction des paroles d’Alex.

Nous sommes les héritiers d’une tradition, d’une culture et d’une langue propres. Historiquement nous sommes espagnols mais le sentiment catalan est très vivace ici.

– Et sous le franquisme, la Catalogne était un pays de résistance ?

– Oui, et en plus, certaines Sardanas qui se jouent aujourd’hui étaient interdites. Du coup, aujourd’hui, nous y tenons encore plus.

– Et aujourd’hui, l’indépendance de la Catalogne serait une bonne chose ?

– Je crois que oui.

– Ce serait possible ? Au plan économique ?

– Oui. Aux politiques de le décider.

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Flashes interdits à l’aquarium / Barcelona #5

Très couru et très bruyant cet aquarium de Barcelone. Touristes du monde entier, appareils photo en main et souvent contrevenants à la consigne lancée par haut-parleur. J’ai remarqué que le catalan venait en premier pour l’annoncer. Normal. Et le français en cinquième, après l’espagnol, l’anglais et l’italien. Sinon, que de merveilles de poissons et d’êtres vivants nous avons contemplé avec Marius ! Beaucoup issus de Méditerranée. Mais pas seulement.

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À la Basilique dels Sants Màrtirs Just i Pastor / Barcelona #4

La Basilica dels Sants Màrtirs Just i Pastor est la plus ancienne église de Barcelone, place Sant Just, tout près de la place de Sant Jaume, dans la vieille ville. L’avons visitée avec Marius. Accueillis par des cantiques et un ventilateur. De récentes fouilles archéologiques ont permis d’attester que l’on prie ici depuis le IVème siècle après Jésus-Christ. Le lieu est d’une extrème simplicité, caractéristique de la sobriété du gothique catalan. Basilique2

Dans le ventre du Camp Nou / Barcelona #3

C’est un temple. Le plus grand stade d’Europe. Près de 100.000 places assises. Le Camp Nou est le stade du Barça, le FC Barcelona, le club de tous les Catalans. L’avons visité avec mon fils Marius. Impressionnés par sa taille de géant. Le Camp Nou se parcourt en son et en lumière. Du vestiaire du club visiteur au couloir d’accès à la pelouse – interdit de la toucher – où résonne cette mescle de sons des soirées de match, en passant par la tribune de presse tout en haut et le musée remplis de trophées. Le Barça et son palmarès. Le Barça créateur de lien social. Le Barça qui affirma sa résistance au franquisme. Le Barça qui a aussi tout compris des lois du bussiness. Sa boutique sur deux étages est juste gigantesque. Je n’oublie bien entendu pas le culte rendu à Lionel Messi, le phénomène Argentin aux quatre Ballons d’or. Peut-être le Barça lui dressera-t-il une statue si demain-soir il devient champion du monde.

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Tennis en cour d’immeuble / Barcelona #2

Cela fait quelques années qu’il est à l’école de tennis. Mais comme il ne travaille pas beaucoup en classe, sa mère ne le laisse pas aller au tennis. Alors nous venons ici. Les études passent avant le tennis, me confie ce grand-père occupé à renvoyer la balle à son petit-fils. Ils sont descendus de leur immeuble et ils s’amusent à échanger des coups droits et des revers. Sans filet. Peu importe. Le plaisir du jeu et de l’apprentissage sont palpables. Comme la fierté du grand-père, heureux comme tout de transmettre à son petit-fils.

Livres de ma vie / Calligrammes #1

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En pleine écriture d’un texte consacré à Alphonse Richard, le tout premier Dignois tué à la Guerre de 14, je prends le temps de relire des calligrammes de Guillaume Apollinaire, dont je goûte tant la poésie depuis l’adolescence. Voici le texte du somptueux Jet d’eau

 » Douces figures poignardées

Chères lèvres fleuries

Mya Mareye

Yette et Lorie

Annie et toi Marie

Où êtes-vous ô jeunes filles

Mais près d’un jet d’eau qui

Pleure et qui prie

Cette colombe s’extasie

Tous les souvenirs de

Naguère

Ô mes amis partis en guerre

Jaillissent vers le firmament

Et vos regards en l’eau

Dormant

Meurent mélancoliquement « 

Guillaume Apollinaire

Les pénos d’Argentine – Pays-Bas avec mon fils Marius / Barcelona #1

Dans un bar à tapas de Barcelone, n’avons pas assisté à un grand match hier-soir entre Argentins et Néerlandais. Peu d’occasions, peu de créativité, peu de jeu vers l’avant comme mon fils et moi aimons le football. Mais bon,  nous avons tout de même tenu jusqu’à la séance de tirs au but. Heureux de  voir l’Argentine de Messi se qualifier pour la finale du Mondial brésilien. Tapas délicieuses, grands écran de télé, ambiance très bon enfant dans cette bodega située non-loin du Camp Nou, le stade du Barça. Pas impossible que nous y revenions dimanche-soir pour assister à la finale. En espérant que Messi remporte le seul titre qui lui manque, celui de champion du monde.

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Mila, artiste du saut à la corde

Mila est une petite fille gracieuse, joyeuse et pleine de vie. Une artiste du saut à la corde. Si heureuse et fière de montrer son agilité lorsqu’elle bondit et rebondit. Chapeau Mademoiselle ! Bientôt la centaine 🙂

Avec mon fils, devenir des étrangers

Avec Marius, nous nous apprêtons à voyager en dehors des frontières de notre France. Descendons à Barcelone. Migrons vers cette ville que nous imaginons accueillante pour les étrangers. Notre grand-père et arrière grand-père fit le voyage – depuis Zürich – dans l’autre sens. Ce n’était pas pour des vacances. Ne l’oublions pas. La chanson d’HK & les Saltimbanks nous accompagne. Répèterons en choeur l’une des paroles : 7 milliards d’étrangers sur la planète…

Des oiseaux et des avions

Petit matin au sud de Paris hier matin. Un jardin en face de la chambre. De beaux arbres ouverts au vent de pluie, et des oiseaux heureux comme tout. Malgré le passage des avions tout là-haut. Entendre les oiseaux dès le réveil me met en joie pour la journée. Entendre les avions me donne encore un peu plus la bougeotte. Attise mon désir de voyage.

Samantha, auditrice de France Inter, en colère contre la suppression de « Là-bas si j’y suis »

250 personnes se sont rassemblées ce samedi après-midi devant la Maison de la Radio à Paris pour protester contre la suppression annoncée de Là-bas si j’y suis, l’émission présentée et animée par Daniel Mermet depuis 1989 sur France Inter. Faible mobilisation initiée par l’association AFRIC, les auditeurs de France Inter en colère. Déception au fond de moi de constater que cette émission  suivie au quotidien par des centaines de milliers d’auditeurs n’ait pas attiré davantage de personnes à cette manif. Triste de réaliser que désormais il nous faut parler au passé de ce moment de radio unique qui grâce à Mermet et son équipe, ouvrait de larges fenêtres d’expression et de contestation de l’ordre établi, qui ne brossait pas les puissants dans le sens du poil et qui osait affirmer son refus de l’idéologie et de la politique néo-libérale qui font le lit de la droite extrème.  Certains ce samedi avançaient que Mermet reprendrait son émission sur une autre antenne. Je me demande quelle grande radio nationale pourrait aujourd’hui relever ce défi de libre expression et surtout de pleine contestation.

Pour écouter le dernier répondeur de l’émission, c’est par ici. Pour signer la pétition qui demande que Là-bas continue, c’est par là. Elle a déjà recueilli plus de 31.660 signatures.

À la suppression de Là-bas si j’y suis s’est ajoutée ce vendredi sur France Culture  la scandaleuse censure de la toute dernière émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein, prévenu récemment que celle-ci ne serait pas reconduite à la rentrée.

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Alexander Lévy à l’Open de France de golf, sur le parcours de l’Albatros

J’ai découvert le golf sur le tard, il y a 6 ans. Depuis, j’adore ce sport. Y jouer d’abord. Et puis regarder les cadors s’exprimer sur le pré. Alexander Lévy est l’un d’entre eux. Tout jeune – il n’a pas encore 23 ans – professionnel depuis 2011, il a gagné l’Open de Chine fin avril. Depuis jeudi, il dispute l’Open de France, sur l’Albatros, le parcours du Golf National à Guyancourt*. À l’issue des deux premiers jours, il s’est qualifié – comme 9 autres joueurs français – pour la suite du tournoi ce week-end. Alexander n’a pas la grosse tête. Il est accessible et souriant, ce qui est loin d’être le cas de nombre de golfeurs. Qu’ils soient pros ou pas d’ailleurs…

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* C’est sur ce magnifique parcours que la France accueillera en 2018 la mythique Ryder Cup, épreuve qui oppose tous les deux ans une équipe européenne à une équipe américaine. Cette année, c’est en Écosse, à Gleneagels, que se disputera la Ryder Cup 2014. La première édition remonte à 1927.

Au Château de Versailles, des Chinois, une Béarnaise et des jardins

De la Cour d’honneur à la chambre du Roi, du hameau de la Reine au Jardin français, nous avons côtoyé des centaines de touristes chinois* hier en visitant le Château de Versailles. Bien présents parmi les Russes, les Espagnols, les Italiens, les Japonais, les Québécois, les États-Uniens, les Pakistanais et les quelques Français qui ont pris d’assaut l’endroit. Une bonne heure de piétinement sur les pavés de la Cour d’honneur, sous un soleil trentenaire en degrés, une belle mêlée sur le parquet grinçant de la chambre de sa majesté Louis XIV, une longue promenade dans ce domaine exceptionnel de grandeur et de beauté. Avec Chantal, ma compagne, nous avons savouré. Et n’avons pas oublié les milliers et milliers d’ouvriers qui ont bâti cette merveille au fil des années.

*Cette affluence de touristes venus de l’Empire du milieu est sans doute liée à l’exposition « La Chine à Versailles, art et diplomatie au XVIIIème siècle » présentée jusqu’au 26 octobre au Château de Versailles. J »y reviendrai ici dans un tout prochain billet.

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VasesCommunicants de juillet – 3 cartes postales d’Anna Jouy

Premier vendredi du premier mois du second trimestre. Comme le temps file vite. Je m’égare… Premier vendredi du mois et donc jour de l’échange, du mélange, de l’envasement désiré. Les VasesCommunicants, quelle découverte depuis le joli mois de mai ! Après Claudine Sales et Candice Nguyen, c’est avec Anna Jouy que nous avons choisi en ce mois de juillet de partager des mots, des phrases, des textes, des émotions, des sensations.

Anna Jouy est une poétesse suisse. Les adjectifs me manquent pour qualifier la beauté et la force de son Journal poétique « Les mots sous l’aube » http://www.jouyanna.ch/. Elle m’a suggéré voyages comme mot déclencheur. Et puis cartes postales. Je me suis laissé tenter. Comment aurais-je pu résister à ce partage ? Merci mille fois à elle d’accueillir sur son blog mes petites cartes postales. Sur mon CarnetDeMarseille, voici les siennes. Je les trouve superbes.

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Je t’écris de la terre lourde, de la glèbe et du pays de l’arbre ; je t’écris des eaux qui charrient des vaisseaux fantômes, de l’Indien, du cri, du Grand Voyageur.

Je t’écris à cheval sur les totems, dans la crique, dans le bois et dans le plus grand froid. Je t’écris de là où le cœur prend des racines qui soulèvent la forêt, la portent en ciel, sac de nuages et filaments de feu, en sacrant des blasphèmes de douleur et de désir.

Je t’écris des tripes liquoreuses des écorces, de l’état sauvage des jungles du Nord ; du triste et pesant travail de la taille et de la scie, du bruit mécanique et huileux des tronçonneuses. Je t’écris du barrage, du socque gras et des épis de gel dans les cheveux. Je t’écris comme on chute, avec ce squelette de foi qui tire les convois dans les banquises, avec cette chair de note brumeuse s’élevant des nostalgies. Je t’écris du chant de l’homme en mal d’amour.

Ici je vis solitaire, humain tendu, humain de trait, sans cesse, vainqueur de chaque défaite : Spike white Spike white, être de l’œuvre, esclave fier. Je t’écris de la rapaille, de l’ailleurs et tu sauras que partout où c’est noir, où c’est sale, où c’est transversales sombres, il y a ma poigne amoureuse désirante, projectile lent et lourd, planète ébranlée, ma Marche à L’amour.

ABITIBI photo guide sulisse.com

Québec Miron

PS Lire http://lunefunambule.com/2013/11/12/je-tecris-gaston-miron/

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Tu attends n’est-ce pas… ? Tu attends que se lève la nuit comme on lève la poste, les relevailles de folie, celle que je t’écris chaque soir, chaque nuit, à doigts saignants puisqu’en dessous il y a peut-être la vie.

Tu attends n’est-ce pas, que je rentre de mes frémissements, de mes alcools, des pilules blanches de lune ? J’en ai gobé des réverbères ronds et entiers sur le chemin de retour des aventures de Buenos Aires.

Tu attends que de solitude, que de chambre, que de table rase, je te sorte les foisons de l’immense, que je n’y aie pas fermé les yeux, mais gardé bien ouverts, nus de larmes, pures soucoupes dans lesquelles déposer tes amandes.

Tu attends que je sois devenue une danse, un briquet de feu dans les lampions du jeu des jambes. Tu attends que de ce ciel, je t’en dise la lumière, moi, qui n’habite que la nuit, seule couleur où tout le monde, même les êtres allogènes, les fiévreux du dispensaire, tous, peuvent fondre et me joindre.

Tu attends ces mots, qu’on ne peut dire que d’ici et qui sont bien ceux d’ici, America del Sur… Mais c’est à toi de trouver mon chemin, à toi de venir en moi, extraire la prose instable et le tango définitif d’un peu d’amour argentin.

Moi je n’ai que les cachets pour estampille de voiles à mettre.

Buenos Aires photo Omar Uran

Buenos Aires Pizarnik

PS Lire Pizarnik Alejandra http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/pizarnik/pizarnik.htm

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Ça y est, j’y suis. Moi aussi j’ai cherché ce carré de neige rose dans le ciel de Google Earth. Moi aussi j’ai voulu m’enivrer de ce parfum, là où marcher sans jamais n’en revenir, dans le duvet du printemps. Il m’a fallu comme lui, attendre mon heure, attendre ce déclenchement soudain des chaleurs et des lumières pour savoir qu’il était temps. J’y suis allée pour toi, parce que je le savais déjà, à l’instant même où j’en ai lu le détail stérile de sa visite, sans la moindre miellée, que c’était l’exacte métaphore de tout ce que l’on entreprend et qui n’aura pas de suite.

Parfois c’est si beau que cela coupe le souffle. On se sent éperdu d’une gratitude inquiète : il y a bien des chances que la vie ressemble à ça. Ces kilomètres de pommiers, tous en même temps éclos, comme un gigantesque champignon aux spores évaporés, grand pompon de chantilly sur ce coin de terre, mouchoir d’un tulle infiniment léger et subtil recouvrant une absence en creux, un silence abasourdi, l’hébétude d’exister pour rien…. Un « don de Dieu », a-t-il dit, déambulant parmi ces arbres goupillant leur parfum au vent sec de Sibérie.

Et tout près de lui, dans les mêmes pas, aussi proches que possible aussi, aussi vains que le sont ces croisées qui n’auront jamais lieu…cet autre inaccessible.

Pommeraie/photo atome 77.com

Sibérie Andreï Makine

PS Lire Andreï Makine, Le Livre des brèves amours éternelles

http://www.aventurelitteraire.com/andrei-makine-le-livre-des-breves-amours-eternelles/

                                                                                                    Anna JOUY                                                                                                                                       

Un grand merci à François Bon et son Tiers Livre http://www.tierslivre.net/spip/, ainsi qu’à Scriptopolis http://www.scriptopolis.fr/, initiateurs de ce vivant projet des VasesCommunicants.

Remerciements chaleureux aussi à Brigitte Célérier grâce à qui chaque mois, nous ne manquons rien des autres échanges rendezvousdesvases.blogspot.fr.

 

Mis en examen, par Massilia Sound System

Cette chanson est l’un des 19 titres de Commmando Fada, le troisième album de Massilia Sound System. Le groupe marseillais de reggae et de raggamuffin l’a sorti en 1995. Deux ans plus tôt, le terme juridique de mise en examen* remplaçait celui d’inculpation. Bigrement d’actualité ces trois mots. Sarkozy aujourd’hui, Cahuzac hier. Cette France sent mauvais. Cette France de 2014 ne ressemble plus à grand chose. Sans parler de Hollande qui tourne le dos à ses promesses, de Copé corrompu dans l’affaire Bygmalion, des Le Pen qui continuent à éructer leur haine, de Balkany, de Guerini… Je ne vais pas aboyer avec ceux qui lancent tous pourris, non. Mais je suis atterré en constatant que comme le dit Edwy Plenel, le directeur de Mediapart, tout un monde politique est en train de mourir sous nos yeux. Et le monde médiatique qui va avec, servile et courbeur d’échine. Bref, vivement la VIème République !

Massilia Sound System sort son prochain album en octobre prochain et sera en tournée à partir du 1er août. Les dates des concerts, c’est par ici.

*Compétence exclusive du juge d’instruction, une mise en examen vise une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants qui rendent vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d’une infraction

Orage de juillet, oh yeah !

En avais un peu assez de la chaleur lourde depuis quelques jours. Me languissais de voir la lumière vive laisser la place à des teintes plus douces. Guettais l’arrivée de la pluie. Mon voeu a été exaucé hier après-midi. Un court orage a traversé la ville. Le temps de garer ma voiture et de raser les murs, tout mouillé, et je suis rentré à la maison écouter les gouttes sur les toits et contempler les roses trempées.

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L’opérette marseillaise revisitée dans la joie par Moussu T e lei Jovents

Le plaisir de la pêche est l’un des treize titres d’Opérette, le tout nouvel album de Moussu T e lei Jovents. L’avais pré-commandé sur Itunes. Le voici sur mon ordi. De la grande et pure régalade. Un hommage jubilatoire à la voix d’Alibert, aux musiques de Vincent Scotto et aux paroles de René Sarvil et Raymond Vinci. L’opérette marseillaise des années 30 fut en fait le fruit d’un métissage, d’une mescle de tradition provençale, de chanson populaire italienne, de bel canto et de musique afro-américaine. Ces chansons furent créées dans l’idée de conquérir le public parisien. Aujourd’hui, avec cet album, Moussu T e lei Jovents ambitionnent de parler au monde depuis Marseille. C’est leur huitième opus. À déguster sans modération.

Éditeur : Les Éditions du Gabian/ Manivette Records
Producteur : Manivette records
Label Licenceur : Le Chant du Monde
Distributeur : Harmonia Mundi

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L’écho de France Info sur Opérette vaut le détour.