Livres de ma vie / Hokusai / Les trente-six vues du Mont Fuji #2

TANAA

Hokusai aimait représenter la nature ainsi que la vie quotidienne des gens du peuple, comme les artisans, les paysans, les pêcheurs. Sur l’estampe La rivière Tama dans la province de Musahi, ils sont à l’honneur, au pied du Mont Fuji, au bord de la rivière, comme sur le cours d’eau. Hokusai en rend le mouvement par des lignes ondulées, bleu sombre. Ces vagues légères contrastent avec l’immobilité du décor tout autour. Le Fuji trône, serein et tranquille en toile de fond, au dessus de la brume qui le sépare des eaux mouvantes. J’adore ce tableau qui évoque l’harmonie entre l’homme et la nature. Une harmonie dont la quête – ou la recherche – sont palpables au Japon, comme d’ailleurs en Chine, lorsque l’on regarde vivre les gens.

La voix de Maria Raducanu

Découvert cette merveille sur le blog Perles d’Orphée, de Lelius, que je vous donnais à entendre avant-hier. Là, c’est la sublime voix de la roumaine Maria Raducanu que j’ai envie de partager. Elle interprète Cristina. Enregistrée en Corse avec son quartet en février 2010. Douceur et sensibilité  extrèmes. Un cadeau dédié à mes deux filles, Zoé et Noémie, qui se sont retrouvées à Shanghai cette nuit et qui vont passer trois semaines ensemble, avant leur retour en France.

Ma fille Zoé a décollé pour Shanghai

https://soundcloud.com/ericschulthess/zoe-en-route-pour-shanghai

Le coeur un peu serré, je viens d’accompagner ma fille cadette Zoé à l’aéroport. Très zen la demoiselle. Si heureuse de décoller pour rejoindre sa grande soeur Noémie à Shanghai, pour trois semaines. Lorsqu’elle atterrira là-bas, après 12 heures de vol, il sera une heure du matin chez nous.  Pour rendre son long voyage et leurs retrouvailles les plus agréables possible, j’ai choisi une belle chanson de Chen Gexin, « Vie nocturne à Shanghai ». En voici les premières paroles. Noémie saura traduire les autres à sa petite soeur :
夜上海 夜上海 Nuits de Shanghai, nuits de Shanghai

你是個不夜城   Tu es une ville qui ne dort jamais

華燈起 樂聲響   Les belles lumières en accompagnent les musiques

歌舞昇平   Chantant et dansant en harmonie…

Livres de ma vie / Hokusai / Les trente-six vues du Mont Fuji #1

Hokusai

Est entré dans ma vie depuis à peine un peu plus d’un an, ce livre. Depuis que j’ai survolé le Fuji à mon retour de Kamaishi, en mai 2013. Fasciné par ce mont mythique je suis. Pas autant que les Japonais qui le grimpent en pélerinage mais bouleversé par sa grandeur, sa paix, sa forme, le cadeau qu’il fait au ciel. Les trente-six vues du Mont Fuji, par Jocelyn Bouquillard, est toujours à portée de main et de regard chez moi. Hokusai se disait « fou de dessin ». Peintre du dix-huitième siècle, il est pour moi inscrit dans l’éternité.

«  LE FOUZI-YAMA, la Montagne sacrée, asile des légendes mystérieuses et des antiques rêveries naturalistes, se dresse dans la fraîcheur des matins bleus et dans l’or du soir. L’air et ses mirages entourent comme de molles écharpes les neiges de son pic, ses flancs de rocher et les forêts de pins qui dévalent les pentes. (…) L’art japonais n’a jamais été traversé par une méditation plus large; jamais ses peintres ne se sont approchés de la nature avec autant de gravité. »

Henri Focillon, Hokusai 1914

Copyright @Seuil / BNF

La voix de Lelius, mystérieux poète

Lelius – vous venez d’écouter sa lecture d’Enfants, le poème de Robert Desnos – est un amoureux fou de poésie. J’aime sa voix chaude et profonde. Mystérieux ce Lelius, car de lui j’ignore tout sauf qu’il donne à entendre et à voir sur son blog Perles d’Orphée tant de belles choses. La musique, la peinture, la sculpture et la philosophie sont d’autres royaumes qu’il explore et partage avec gourmandise, enthousiasme et délicatesse. Le talent de Lelius me touche. Voici un autre de ses poèmes lus. L’immense Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud.

Pour savourer d’autres textes lus par Lelius, c’est par ici.

Algérie 2 – Allemagne 1, il y a 32 ans…

Pour se rafraîchir la mémoire, la bande son de ce fameux Algérie – République Fédérale d’Allemagne du 16 juin 1982. Majder et Belloumi offrent ce jour-là à leur pays une victoire historique face au futur finaliste du Mondial espagnol. C’était la toute première participation de l’Algérie à une Coupe du monde de football. Hier, l’équipe algérienne a écrit une nouvelle page de son histoire en se qualifiant pour la première fois en 8ème de finale du Mondial brésilien. Lundi prochain, elle retrouvera… l’Allemagne. Et si 32 ans après, les Fennecs remettaient ça ? Plus d’info sur le parcours de l’Algérie au Mondial 1982, c’est par ici.

« Au fil d’Ariane », l’émouvante fantaisie de Robert Guédiguian

Courez voir « Au fil d’Ariane », le dernier opus de Robert Guédiguian. C’est une fantaisie généreuse et surréaliste. Le cinéaste marseillais trouve une nouvelle fois le moyen d’inventer des personnages ordinaires et extraordinaires, et de leur servir des dialogues souvent drôles et poétiques. Parfois tristes. Ses acteurs fêtiches sont de la partie, bien évidemment. Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet. La bande son dont vous venez d’écouter un extrait est un hommage à la mescle qui m’est chère. Mendelsson, Rossini, Rachid Taha, et Jean Ferrat, auquel Robert Guédiguian rend un superbe hommage tout au long de cette fantaisie jubilatoire. « Au fil d’Ariane » est un émouvant cadeau offert par le cinéaste à sa muse et compagne. De la pure régalade. Et je ne parle même pas de Marseille, filmée une nouvelle fois avec tout l’amour d’un enfant pour sa ville natale.

L’interview de Robert Guédiguian à la Web Radio Zibeline, c’est ici et ça vaut le coup de s’y attarder.

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La ligne rouge #intégral

Lalignerouge

Ils viennent de me passer les menottes.

Je grimace à l’intérieur des lèvres.

À peine mal mais je grimace de cette douleur sourde qui affleure depuis si longtemps à chacun de ses mots barbares. Elle se taira maintenant cette douleur.

Car il ne parlera plus jamais.

Garde du corps je fus de cet homme-là pendant quinze ans.

Recruté à ma sortie du régiment de paras.

Il était venu faire son marché in situ dans la cour de la caserne.

Connaissait bien l’endroit car il avait été para lui aussi. L’Indo. L’Algérie.

–   Cherche un gars baraqué et courageux, un gars qui en a dans le pantalon, il avait dit en riant de sa bouche humide et ridée.

J’avais fait l’affaire.

Ça n’avait pas traîné.

Choisi surtout parce que ma peau est très foncée.

–   Ça clouera le bec à tous ceux qui me traitent de raciste, il avait lâché devant le colonel. Sans même me regarder dans les yeux.

J’avais dit oui parce que j’aime les défis.

Fils de Tirailleur algérien je suis.

Mon père libéra Marseille aux côtés des Tabors marocains.

L’assaut à Notre-Dame de la Garde en août 44, il en fut.

Patriote il s’était dit. Ça m’avait bien plu. J’aime ma patrie moi aussi.

L’avais salué au garde-à-vous.

Ensuite, j’étais parti du régiment à ses côtés.

Avions marché au pas je crois en avançant vers sa voiture.

Lui, fredonnait un chant militaire.

« Contre les Viets, contre l’ennemi

Partout où le devoir fait signe

Soldats de France, soldats du pays

Nous remonterons vers les lignes »

Je me souviens.

Il m’avait d’entrée glissé quelques gros billets dans les poings et montré ma chambre.

Une piaule à l’étage de sa propriété aux murs blancs gardés par des chiens aussi baveux que gros.

Leur ressemblait un peu je trouve.

–  Tu dormiras là. Je te sonnerai. Tiens-toi toujours prêt. Je voyage beaucoup. Tu m’accompagneras partout. Je suppose que tu sais conduire ?

Chauffeur je fis aussi.

La grosse Mercos, ça se conduit tranquille.

Lui derrière à passer ses coups de fils.

Toujours le costard impeccable, la cravate qui va bien, la pochette au revers assortie.

Une forme d’élégance qui jurait dès qu’il ouvrait la bouche et que pleuvaient les insultes au téléphone.

Lui derrière à engueuler le monde entier.

Moi devant à le mener à ses réunions, ses meetings, ses rendez-vous d’affaires.

Lui derrière à baver ses « bougnoules, négros, citrons, youpins, etc… »

S’excusait à peine ensuite, mais un peu quand même.

–  Toi, tu n’es pas pareil. Tu es fort. Tu es un soldat, il me disait.

C’est vrai que je suis un para et que je ne crains personne.

Il pouvait compter sur moi lorsque nous arrivions quelque part et que ça brassait sévère aux abords des salles de meetings.

Il était attendu. Banderoles, affichettes et slogans y’avait :

« Le fascisme ne passera pas ! » je lisais. Comprenais pas bien. Connaissais pas le fascisme. Jamais trop été à l’école, moi. Je le protégeais, lui traçais sa route jusqu’à l’entrée et surveillais les allées et venues dans la salle, le calibre en veille dans son étui, là, côté cœur.

Au retour dans la Mercos, me demandait de mettre l’un de ses disques préférés.

Les éditait, je crois.

En allemand ça chantait.

Il fredonnait derrière en remuant la tête. Ne connais rien à l’allemand mais c’était entrainant. Comme des marches militaires.

Quinze ans, donc, ça a duré.

Jamais eu à me plaindre de cette vie malgré les hurlements et les insultes.

Ai appris à les endurer.

J’en ai dans le pantalon, donc ne me suis jamais laissé traiter de melon.

Mais ce soir, il a franchi la ligne rouge avec son « Monseigneur Ebola qui peut régler en trois mois le problème de l’explosion démographique ».

En reprenant le volant, je lui ai fait remarquer que ça n’était pas joli de parler comme ça des gens qui souffrent.

Que dans le temps, en France aussi ils faisaient beaucoup de minots.

Lui ai parlé de mon père Tirailleur algérien.

–  Ferme-là, sale négro, il m’a lancé. T’occupe pas de ce que tu ne comprends pas !

Les flics ont gardé mon calibre.

Les menottes me serrent un peu aux poignets mais je me sens soulagé.

Lui, il vient de repartir dans une ambulance.

À la place de derrière, comme toujours.

Je viens de lui coller une balle dans la bouche.

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

Que ses créateurs en soient ici une nouvelle fois remerciés.

Je vous invite vivement à vous abonner à La Nuit.

C’est très simple et cela coûte une euro par semaine. Pas plus.

 

La ligne rouge #7 (suite et fin)

Lalignerouge

En reprenant le volant, je lui ai fait remarquer que ça n’était pas joli de parler comme ça des gens qui souffrent.

Que dans le temps, en France aussi ils faisaient beaucoup de minots.

Lui ai parlé de mon père Tirailleur algérien.

–      Ferme-là, sale négro, il m’a lancé. T’occupe pas de ce que tu ne comprends pas !

Les flics ont gardé mon calibre.

Les menottes me serrent un peu aux poignets mais je me sens soulagé.

Lui, il vient de repartir dans une ambulance.

À la place de derrière, comme toujours.

Je viens de lui coller une balle dans la bouche.

(Fin)

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

Que ses créateurs en soient ici une nouvelle fois remerciés.

Je vous invite vivement à vous abonner à La Nuit.

C’est très simple et cela coûte une euro par semaine. Pas plus. 

Retour sur les rochers du Petit Nice

Sur ces rochers, j’ai passé mon enfance, d’avril à octobre. M’y suis baigné des milliers de fois. Vivais un peu plus haut dans ce quartier d’Endoume où mes parents emménagèrent après deux années passées au Panier. Les rochers du Petit Nice, les connais par coeur mais à chaque fois que j’y retourne, j’ai l’impression qu’il y a du neuf à découvrir. Je ne reconnais plus les visages de celles et ceux avec lesquels je jouais. Reste cette anse de roche en demi cercle, avec ces algues douces aux pieds. Le bruit de la mer est à peine dérangé par le ronflement des bateaux qui passent au large. Ce qui n’a pas changé non-plus, c’est la présence des petites îles que nous rejoignions à la nage avec les copains et d’où nous contemplions Marseille vue de la mer, ce qui est l’un des plus beaux spectacle du monde.

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La ligne rouge #6

Lalignerouge

Au retour dans la Mercos, me demandait de mettre l’un de ses disques préférés.

Les éditait, je crois.

En allemand ça chantait.

Il fredonnait derrière en remuant la tête.

Ne connais rien à l’allemand mais c’était entrainant.

Comme des marches militaires.

Quinze ans, donc, ça a duré.

Jamais eu à me plaindre de cette vie malgré les hurlements et les insultes.

Ai appris à les endurer.

J’en ai dans le pantalon, donc ne me suis jamais laissé traiter de melon.

Mais ce soir, il a franchi la ligne rouge avec son « Monseigneur Ebola qui peut régler en trois mois le problème de l’explosion démographique ».

(à suivre)

Sons de la Nuit venus d’Asie

Pas la première fois que je vous recommande ici de vous abonner sans tarder à la Nuit, la revue digitale qui vient de fêter l’été en ouvrant ses portes aux lecteurs au fur et à mesure que se construisait son numéro 11. Une revue ouverte sur toutes les curiosités du monde, musicales – ces 4 extraits asiatiques proviennent du numéro 9 – photographiques, littéraires, entre autres. La Nuit ose surprendre, déranger, charmer, intriguer, séduire, sourire, chanter, hurler, se mettre en colère, et ceci « sans publicité ni détergents, pour un euro par semaine seulement ».  La Nuit, c’est aussi l’affirmation forte que le néo-libéralisme qui sévit de la Grèce à l’Espagne et qui nous guette tout autant en France ne produit pas de la liberté mais sa limitation continue. S’abonner à la Nuit est donc aussi une façon de faire de la politique à son échelle de vivant de cette planète et qui entend le rester. Librement. Tenez, vous en connaissez beaucoup de journaux, vous, qui donnent la parole à l’Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe ? Alors, s’abonner, c’est tout simple. Il suffit d’aller ici et de se laisser guider. Vous verrez, vous sourirez sans tarder.

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La ligne rouge #5

Lalignerouge

C’est vrai que je suis un para et que je ne crains personne.

Il pouvait compter sur moi lorsque nous arrivions quelque part et que ça brassait sévère aux abords des salles de meetings.

Il était attendu. Banderoles, affichettes et slogans y’avait :

« Le fascisme ne passera pas ! » je lisais.

Comprenais pas bien.

Connaissais pas le fascisme.

Jamais trop été à l’école, moi.

Je le protégeais, lui traçais sa route jusqu’à l’entrée et surveillais les allées et venues dans la salle, le calibre en veille dans son étui, là, côté cœur.

(à suivre)

Aux côtés des Algériens de Marseille, une formidable soirée de football

Historique. J’ai vécu une soirée de football mémorable ce dimanche-soir, aux côtés de Mohammed, Mounir et bien d’autres Algériens de Marseille. 32 ans que l’équipe nationale algérienne n’avait plus gagné de match en Coupe du Monde. Depuis le 24 août 1982 et un 3-2 face au Chili ! 32 ans d’attente et de frustration effacés par cette victoire 4 – 2 contre la Corée du sud. Je n’oublierai pas l’émotion des supporters algériens. Je n’oublierai pas non-plus la liesse qui s’est emparée du centre de Marseille après le coup de sifflet final. Une pensée pour mon ami Yassine Bouzar, monteur et documentariste à France Culture, dont je vous ai présenté ici le magnifique travail auprès de la jeunesse algérienne. L’un de ses personnages, Nadir l’Algérois dit Papouf, doit être très heureux et très fier depuis hier-soir.

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Tambores da Liberdade

Glanés hier-soir place Daviel à Marseille, au-dessus du Vieux Port, les rythmes trépidants et virevoltants de Tambores da Liberdade, en mode Fête de la musique. Tambours animés et secoués pour la plupart par des femmes. Plongeon très plaisant dans l’univers afro-brésilien de Salvador de Bahia. Le groupe donne chaque semaine des cours de percussion., au Nomad Café, 11 boulevard de Briançon, 13003 Marseille.

La ligne rouge #4

Lalignerouge

Chauffeur je fis aussi.

La grosse Mercos, ça se conduit tranquille.

Lui derrière à passer ses coups de fils. T

oujours le costard impeccable, la cravate qui va bien, la pochette au revers assortie.

Une forme d’élégance qui jurait dès qu’il ouvrait la bouche et que pleuvaient les insultes au téléphone.

Lui derrière à engueuler le monde entier.

Moi devant à le mener à ses réunions, ses meetings, ses rendez-vous d’affaires.

Lui derrière à baver ses « bougnoules, négros, citrons, youpins, etc… »

S’excusait à peine ensuite, mais un peu quand même.

–      Toi, tu n’es pas pareil. Tu es fort. Tu es un soldat, il me disait.

(à suivre)

La ligne rouge #3

Lalignerouge

Ensuite, j’étais parti du régiment à ses côtés.

Avions marché au pas je crois en avançant vers sa voiture.

Lui, fredonnait un chant militaire.

« Contre les Viets, contre l’ennemi

Partout où le devoir fait signe

Soldats de France, soldats du pays

Nous remonterons vers les lignes »

 Je me souviens. Il m’avait d’entrée glissé quelques gros billets dans les poings et montré ma chambre.

Une piaule à l’étage de sa propriété aux murs blancs gardés par des chiens aussi baveux que gros.

Leur ressemblait un peu je trouve.

–      Tu dormiras là. Je te sonnerai. Tiens-toi toujours prêt. Je voyage beaucoup. Tu m’accompagneras partout. Je suppose que tu sais conduire ?

(à suivre)

Lalignerouge

J’avais fait l’affaire. Ça n’avait pas traîné.

Choisi surtout parce que ma peau est très foncée.

–      Ça clouera le bec à tous ceux qui me traitent de raciste, il avait lâché devant le colonel. Sans même me regarder dans les yeux.

J’avais dit oui parce que j’aime les défis.

Fils de Tirailleur algérien je suis. Mon père libéra Marseille aux côtés des Tabors marocains.

L’assaut à Notre-Dame de la Garde en août 44, il en fut.

Patriote il s’était dit. Ça m’avait bien plu.

J’aime ma patrie moi aussi. L’avais salué au garde-à-vous.

(à suivre)

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

Que ses créateurs en soient ici une nouvelle fois remerciés.

Je vous invite vivement à vous abonner à La Nuit.

C’est très simple et cela coûte une euro par semaine. Pas plus. 

Au cimetière de Joal-Fadiouth

Au cimetière de Joal-Fadiouth, construit sur une colline de coquillages, cohabitent les carré chrétien et musulman. Sans séparation marquée. Unique au Sénégal. Fadiouth

Sur la route des charrettes

C’est une artère toujours très animée. La route des charrettes est vivante du matin au soir. Artisans en bordure. Voitures et motos parfois. Et charrettes beaucoup. Elles font pour la plupart office de taxi jusqu’au marché.

La ligne rouge #2

Lalignerouge

J’avais fait l’affaire. Ça n’avait pas traîné.

Choisi surtout parce que ma peau est très foncée.

–      Ça clouera le bec à tous ceux qui me traitent de raciste, il avait lâché devant le colonel. Sans même me regarder dans les yeux.

J’avais dit oui parce que j’aime les défis.

Fils de Tirailleur algérien je suis. Mon père libéra Marseille aux côtés des Tabors marocains.

L’assaut à Notre-Dame de la Garde en août 44, il en fut.

Patriote il s’était dit. Ça m’avait bien plu.

J’aime ma patrie moi aussi. L’avais salué au garde-à-vous.

(à suivre)

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

Que ses créateurs en soient ici une nouvelle fois remerciés.

Je vous invite vivement à vous abonner à La Nuit.

C’est très simple et cela coûte une euro par semaine. Pas plus. 

La ligne rouge #1

Lalignerouge

Ils viennent de me passer les menottes. Je grimace à l’intérieur des lèvres.

À peine mal mais je grimace de cette douleur sourde qui affleure depuis si longtemps à chacun de ses mots barbares.

Elle se taira maintenant cette douleur. Car il ne parlera plus jamais.

Garde du corps je fus de cet homme-là pendant quinze ans.

Recruté à ma sortie du régiment de paras. Il était venu faire son marché in situ dans la cour de la caserne.

Connaissait bien l’endroit car il avait été para lui aussi. L’Indo. L’Algérie.

–      Cherche un gars baraqué et courageux, un gars qui en a dans le pantalon, il avait dit en riant de sa bouche humide et ridée.

(à suivre)

 

 « La ligne rouge » est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnes publiques ayant tenu des propos scandaleux dans la vraie vie n’est que pure coïncidence.

Ce texte a été publié pour la première fois dans le numéro 9 de la revue digitale La Nuit.

Que ses créateurs en soient ici une nouvelle fois remerciés.

Je vous invite vivement à vous abonner à La Nuit.

C’est très simple et cela coûte une euro par semaine. Pas plus. 

Les oiseaux du petit matin

Profusion d’oiseaux africains. Ils sont même réveillés avant le muezzin et son appel à la prière.

Le muezzin du soir sous le vent

À Mbour, la vie quotidienne est rythmée par l’appel à la prière lancé par le muezzin, cinq fois par jour. Ce soir-là, il y avait du vent dans les palmiers, venu de la mer toute proche. Nous avons cru à un orage imminent. Mais il n’a pas éclaté au-dessus de la ville. Le vent s’est calmé dans la nuit et lorsque le muezzin s’est mis à lancer son premier appel du matin, plus un souffle n’agitait la palmeraie. Est resté le souvenir de cette jeune femme frôlant les murs chauds des maisons, en bas dans la rue peuplée de sable et d’ombres.

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Moi Ousmane Dieng, alias Michael Jordan, lutteur sénégalais

Marin-pêcheur à 9 ans, Ousmane a quitté sa pirogue pour l’arène. La lutte sénégalaise en a fait un homme respecté de tous dans sa ville de Mbour. Mais aujourd’hui, les sponsors et les combats se font rares… Ousmane continue malgré tout d’encadrer les jeunes lutteurs.

Carnet d’Afrique #8

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Jour après jour, attendre que s’égrènent les heures.
Ne rien espérer d’autre que vivre le lendemain et lui survivre. À l’écart de la foule, l’athlète glisse à lentes foulées sur la plage, le dos dénudé. Tout en muscles bombés. Les bras tendus en arc vers le ciel voilé strié de palmiers. Deviner une prière éphémère. Ne pas déranger la statue souple et forte et sûre de sa beauté. Il était là hier déjà. Et avant-hier. Comme pour un rituel paisible et rassurant.
Cet homme est un danseur paisible et fataliste qui prie le monde entre sable et océan.

 

Les lutteurs sénégalais sur le sable

Sur la plage de Mbour, ils sont parfois une trentaine à venir s’entraîner le soir à la fraîche, pour prépérer leurs – rares – combats à venir. Les lutteurs sénégalais perpétuent une tradition ancestrale. Avant l’assaut, ils s’aspergent le corps de sable, pour que les mains ne glissent pas sur les peaux gorgées de sueur. Ces colosses s’affrontent ainsi pendant une bonne heure avant d’entamer la partie musculation et assouplissement. La lutte traditionnelle sénégalaise existe aussi sous la forme de lutte avec frappe, comme à la boxe. Elle marie sport et culture, avec des chants de bravoure, et des pratiques mystiques sous la forme de grigris. Cette lutte est désormais un phénomène qui intéresse toutes les couches de la population et qui a détrôné le football pour devenir le sport n°1 au Sénégal.

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El Hadj le jardinier

C’est son travail depuis des années. Jardinier chez Reinette, la dame si attentive aux petits talibés. El Hadj prend soin de son jardin au petit matin après sa prière.

Le blues de Moussa, chauffeur sénégalais

La corruption ordinaire. Le billet de 1000 francs CFA glissé dans la main du gendarme pour avoir le droit de reprendre la route après un contrôle inopiné. Un quotidien dont les Sénégalais ne veulent plus. Ils le disent. En secret. Comme Moussa qui m’accompagna à Joal, la commune où naquit Léopold Sédar Senghor, le père de la République du Sénégal. Son successeur, l’actuel président Macky Sall, a beau faire savoir qu’il déclare la guerre aux corrompus, rien ne change en profondeur. Et la fatigue des chauffeurs grandit. Comme se creuse chaque jour un peu plus la fatigue de leurs voitures.

Moussa

Carnet d’Afrique #7

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Il frôle les poussières rouges le long des routes.
Pas changé leur course à travers les villages depuis toutes ces années. Presque immobiles, il pense. Rien de nouveau ici hormis les quelques dizaines de kilomètres d’autoroute goudronnés en quittant l’aéroport. Les baobabs. À peine poussé. Les détritus. Beaucoup plus qu’avant. Les maisons de fortune. S’amoncellent. Prendre son temps. Le temps donné sans compter. Pas la peine de se hâter. Les poussières rouges traînent leur éternelle patience.

(à suivre)

La partie de foot sur le sable

Maillots de « stars » sur le dos, pieds nus, ballon de fortune, ils jouent sur la plage du matin au soir. Peu de buts, mais de l’engagement et de la joie à partager. Ils regarderont le mondial à la télé, même si le Sénégal n’est pas qualifié…

Carnet d’Afrique #6

femmes

Rares. Les Blancs se font rares.
Quelques Toubabs ventrus traînent leurs rides et leurs 4X4 en direction des serveuses aux tresses brillantes. Les yeux accrochés aux doigts sarments des demoiselles. Osent à peine deviner leurs dents du bonheur au creux de leurs lèvres divines. Il faudrait se taire. Surtout ne rien dire qui vienne gâcher ces secondes de grâce fugace. Mais ils ne savent goûter ce suc. Ignorent le sel du silence. Murmurent un vague compliment sur le tissu de leurs boubous. Aucun regard en échange. À peine un merci susurré sans sourire. Les boissons servies, elles s’échappent d’un pas souple vers la caisse où tinte le petit bruit sec et maigre du franc CFA.
Leur richesse à partager avec qui saura approcher la vive et fière douceur de leur âme.

(à suivre)

Au marché de Mbour

Dans le tumulte grouillant du marché de Mbour, un mégaphone égrène la mystérieuse litanie lancée par un aveugle au milieu de la foule.

Carnet d’Afrique #5

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Le muezzin lance l’appel à la prière.
Des mosquées semées sur les places. Déposées comme à la hâte. Certaines semblent provisoires mais ce provisoire dure depuis des années. Minaret pour les plus grandes. Haut parleur pour toutes. Dès avant l’aube ils vibrent à travers la ville. Comme une plainte répétée chaque jour qu’Allah fait. L’appel, les enfants l’ignorent. Affairés à courir entre les amas de gravier. Entre les tas d’immondices qui peuplent les rues de terre rouge. Entre les murettes défoncées qui s’ouvrent sur de petits champs de menthe. Les enfants jouent d’un rien. Bouchon de bouteille. Canette cabossée. Ballon dégonflé. Cailloux glanés. Le muezzin a beau chanter sa litanie, les petits ont la tête à l’instant. Comme tous les enfants du monde.

(à suivre)

Reinette et les petits talibés

Près de vingt ans que Reinette entend taper au portail de sa maison de Mbour, sur la Petite Côte, à 80 kilomètres au sud de Dakar. Le matin, ils sont parfois une trentaine, les petits talibés mendiants affamés. Reinette sait bien que ces sandwiches au chocolat ne règlent pas le problème qui empoisonne la vie de dizaines de milliers d’enfants sénégalais contraints à mendier par leurs marabouts sensés leur apprendre le Coran. Mais elle ne s’est jamais résolue à laisser ces petits traîner dans la rue le ventre vide.

Carnet d’Afrique #4

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À présent passent trois jeunes femmes en file indienne.
Chaloupent le long de la plage abîmée. Traces vivaces des tempêtes de mars. Coiffées de larges plateaux gris, elles se taisent sous le poids des feuilles de menthe. Avancent sur le chemin défoncé vers les paillotes désertes. Qui leur donnera quelques billets pour quelques fruits ? Peut-être les dégusteront-elles si le client s’obstine à se cacher loin d’ici. Croisent de vieux messieurs à sandalettes translucides. Semblent égarés dans leurs souvenirs. Barbiches blanches et chemises constellées de sueur sèche. Ne se retournent pas sur le passage des porteuses aux seins et aux reins qui dansent. Indifférents à leurs fesses bombées comme des djembés de musiciennes.

(à suivre)

J’écoute Saphir FM

Quelle richesse, cette bande FM sénégalaise ! Il y en a pour tous les goûts. Musique, infos, météo. Très agréable à écouter. Et souvenir des balbutiements de la bande FM en France dans les années 80.

Carnet d’Afrique #3

foot

Plus tard, l’océan lui tend la main.
Les garçons courent en groupe. Ils avancent à larges foulées au pied des palmiers. Lorsqu’ils s’arrêtent, tractions de jambes et de bras pour se muscler. Peu se lancent dans l’eau. La mer déroule sa robe bleue argent sans insister. S’exercent à la lutte. Colosses ou sauterelles. Tous, le corps doré de poussière de sable. Gri-gris à la taille ou au bras.
Le costume partagé c’est le maillot de foot. Entre les épaules, des noms de joueurs de rêve gravés sur les tissus souvent délavés et troués. Parfois, les shorts vont de paire. Ces parties de ballon sans cages ! Joyeuses et accrochées. Les jeunes jonglent, dribblent et dansent le beau jeu. Marquent peu. Savent-ils que le mirage du foot des riches leur restera mirage ? À moins d’un miracle.

(à suivre)

Moi Socé, fils de Tirailleur sénégalais

Socé Dioukh a 65 ans. Bijoutier à Mbour, sur la Petite Côte, à 80 kilomètres au sud de Dakar. Attaché à la France. Mais certainement un peu plus meurtri encore depuis hier. Les célébrations du D Day ont ignoré l’Afrique. Continent oublié. Ce n’est pas un cliché. C’est désolant. Triste. Très tr!ste.

Carnet d’Afrique #2

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Il croise dès l’aube les enfants en guenilles.
Longent les baraques cousues de fer blanc. Mendient aux abords des échoppes où s’achète le pain quotidien, le lait en poudre et les bidons d’eau en plastique. Essaims de gamins faméliques. Épuisés. Escouades ensommeillées. Vidées. Des bras et des jambes secs et maigres comme des branchages rescapés du feu. Pleurs séchés au coin des paupières. Morve en filet sous les narines. À chacun sa cuvette en plastique jaune. Ne tinte que de quelques morceaux de sucre lancés par une femme en boubou bouton d’or et turban bleu outremer. Son fils à elle part à l’école en uniforme bleu ciel dans un bus blanc sans équivoque. « Dieu seul ». C’est écrit sur le flanc. Oui, Dieu bien seul face aux petits talibés qui se dispersent comme une volée d’insectes. Le regard de certains teinté de honte. Quelques visages masqués par la cuvette ou un coin de haillon.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #1

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La tiédeur poivrée le cueille en douceur au creux des narines.
S’en envelopper et avancer vers dehors. Retrouver l’Afrique dans l’attente. Immobile. Frissonnante pourtant. Revoir les éclopés affamés de pièces. Frôler les porte-faix aux aguets. Longer les voitures en vrac prêtes à filer sous les maigres étoiles. Les camions essoufflés et leurs chauffeurs électriques au seuil d’une nuit blanche. Les taxis-brousse hérissés de bidons, de cartons et de bagages ficelés au-dessus d’inscriptions dévotes. Les photos de marabouts scotchées aux vitres et aux pare-brise. Vénérés comme guides en médaillon et en affiches tutélaires. Ils protègent. C’est écrit dessus. Leurs turbans décolorés, pourtant. Leurs visages luisants. Leurs joues rondes impassibles. Cerclées de barbe bleue passée. Quel contraste avec les faces émaciées de ceux qui se compressent vers la portière. S’entassent derrière. Au volant, le conducteur porte un bonnet de laine écrue bistre. Trois cahots d’épaisse fumée et c’est le départ. S’engouffrer dans le noir vers le sud qui nous happe.

(à suivre)

 

a. il/leurs / Le poétique et sonore #VaseCommunicant de Candice Nguyen

Avec Candice Nguyen, nous partageons un pays de connaissance qui s’appelle Marseille. Depuis plus de vingt-six siècles, notre ville est le pays de tous les accueils et de toutes les mescles. De tous les ailleurs.

Ailleurs. Regardez-le bien ce mot. Pouvez jouer avec lui. Il a deux ailes. Singulier, il s’écrit comme un pluriel. Il est tourné vers les autres. Vers leurs ailleurs.

Ce mot, nous l’aimons tant que nous avons choisi de le célébrer comme une fleur à créer et à composer comme il nous plaît. À déposer dans nos deux vases communiquants. Chacun dans l’espace de l’autre. En ce mois de juin 2014, je suis heureux et fier d’accueillir l’ailleurs poétique et mystérieux inventé par Candice. Raconté en mots et en musique. Une musique venue d’un ailleurs lointain puisqu’il est australien.

J’ai reçu ce vase avec ravissement hier à mon retour d’Afrique. Cette Afrique d’où j’ai ramené le mien que Candice me fait l’honneur d’accueillir chez elle.

Un chaleureux merci à Brigitte Célérier, qui mois après mois veille avec grande attention et générosité aux rendez-vous des vases.

Remerciements aussi à François Bon – et à son Tiers Livre – ainsi qu’ à Jérôme Denis – et son Scriptopolis – . Sans eux, les Vases Communicants n’existeraient pas. Ce projet est simple et beau : le premier vendredi du mois,  chacun écrit et publie sur le blog d’un autre. Un autre de son choix à inviter selon son envie. La circulation est horizontale, histoire de produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Si cette aventure vous tente, faites le savoir sur le groupe dédié sur Facebook, sur Twitter ou sur le blog http://rendezvousdesvases.blogspot.fr, qui vous permet aussi de circuler à votre guise entre les vases.