Livres de ma vie / Marsiho #5

Le cabanon. Mythe marseillais sauf pour la poignée de cabanoniers qui y passent encore du temps, aux Goudes ou à Sormiou, comme avant eux leurs ancêtres. La pêche sur les rochers, mon grand-père Marseillais d’adoption – il émigra de Zürich en 1923 – m’y emmenait enfant. À l’époque, la pêche était abondante. Aujourd’hui, restent les mots d’André Suarès…

 

AndréSuares

 

« … Le rêve de chacun est d’avoir une de ces cases en nougat coiffées de tuiles. Là, ils vont en tous temps du samedi au lundi. En été, ils s’y installent, les uns sur les autres. Chacun chez soi et tous presque en commun. On voisine, on se querelle, qui est une façon de voisiner encore. On se parle au-dessus du mur. La fumée d’une pipe croise l’autre. Les enfants jouent, se battent et braillent ensemble.

Quelques hommes vont à la pêche sur les rochers ; ils partent de bon matin, leurs lignes hautes contre l’épaule, le veston ouvert, la chemise de flanelle béante ; et tous ont le même air de soldats hilares, d’heureuse troupe qui descend à la conquête du poisson. Ceux qui ne pêchent pas ne sont pas moins avides que les autres de rascasse, de girelles, de gobis, de crabes, de tout ce qui entre dans la bouillabaisse. Et faute de bouillabaisse, il y a toujours l’aïoli.

Une heure avant midi, tous les cabanons sont frottés à l’ail, chapons offerts au soleil. L’homme bat lui-même la purée à l’huile dans le mortier, et la tourne dure et jaune : que la femme ne s’en mêle pas, et même qu’elle n’approche pas, fût-ce du souffle : elle la ferait tourner… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffite

La Nuit, les sons arrivent de loin

Cette mescle de musiques, je l’ai conçue comme un immense bravo à La Nuit, l‘hebdomadaire digital qui a publié avant-hier son numéro 3. Un désir affiché : réveiller l’étonnement. Un principe : il y a un monde des femmes et des hommes vivants. Une conviction : la culture est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux gens cultivés. La profession de foi de ce « journal de voyages dans les émotions du temps présent » : assumer son rôle critique vis à vis de tout ce qui nous gouverne, et pas seulement les politiques : les peurs, la colère, les rancœurs par exemple. Dans La Nuit vous ne trouverez pas de distribution d’étoiles mais de la diversité, de l’émotion, du partage, des découvertes qui viennent de loin, comme ces sons signés King Ayisoba du Ghana, Dengue Dengue Dengue du Pérou , Tamer Abu Ghazaleh d’Égypte, Aryana d’Afghanistan, Favela Trap du Brésil et Buraka Som Sistema du Portugal.

J’ai choisi de m’abonner à La Nuit, d’autant que son parti-pris – zéro publicité – est selon moi – comme c’est le cas de Médiapart – un vrai gage d’indépendance. Un euro par semaine pour un journal de 100 à 150 pages qui donne à écouter, voir, lire, réfléchir, s’émouvoir et partager avec le monde entier, avouez que ça n’est pas le bout du monde.

Livres de ma vie / Marsiho #4

Jamais lu un seul texte qui décrive avec telle force et une telle beauté ce que je ressens depuis toujours lorsque je monte à Notre-Dame-de-la-Garde. Surtout les jours de mistral. André Suarès tient ici avec finesse la barre de ce navire qui trône au-dessus de la ville. La Bonne-Mère de tous les Marseillais.

AndréSuares

« … Par un matin de pierre dure, au temps de Pâques, entre avril et mars, si tu peux rester debout sur le balcon de Notre-Dame-de-la-Garde, quand souffle le mistral et que l’équinoxe joue à la balle avec les bateaux sur la mer, tu fais, sans quitter le roc, la traversée de la tempête la plus sèche qui soit au monde.

Regarde Marseille sortir du sommeil, secouer la première paresse qui suit le réveil, et se ruer à la vie de nouveau. Tiens-toi ferme à la rampe. Tu es sur le pont du plus haut bord entre tous les navires ; tu n’as peut-être pas ton bon sens, si tu te crois à l’ancre. Le ciel craque. La grande haleine éparpille le soleil en poudre d’or : elle vibre ; jamais elle n’est tarie, jamais elle ne retombe : elle se tisse elle-même en rayons qui dansent. Et les trombes blanches de la poussière se poursuivent dans les rues et les chemins, comme si la terre secouait sa farine. L’air blanc est de pierre ; de pierre blanche, la ville. Au loin les Acoules en pierre rose ont un air de lauriers en fleurs ; et tout est pris dans l’étau de la mâchoire en pierre bleue du ciel et de la mer.

Notre-Dame-de-la-Garde est un mât ; elle oscille sur sa quille. Elle va prendre son vol, la basilique, avec la Vierge qui lui sert de huppe. Quelle masse solide résiste au mistral ? Il n’est pas de vent plus maître que celui-là. Et le mistral lui-même, à Notre-Dame-de-la-Garde, n’a d’égal que le mistral sur le pont d’Avignon, sur le Plan des Baux et sur la mer ferme de Camargue… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffitte

Michel, c’est mon boucher

Plus de quarante ans qu’il fait le boucher, Michel Apéçaréna. Bavard, observateur et blagueur. Amoureux de son métier. Ouvert à la discussion. En plus, il est passionné de randonnée en montagne et en parle avec bonheur. Lorsque je suis sorti de la chambrte froide après la première partie de l’interview, m’est revenue à la mémoire ce tableau de Chaïm Soutine peint vers 1925.

Boeuf écorché.

boeufsoutine

Cloches et Muezzin

Réveillé par les cloches de l’église Saint-Vincent. Elles m’ont aussitôt transporté à Ndianda, village de la communuté rurale de Nguenienne, à 80 kilomètres au sud de Dakar. Y cohabitent en paix église et mosquée. Chrétiens et musulmans s’y respectent. À Joal, où naquit le père de l’indépendance du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, le cimetière est mixte. J’ai choisi ce collage de Corinne Attali pour illustrer ce métissage et ce partage dans le respect de la différence. Valeurs bien trop souvent délaissées dans notre vieille France…

métissage

@ Corinne Attali

Livres de ma vie / Marsiho #3

Toujours été attiré par les langues du monde, depuis tout petit. Grands pères zurichois et corse, grand-mère anglaise et suisse romande, l’autre provençale. Jamais échappé à l’appel des sangs mêlés. Mon premier cours d’allemand reste comme l’un des plus beaux souvenirs de ma vie. Une vie passée à l’ombre de la langue provençale, hélas. Ma grand-mère maternelle le parlait pourtant au village. Là où petite on la punissait à l’école lorsqu’elle l’utilisait. Là où je l’entends encore raconter ses matinées avec sa copine Clara, sur le banc près de la place. Le provençal, je le comprends s’il s’énonce sans vitesse. J’en aime les sonorités et la poésie. J’envie André Suarès de l’avoir côtoyé de près à Marseille. Où jamais au grand jamais, je ne l’ai entendu. Hélas…

 

AndréSuares

 

« … Le provençal qu’on parle à Marseille n’est pas tout à fait celui d’Arles ou d’Avignon. Encore moins le parler de la montagne : plus câlin que celui-ci, plus âpre que celui-là. Mistral le goûtait fort, le meilleur des juges. Les différences sont d’intonation et d’accent plus que dans les mots ; pourtant, une oreille exercée y est sensible. Les finales ne sont pas les mêmes à Marseille et dans la pure langue de Maillane. Le provençal de Marseille et de Gardanne a je ne sais quoi d’un peu plus dur, à la fois, et de plus chaud que celui du Rhône : il a un son plus antique. Les « I »  se glissent près des « S » et des « O », pour donner aux paroles un fil plus aigu, où il me semble reconnaître un reste de voix grecque. En vérité, de Foz et de Berre à Cassis, il ne faut jamais oublier la Grèce, si l’on veut comprendre le fond du pays. Le secret perdu se retrouve aux lèvres de Phocée. D’ailleurs, les femmes de la halle aux poissons et les jardinières de La Pomme ou de La Treille ont un mordant qui emporte le morceau. On jure et on prie, dans le provençal de Marseille, avec la même abondance et la même verdeur véhémente qu’en russe et en catalan… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffitte

Cuisine, radio et Galliano

Une matinée aux fourneaux en écoutant la radio. Découvert les Quatre Saisons de Vivaldi par Richard Galliano. L’Estate. Antonio à l’accordéon et l’accordina. Bravo. Chez Deutsche Gramophon s’il vous plaît. Bravissimo.

Galliano et Vivaldi, c’est aussi ici avec de l’image en plus du son

Livres de ma vie / Marsiho #2

J’ai passé les deux premières années de ma vie dans le quartier du Panier, rue des Belles Écuelles. Non loin de la place des Moulins, en haut, et de la place Sadi Carnot, en bas. Parmi mes souvenirs marquants, il y a un coup de feu. Le meurtre d’un homme, un matin, juste en bas de l’immeuble. Il gisait en plein soleil. La tête ensanglantée, il était affalé dans le caniveau. Ce souvenir est en fait le récit que mes parents m’ont fait de cette scène. Depuis, la place et le meurtre exercent sur moi une étrange fascination. J’aime les décrire, les raconter. Places et meurtres peuplent certaines de mes nouvelles. Ce splendide extrait de Marsiho d’André Suarès sonne comme un écho puissant et singulier à cet attrait né sans aucun doute un matin de 1955 ou 1956 dans une rue de Marseille.

AndréSuares

« … Sous le ciel d’azur, rire éclatant, il y a dix coins marqués pour le meurtre. Ce sont des places régulières, des trapèzes biscornus qui s’espacent au soleil entre deux ou trois pâtés de grosses maisons. Terrains vagues, lieux de démolitions, ils semblent piqués de décombres, jalonnés pour le crime et lotis au guet-apens. Les pavots du sang doivent pousser sur ces champs arides : ils attendent la saison.

Que le ciel est heureux qui les illumine, qu’il laisse tomber de haut le miel de la lumière sur ces dartres galeuses de la peau d’une ville ! Rien ne ressemble moins au coupegorges des ruelles sinistres, dans les vieilles cités à l’ombre des cathédrales. Ici, tout se fait en plein soleil. Quelle merveille dans une ville où comme partout, le style moderne commande l’hypocrisie et la lâcheté.

Au beau milieu de la cité, dans le centre de la ruche, là où grouille la foule, les carrefours prédestinés haussent une large épaule, étirent leurs membres de plâtre gris, et dressent leurs bosses de terre battue. Tantôt plus couverte de gens qu’une charogne de vermine et tantôt déserte comme un cimetière à minuit, la place est un champ clos.

J’en sais une, les lignes courbes, la rue qui fuit, les ruelles qui s’amorcent en serpents et en scorpions, mes murs aveugles d’une part, des murailles trouées en écumoire, de l’autre, tout y appelle le meurtre… »

Copyright @ Editions Jeanna Laffite

Quitter Marseille / Je dois m’en aller

Quitter Marseille hier-matin avec Zoé et Marius, mes minots. Vacances terminées. Savoir que nous y reviendrons ensemble cet été. Par ici la sortie. Autoroute du littoral. Elle surplombe le domaine portuaire. Après le tunnel du Rove, ce n’est déjà plus Marseille. Pendant que je conduisais, ma fille a pris ces photos. Je les trouve belles. Ensuite, nous avons roulé longtemps en écoutant la musique qu’ils aiment – Avicii, Beyoncé, Sidney Housen, Porcelain Black, entre autres – sur des radios que je n’écoute jamais, NRJ, Skyrock. Je crois bien qu’ils ont apprécié aussi Niagara…

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La réapparition du mélodica

Il m’a fait de la peine ce vieil homme monté dans le tramway pour faire la manche en soufflant dans son mélodica rouge et blanc. Indifférent aux regards des passagers qui l’entouraient, il semblait au-delà du désir d’aumône. Perché sur ses tristes notes comme un naufragé s’accroche à une maigre bouée. Je suis descendu à l’arrêt suivant. Lui a continué. Plus tard, je me suis souvenu d’un copain d’enfance qui jouait du mélodica. Et puis j’ai découvert que ce fut aussi l’instrument fétiche d’Augustus Pablo, musicien et producteur de reggae et de dub jamaïcain. Écoutez-le en concert en 1986, jouer Java.

Plus d’info sur Augustus Pablo, c’est par ici.

 

Livres de ma vie / Marsiho #1

J’inaugure aujourd’hui une série dédiée aux livres de ma vie, inspiré que je suis par la série histoire de mes livres de François Bon. Aucun parti pris chronologique ici non plus. Aucun projet critique. Juste le désir de partager des extraits et de raviver la fugace mémoire de l’instant premier, l’instant où le texte m’enveloppe soudain de sa grâce et ne me quitte plus. Parmi ces livres, Marsiho se détache en lettres de soleil. Je l’ai découvert et lu d’un seul trait l’an passé. C’était dans l’avion qui me menait retrouver ma fille aînée Noémie à Shanghai. André Suarès a écrit cet hymne à notre ville natale. D’un autre siècle, le Monsieur – né en 1868 – mais d’une plume si poétique et si puissante que depuis, Marsiho m’accompagne partout où je lance mes pas. En commençant par le commencement, le Vieux Port, loin des clichés qui m’exaspèrent.

AndréSuares

« … Ô foule innocente et abjecte, foule de tous les visages, foule vraie comme nulle part ailleurs ; foule non pas venue ici au seul rendez-vous du plaisir et des noces, mais poussée par le fatal exil et la rencontre fatale des ancres qui mouillent, des voyages qui commencent, toujours si jeunes, et des voyages qui finissent, toujours plus sombres et si vieillis ; des navires qui larguent les amarres, des paquebots qui accostent ; de la mer qui vomit les passagers et tous ses hôtes éphémères, tous les parasites d’un jour, sur le plancher solide de la terre.

Foule qui roule entre Joliette et le Vieux Port, confluent des départs. Notre-Dame de la Garde n’est qu’une balise. La Bonne Mère est toujours la bouée des bouées pour les marins toujours en partance. Départ, l’un des plus beaux mots qui soient, des plus riches en douleurs, en désirs, en délires.

J’ai vu bien des ports : les uns proclament la richesse et le commerce, comme Londres l’empire de la marchandise, de l’échange et de la banque ; d’autres affirment le travail ; d’autres l’entrepôt et la nourriture : d’autres encore le refuge. Ou le rejet de la misère humaine : il n’est point de port qui sonne le départ à l’égal de Marseille. Il pénètre au coeur de la cité ; il vient chercher l’homme au pied du lit, au saut du train. Tout y parle de départ, tout s’y précipite. Et d’autant plus que les rayons concentriques de la ville pullulent d’un peuple sédentaire : il semble ancré pour jamais dans la joie d’être où il est et le plaisir d’y vivre.

Au milieu de ce corps voluptueux, la bouillante matrice de tous les départs grouille d’êtres humains qui ne sont plus que des voyageurs et qui paraissent tous courir des gares aux grands navires, de la terre lourde et compacte à la vapeur légère et à la mouvante ondulation des ports… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffitte

 

Exigeante, la moiselle des Calanques

Croisée l’autre après-midi la demoiselle. Timide. Peu locace à son atterrissage en bord de mer. Mais ses yeux parlaient pour elle après ce bel et bref survol en parapente du Massif des Calanques. Son tout premier ici.parapente1

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L’eau donne le tempo

Surpris par la pluie nous avons été hier-soir. Une de ces pluies qui ravive les souvenirs d’hiver mais dont le tempo sur la terrasse donne envie de battre la mesure d’une danse enfantine. Me suis souvenu alors de l’étonnant moment de radio proposé fin janvier par Thomas Baumgartner dans son Atelier de la création sur France Culture. Il recevait ce jour-là le pianiste Andy Emler et son Steinway. Écoutez. Magique.

L’intégralité de l’émission s’écoute par ici.

Octobre rouge #intégral

Octobre rouge

Plus que trois minutes, Monsieur Arthur !

Le milicien qui nous surveille depuis le crépuscule tient les comptes à jour.

Sablier en main, il semble guetter avec fébrilité l’instant “ T “.

La fraction de seconde où le dernier grain rejoindra la meute au fond du cône en verre et sonnera le glas de nos retrouvailles.

Toi mon coeur, tu as installé en douceur ton nid au creux de mon cou, contre ma clavicule.

Mon épaule épouvantée par le compte à rebours, tu l’as tapissée de ton crâne aux cheveux chauds.

En sourdine, je claque déjà des dents. Tu souris comme à chacune de mes mimiques.

Tu n’as remarqué ni les menottes ni les armes. Tant mieux, je me dis. Tant mieux.

 

Il me revient le temps des premiers étonnements.

Après ta nuit ou juste derrière ta sieste, tu écarquillais tes billes comme une assoiffée de monde.

De tes bras et de tes pieds, tu inventais ton rythme, tu créais ton propre espace.

J’avais du mal à suivre mais je t’encourageais. Je t’applaudissais.

Bravo mon amour, je te murmurais dans le cou et contre les joues.

Pour que tu frissonnes. Et tu frissonnais en éclatant de rire.

 

Pendant toutes ces années-là, nous n’avons presque fait qu’un, ma belle.

Malgré les longues heures où mes rondes nourricières m’éloignaient de tes babillements.

A peine accouchée, ta mère s’était mise hors circuit dans l’exil au Brésil.

Sans un mot, sans prévenir.

Au fil du temps, tu avais fini par accepter de ne la connaître jamais.

 

Et puis a sonné l’heure de notre cavale.

Elle s’est enclenchée lorsqu’ils ont inventé la riposte suprême.

L’implacable réplique qui cloue le bec.

L’arme absolue qui dévaste pour la vie.

Automatiquement privé d’enfant. Tarif applicable à chaque “parasite”. C’est ainsi qu’ils nous nommaient, nous, les dépossédés de

tout. Les damnés de la croissance. Les exclus des agapes boursières. Les désespérés de la rentabilité.

“Le bagne moderne, ça va les faire réflêchir”, ils disaient à la radio.

Les télés reprenaient. Les journaux relayaient. Sans sourciller. Titres larges et papiers grassouillets.

Toi, tu ne savais pas encore lire l’alphabet.

 

Dès lors, je t’ai emmenée partout.

Dans les campagnes et dans les ports.

Bien à l’abri des remous et des sursauts.

A chaque fois loin de Marseille.

Décidé à t’épargner les tracas de la traque.

Soucieux de t’éviter le remue-ménage quotidien des déménagements.

A chaque jour, un programme sur mesure.

Point d’école, point de discipline, point de règle ni de cahier. Juste quelques grappes de jeux et d’exercices pour que tu apprennes

à grignoter la vie, à cheminer à ton allure, de tes petits pas de poupée.

Tu en redemandais.

Tu étais ma reine hilare et sereine, ma bobine de coton doux, ma pêche de vigne, mon joli scoubidou.

 

A la fonte de mes ultimes économies, j’ai commencé à multiplier les randonnées nocturnes.

A la recherche de quelque liasse embusquée dans les beaux quartiers. La dîme révolutionnaire, j’appelais ça.

Papa va prendre l’air en cyclo, je te disais, sac au dos et casque au poing. Il fait trop froid et trop noir pour te chaler.

Toi, tu comprenais.

Tu patientais au creux de ta couette et je te retrouvais anéantie de sommeil, le front reposé et les yeux dédiés à tes rêves.

A peine éclairée par la timide veilleuse que je t’avais laissée. On ne sait jamais.

 

Une nuit, j’ai bien cru qu’ils t’avaient enlevée.

Personne dans le lit.

Rien qu’un mot déposé près de l’oreiller : « Adieu, Arthur ! Surtout, ne perdez pas de temps à tenter de la rechercher. Votre fille est déjà loin, très loin. »

Anéanti, il m’a fallu passer la tête sous le robinet de l’évier pour réaliser que je venais de cauchemarder.

Trop d’alcool dans les veines.

Je m’étais affalé sur le canapé de la cuisine à peine franchie la porte d’entrée. Ivre mort.

Toi, tu n’avais pas cassé ta nuit d’un millimètre, mon ange.

Les bras en croix et les poings serrés, tu dormais profond, à peine agitée de ci de là par quelque songe.

Ce rêve mauvais m’a propulsé vers la peur violente de te perdre.

Mes esprits retrouvés, j’ai décidé de ne plus t’abandonner.

Je t’ai emmenée à chacune de mes virées.

 

Tu as donc commencé toute jeune à m’accompagner dans mes expéditions au pays des cuillères d’argent et des leçons d’équitation.

Ensemble, nous en avons remué des gentilhommières, visité des villas, escaladé des façades de palaces !

Lampe de poche en main, tu as vite appris à m’emboîter le pas, mon bijou.

A me prévenir par petits jets de lumière lorsque l’inquiétude te pinçait la joue.

A chaque fois, je venais te rassurer d’un clin d’oeil et d’un bisou et je repartais un peu plus loin, le sac en bandoulière, en quête de monnaie ou de trésor à négocier.

 

Peu à peu, nous sommes devenus somnambules. Mi chouettes, mi Belphégor.

Tu n’as plus fermé l’oeil avant les premiers rayons de soleil.

Nous avons vécu à contre-sens du reste du monde. Reclus dans le sommeil la journée, en éveil et en vadrouille le reste du temps.

Jusqu’au jour où tu m’as parlé de Marseille. Pour la première fois.

Tu voulais découvrir ta ville natale d’où j’avais dû t’arracher pour survivre à tes côtés.

Marseille, c’est impossible mon trésor. Trop dangereux, je t’ai expliqué. Demande-moi l’Amérique, l’Inde ou la Patagonie, mais pas Marseille.

Trop tôt, tu sais ? Il te faudra encore patienter.

Tu n’as pas insisté, mais tu t’es mise à m’ignorer non stop. Toute la sainte journée.

Indifférente à la moindre caresse, insensible au moindre mot gentil.

J’avais beau tenter de te dérouter de ton entêtement, je me heurtais à ta moue de tortue, à la transparence de tes yeux tristes.

Ce silence autiste m’est vite devenu intolérable.

En trois jours, il m’a fait basculer de l’autre côté et nous sommes rentrés.

Le lendemain du retour au quartier, les journaux titraient gros sur une rafle dans notre planque dorée sur la Côte.

Quelques heures de plus là-bas et nous serions tombés dans les rets de ces faces de rats.

 

A Marseille, tu as retrouvé un rythme plus rond, plus doux.

Finies les échappées nocturnes. Au placard les semelles de crêpe. Entre parenthèses les montées d’adrénaline.

Le portefeuille bien plein, je me suis déniché un pointu. Bleu ciel et blanc.

Nos semaines, nous les avons passées en mer, à caboter de crique en crique, de calanque en calanque.

Un été de rêve, à peine troublé par quelques journées de gros mistral. Pointu à quai et orgies de ciné.

 

Lorsque l’automne a poussé son souffle tiède sur la ville, tu m’as réclamé l’école. La grande école.

Celle aux cartables qui scient les épaules.

L’école des bons points et des récitations.

Tu a commencé aussi à vouloir un petit frère.

Tu t’es imaginée le rencontrer dans cette cour que tu me désignais avec gourmandise chaque fois que nous remontions de la mer.

J’ai résisté une semaine. Je t’ai couverte de jouets pour tenter de te distraire de ton projet.

Toi, tu as tenu bon, accrochée à ton idée, sans jamais renoncer.

Au fil des jours, tu t’es même hasardée à grimper sur le rebord des fenêtres de l’école, en imitant les élèves en train de compter à

voix haute ou de colorier leurs frises en silence.

Alors, j’ai craqué et je t’ai inscrite. Je ne me le suis pas pardonné.

 

Dès l’instant où tu as franchi le portail de cette communale, j’ai senti mes cellules se gorger de vide, ma peau se racornir, ma voix se rabougrir.

Il m’a fallu passer de longues heures face à la mer pour commencer à accepter le pas de deux esquissé par ton essor et par ma

chute.

Les premiers jours, j’ai bien failli venir te chercher en pleine classe.

J’ai renoncé à la tentation de nous rapter vers je ne sais quel pays où la vie aurait pu se redessiner comme avant.

J’ai résisté mais hélas, je ne me suis pas assez méfié.

Quelqu’un m’a dénoncé, je crois. Va savoir pourquoi.

Hier soir, devant l’école, un milicien en civil a attendu que tu sautes dans mes bras pour me faire signe de surtout rester bien sage.

Je l’ai suivi sans sourciller et nous avons atterri dans cette pièce humide où de la nuit, tu ne m’as pas lâché d’un millimètre.

– C’est fini, Monsieur Arthur ! Allez !

Face au sablier, j’ai beau agiter la tête en signe de refus, tu as beau hurler “mon papa, mon papa !” en t’aggripant à ma chemise

blanche, rien n’est plus fort que ce soldat qui nous arrache l’un à l’autre et te baillonne.

Vite, tu t’éloignes de bras en bras vers la porte d’entrée. Très vite même.

Tant mieux, je me dis, tant mieux…

 

A peine le temps de capter le claquement du chargeur et tu as disparu dans le fracas rougeoyant de ce matin d’octobre.

 

Laura et Simon, veilleurs de calanques

Ils viennent tout juste d’être recrutés par le Parc National des Calanques. Pour la saison. Laura et Simon ont débuté en beauté. Beaucoup de monde hier sur le sentier entre Callelongue et la calanque Marseilleveyre. L’une des plus belles balades entre Massif et mer. L’une de celles qui permettent de se rapprocher du ressac et d’oser y plonger. Même si l’eau est encore un peu froide.

sentier

Suivre les traces du GR

Mounine

Surplomber la calanque de la Mounine

inscriptions

Pour toujours

lebain

Le bain et les ricochets avec Marius

loubateu

Planier, tout là-bas.

 

 

Octobre rouge #16

Octobre rouge

– C’est fini, Monsieur Arthur ! Allez !

Face au sablier, j’ai beau agiter la tête en signe de refus, tu as beau hurler “ mon papa, mon papa ! ” en t’agrippant à ma chemise

blanche, rien n’est plus fort que ce soldat qui nous arrache l’un à l’autre et te bâillonne.

Vite, tu t’éloignes de bras en bras vers la porte d’entrée.

Très vite même.

Tant mieux, je me dis, tant mieux…

 

A peine le temps de capter le claquement du chargeur et tu as disparu dans le fracas rougeoyant de ce matin d’octobre.

(fin)

Octobre rouge #15

Octobre rouge

Dès l’instant où tu as franchi le portail de cette communale, j’ai senti mes cellules se gorger de vide, ma peau se racornir, ma voix se rabougrir.

Il m’a fallu passer de longues heures face à la mer pour commencer à accepter le pas de deux esquissé par ton essor et par ma chute.

Les premiers jours, j’ai bien failli venir te chercher en pleine classe.

J’ai renoncé à la tentation de nous rapter vers je ne sais quel pays où la vie aurait pu se redessiner comme avant.

J’ai résisté mais hélas, je ne me suis pas assez méfié.

Quelqu’un m’a dénoncé, je crois. Va savoir pourquoi.

Hier soir, devant l’école, un milicien en civil a attendu que tu sautes dans mes bras pour me faire signe de surtout rester bien sage.

Je l’ai suivi sans sourciller et nous avons atterri dans cette pièce humide où de la nuit, tu ne m’as pas lâché d’un millimètre.

(à suivre)

Conter les étoiles du ciel et leur musique

Que de nuages en rentrant à la maison hier-soir ! Du coup, besoin de m’en aller au-delà. D’aller chercher de l’air du côté des étoiles. Me suis souvenu de Jean-Pierre Sivan , rencontré à Marseille il y a quelques années. Il dirigeait alors l’Observatoire astronomique Marseille-Provence et de l’Observatoire de Haute-Provence. Moussu Sivan m’avait raconté les étoiles en Provençal, notamment la Grande Ourse.

Je me suis aussi rappelé cette belle et passionnante émission de la WebRadio Phaune, consacrée à la musique des étoiles.

nuietoileerhone

Nuit étoilée sur le Rhône, tableau de Vincent Van Gogh.

 

 

Chant Grégorien et Internationale

https://soundcloud.com/ericschulthess/chants-gregoriens

Envie d’écouter du chant grégorien ce matin. Et puis l’Internationale. La version de l’Académie de Chant Populaire de Marseille. Mescle du jour.

Octobre rouge #14

Octobre rouge

J’ai résisté une semaine.

Je t’ai couverte de jouets pour tenter de te distraire de ton projet.

Toi, tu as tenu bon, accrochée à ton idée, sans jamais renoncer.

Au fil des jours, tu t’es même hasardée à grimper sur le rebord des fenêtres de l’école, en imitant les élèves en train de compter à voix haute ou de colorier leurs frises en silence.

Alors, j’ai craqué et je t’ai inscrite. Je ne me le suis pas pardonné.

(à suivre)

Octobre rouge #13

Octobre rouge

Lorsque l’automne a poussé son souffle tiède sur la ville, tu m’as réclamé l’école.

La grande école.

Celle aux cartables qui scient les épaules.

L’école des bons points et des récitations.

Tu a commencé aussi à vouloir un petit frère.

Tu t’es imaginée le rencontrer dans cette cour que tu me désignais avec gourmandise chaque fois que nous remontions de la mer.

(à suivre)

Richard Bohringer, Marseille et Izzo

Retrouvé cette interview de Richard Bohringer au creux de mes archives sonores,  bien au chaud. Elle date de 8 ans. Me suis laissé happer par l’attrait de ces sons qui attendaient une seconde vie et qui m’ont fait de l’oeil sans que je sache trop pourquoi. Rencontre d’autant plus belle que Bohringer n’oublie ni Marseille ni Jean-Claude Izzo.

 

Octobre rouge #12

Octobre rouge

Le lendemain du retour au quartier, les journaux titraient gros sur une rafle dans notre planque dorée sur la Côte.

Quelques heures de plus là-bas et nous serions tombés dans les rets de ces faces de rats.

À Marseille, tu as retrouvé un rythme plus rond, plus doux.

Finies les échappées nocturnes.

Au placard les semelles de crêpe.

Entre parenthèses les montées d’adrénaline.

Le portefeuille bien plein, je me suis déniché un pointu. Bleu ciel et blanc.

Nos semaines, nous les avons passées en mer, à caboter de crique en crique, de calanque en calanque.

Un été de rêve, à peine troublé par quelques journées de gros mistral.

Pointu à quai et orgies de ciné.

(à suivre)

Aubin – Mazmanian, un amour de concert au PIC de l’Estaque

Accompagné de Nicolas Mazmanian au piano, Alain Aubin nous a offert une merveille de concert l’autre soir au PIC – Pôle Instrumental Contemporain – à l’Estaque Riaux, dans le 16ème arrondissement de Marseille. Merveilleux de découvrir les Canciones raffinées et poétiques du compositeur Carlos Guastavino, chantre le l’Argentine et ami des poètes. Servies par l’étonnante voix du contre ténor, elles  décrivent des scènes de la vie populaire de son pays. Alain Aubin et Nicolas Mazmanian ont également interprété des pièces inspirées par de grands poètes argentins ou hispaniques comme Rafael Alberti, León Benarós ou Luis Cernuda. Le final fut somptueux avec trois oeuvres d’Astor Piazzolla. La Balada para mi muerte – Alain Aubin chante aussi parfois avec un timbre très grave – m’a arraché les larmes.

Jardìn de amores existe aussi en CD. Plus d’infos, c’est par ici. Le graphisme de la pochette qui illustre le premier morceau de ce billet est signé Max Minniti.

Octobre rouge #11

Octobre rouge

Tu n’as pas insisté, mais tu t’es mise à m’ignorer non stop.

Toute la sainte journée.

Indifférente à la moindre caresse, insensible au moindre mot gentil.

J’avais beau tenter de te dérouter de ton entêtement, je me heurtais à ta moue de tortue, à la transparence de tes yeux tristes.

Ce silence autiste m’est vite devenu intolérable.

En trois jours, il m’a fait basculer de l’autre côté et nous sommes rentrés.

(à suivre)

Algériens de Marseille : y’a pas le choix ! Ce sera Bouteflika ou coup d’Etat…

Toutes et tous sont désabusés. Samedi-dernier à Marseille, c’est donc du bout des doigts qu’ils ont voté Bouteflika. Sans illusions. Un vote par défaut. Toutes et tous minés par la peur du retour des années noires dans leur pays. Alors que les Algériens de là-bas votent ce jeudi, mon ami Yassine Bouzar propose cet après-midi sur France Culture un documentaire réalisé par Rafik Zenine consacré à cette jeunesse algérienne héritière des « 50 ans de farce » que vient de vivre l’Algérie. Le titre est évocateur : « Algérie, rire sur ordonnance ». En voici un extrait.

https://soundcloud.com/yassinebouzar/extrait-du-documentaire-alg

L’intégral du documentaire est à découvrir cet après-midi à 17 heures dans l’émission Sur les Docks.

 

Émile, 18 ans, à vélo au Mont Ventoux

Presque au coucher du soleil lundi-soir. Après avoir quitté les comédiens de Base Art Compagnie, pas résisté à l’appel du Géant de Provence, escaladé à vélo il y a près de 10 ans en compagnie d’un ami. Cette fois-ci en voiture. Mais les trois derniers kilomètres, à pied. Au sommet, un vent assez fort et assez frais. Plus personne, sauf un Monsieur de Bruxelles qui attend son fils Émile, passionné de vélo. Fierté partagée dans la lumière dorée.

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Pas pu m’empêcher de penser au Mont Fuji

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Entendu les oiseaux

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Taisez-vous !

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Au Mémorial Tom Simpson

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Thanks Tom

ventoux8Déclaration

ventoux9Me suis souvenu de Pantani

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Marcher sur la lune

Octobre rouge #10

Octobre rouge

Peu à peu, nous sommes devenus somnambules.

Mi chouettes, mi Belphégor.

Tu n’as plus fermé l’oeil avant les premiers rayons de soleil.

Nous avons vécu à contre-sens du reste du monde.

Reclus dans le sommeil la journée, en éveil et en vadrouille le reste du temps.

Jusqu’au jour où tu m’as parlé de Marseille.

Pour la première fois.

Tu voulais découvrir ta ville natale d’où j’avais dû t’arracher pour survivre à tes côtés.

Marseille, c’est impossible mon trésor.

Trop dangereux, je t’ai expliqué.

Demande-moi l’Amérique, l’Inde ou la Patagonie, mais pas Marseille.

Trop tôt, tu sais ? Il te faudra encore patienter.

(à suivre)

Marseille rouge sangs monte en douceur vers le Festival d’Avignon #1

Émotion forte hier. Très forte même. J’ai assisté hier à Mazan dans le Vaucluse  à l’une des répétitions du spectacle que la troupe Base Art Compagnie a choisi de créer à partir de 4 des 13 nouvelles noires de mon recueil Marseille rouge sangs publié l’an passé aux Éditions Parole. Laure Bruno, Paul Bruno et Frédéric Chiron répètent dans une petite salle superbe aux murs de pierre sise sur une aile de leur ferme. Ils l’ont aménagée exprès pour travailler et donner leurs spectacles aussi parfois. Émotion forte car je n’avais jamais osé imaginer que les personnages de mes nouvelles puissent un jour être incarnés, vivants, parlants, criants même parfois là sous mes yeux et bientôt devant ceux d’autres gens. Magie du théâtre. Accoucheur d’humanité. Fierté aussi, je l’avoue. Car ce spectacle, Base Art Compagnie le donnera cet été au Festival d’Avignon, dans le  cadre du OFF, du 19 au 27 juillet.

Allo, c’est le titre de la nouvelle dont vous venez d’entendre un court extrait. Laure dans le rôle de Maryse, Frédéric dans celui du client de la cafétéria où il rencontre Maryse… et Paul dans la peau du récitant. Prochainement, je donnerai à entendre les extraits des 3 autres scènes répétées par mes amis de Mazan : Du miel au bout des doigts, Andoni et Léa et L’affaire de ma vie.

Octobre rouge #9

Octobre rouge

Ce rêve mauvais m’a propulsé vers la peur violente de te perdre.

Mes esprits retrouvés, j’ai décidé de ne plus t’abandonner.

Je t’ai emmenée à chacune de mes virées.

Tu as donc commencé toute jeune à m’accompagner dans mes expéditions au pays des cuillères d’argent et des leçons d’équitation.

Ensemble, nous en avons remué des gentilhommières, visité des villas, escaladé des façades de palaces !

Lampe de poche en main, tu as vite appris à m’emboîter le pas, mon bijou.

A me prévenir par petits jets de lumière lorsque l’inquiétude te pinçait la joue.

A chaque fois, je venais te rassurer d’un clin d’oeil et d’un bisou et je repartais un peu plus loin, le sac en bandoulière, en quête de monnaie ou de trésor à négocier.

(à suivre)

Octobre rouge #8

Octobre rouge

Anéanti, il m’a fallu passer la tête sous le robinet de l’évier pour réaliser que je venais de cauchemarder.

Trop d’alcool dans les veines.

Je m’étais affalé sur le canapé de la cuisine à peine franchie la porte d’entrée.

Ivre mort.

Toi, tu n’avais pas cassé ta nuit d’un millimètre, mon ange.

Les bras en croix et les poings serrés, tu dormais profond, à peine agitée de ci de là par quelque songe.

(à suivre)

Paroles de Soupe aux Livres

Ce fut la 138ème Soupe aux Livres l’autre soir à Mouans-Sarthoux dans les Alpes-Maritimes. 138 veillées à l’ancienne organisées par Jean et Marie des Éditions Parole. À chacune d’entre elles viennent se lire, se réciter, se chanter ou même aussi parfois se slamer les textes de son choix. Ce qui en fait la réussite, c’est le plaisir de partager les mots écrits et puis le bol de soupe et le verre de vin à la mi-temps de la soirée. Pas loin de 80 personnes présentes l’autre soir dans l’une des salles du château de Mouans-Sarthoux où a lieu chaque année depuis plus d’un quart de siècle un Festival du Livre, organisé par l‘Office Mouansois Action Jeunesse et les Amis de la Médiathèque. La prochaine Soupe aux Livres aura lieu le 26 avril à La Palud-sur-Verdon dans les Alpes de Haute-Provence.

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Le monde à l’envers…

2.000 dans les rues de Marseille hier après-midi. Pas plus… Dans la deuxième ville de France. Colorée et assez joyeuse parfois la manif contre l’austérité, mais bon, à peine 2.000 personnes rassemblées en haut de la Canebière, j’ai trouvé que ça faisait un peu riquiqui. Je dois avoir beaucoup vieilli. Me souviens des manifs de ma jeunesse. Il restait encore beaucoup de monde aux Réformés lorsque la tête du cortège arrivait sur le Vieux-Port, tout en bas. Il paraît que nombreux sont ceux qui ont préféré monter manifester à Paris. Même dans les rangs de cette gauche-là, on a du mal à ne pas « tourner à l’envers », à échapper à la maladie du centralisme… Et puis hier, sur le Vieux Port, c’était le défilé de Carnaval…JC

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Octobre rouge #7

Octobre rouge

Une nuit, j’ai bien cru qu’ils t’avaient enlevée.

Personne dans le lit.

Rien qu’un mot déposé près de l’oreiller :

« Adieu, Arthur ! Surtout, ne perdez pas de temps à tenter de la rechercher. Votre fille est déjà loin, très loin. »

Anéanti, il m’a fallu passer la tête sous le robinet de l’évier pour réaliser que je venais de cauchemarder.

Trop d’alcool dans les veines.

Je m’étais affalé sur le canapé de la cuisine à peine franchie la porte d’entrée. Ivre mort.

(à suivre)

Le chant mystérieux des grenouilles et des crapauds dans mon quartier

Derrière ce portail rouillé au détour d’une rue de mon quartier, il y a un jardin. Au fond de ce jardin, sans doute une mare ou bien un bassin où la nuit, grenouilles et crapauds s’en donnent à coeur joie. Mystérieux chant que le chant de ces batraciens. Tout aussi mystérieux que les sons donnés à entendre hier par l’artiste sonore Thomas Tilly, invité de Thomas Baumgartner dans l’Atelier de la création sur France Culture.

Octobre rouge #6

Octobre rouge

A la fonte de mes ultimes économies, j’ai commencé à multiplier les randonnées nocturnes.

A la recherche de quelque liasse embusquée dans les beaux quartiers.

La dîme révolutionnaire, j’appelais ça.

Papa va prendre l’air en cyclo, je te disais, sac au dos et casque au poing.

Il fait trop froid et trop noir pour te chaler.

Toi, tu comprenais.

Tu patientais au creux de ta couette et je te retrouvais anéantie de sommeil, le front reposé et les yeux dédiés à tes rêves.

A peine éclairée par la timide veilleuse que je t’avais laissée.

(à suivre)

 

Octobre rouge #5

Octobre rouge

Dès lors, je t’ai emmenée partout. Dans les campagnes et dans les ports.

Bien à l’abri des remous et des sursauts.

A chaque fois loin de Marseille.

Décidé à t’épargner les tracas de la traque.

Soucieux de t’éviter le remue-ménage quotidien des déménagements.

A chaque jour, un programme sur mesure.

Point d’école, point de discipline, point de règle ni de cahier.

Juste quelques grappes de jeux et d’exercices pour que tu apprennes à grignoter la vie, à cheminer à ton allure, de tes petits pas de poupée.

Tu en redemandais.

Tu étais ma reine hilare et sereine, ma bobine de coton doux, ma pêche de vigne, mon joli scoubidou.

(à suivre)

Au Jardin Missak Manouchian

Il veille sur le port et pourtant il lui tourne le dos. Missak Manouchian. Le héros de l’Affiche rouge. J’ignore qui a eu l’idée de ne pas le tourner vers la mer. Cette mer qui vit tant et tant d’Arméniens – entre autres – débarquer un jour pour s’installer à Marseille. La statue du militant et résistant communiste trône dans un petit square qui depuis février 2010 surplombe le Vieux et le nouveau port de Marseille, ainsi que les bassins de la Joliette. Son visage est grave, empreint de tristesse, de courage et de fierté. C’est celui qu’il afficha devant les nazis venus l’arrêter, puis le torturer et le fusiller le 21 février 1944, ainsi que 22 de ses camarades des FTP-MOI (francs-tireurs et partisans – main d’oeuvre immigrée). Ce jardin est fréquenté par les oiseaux. Par quelques sans abri aussi parfois. Je le perçois comme un no man’s land entre le port tout en bas et le boulevard Charles Livon et sa circulation.  C’est un lieu de mémoire que viennent fleurir chaque année une ribambelle d’élus et de Marseillais d’origine arménienne. Je viens souvent m’y recueillir. Je n’oublie pas ceux qui donnèrent leur vie pour combattre contre la barbarie nazie.

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Après avoir salué Missak, je suis descendu vers la mer.

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Le clip « L’Affiche Rouge » de KH et les déserteurs, c’est par ici.

 

Marina, passion ballon

Descendre en ville en bus – à Marseille, d’où que l’on parte pour rejoindre le centre, on descend en ville –  et croiser Marina, 14 ans,  avec ses copains Ibrahim et Mohammed. Paquets de chips en main, maillots du Barça et de l’OM sur le dos. De retour de leur entraînement de ballon – ici, nous disons jouer au ballon plutôt que jouer au foot, aller au ballon plutôt qu’aller au stade – ils sont tous trois de bonne humeur.

BONNEVEINE

De retour au quartier, passé devant le stade  où s’entraînent les équipes du Sporting Club Montredon Bonneveine. Je me suis souvenu du magnifique portfolio de Patrick Artinian publié sur Mediapart : « Football tout terrain à Marseille » – hélas sans la moindre footballeuse – dont voici  l’une des 20 photos.

ART_Marseille00072_0© Patrick Artinian

Octobre rouge #4

Octobre rouge

L’arme absolue qui dévaste pour la vie.

Automatiquement privé d’enfant.

Tarif applicable à chaque “parasite”.

C’est ainsi qu’ils nous nommaient, nous, les dépossédés de tout.

Les damnés de la croissance. Les exclus des agapes boursières. Les désespérés de la rentabilité.

“Le bagne moderne, ça va les faire réfléchir”, ils disaient à la radio.

Les télés reprenaient. Les journaux relayaient. Sans sourciller.

Titres larges et papiers grassouillets.

Toi, tu ne savais pas encore lire l’alphabet.

(à suivre)

En bas, la cour d’école. En haut, le mimosa de mon Papa instituteur

Lointaines, mes années d’école. Et pourtant si proches. Ravivées hier-matin par les voix de ces minots dans leur cour en pied d’immeuble, juste avant d’entrer en classe. Me dire que ce son-là rythma la vie d’instituteur de mon père pendant des décennies qui filèrent aussi vite que disparaît le parfum des mimosas.

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Octobre rouge #3

Octobre rouge

Pendant toutes ces années-là, nous n’avons presque fait qu’un, ma belle.

Malgré les longues heures où mes rondes nourricières m’éloignaient de tes babillements.

A peine accouchée, ta mère s’était mise hors circuit dans l’exil au Brésil.

Sans un mot, sans prévenir.

Au fil du temps, tu avais fini par accepter de ne la connaître jamais.

Et puis a sonné l’heure de notre cavale.

Elle s’est enclenchée lorsqu’ils ont inventé la riposte suprême.

L’implacable réplique qui cloue le bec.

(à suivre)

Octobre rouge #2

Octobre rouge

Il me revient le temps des premiers étonnements.

Après ta nuit ou juste derrière ta sieste, tu écarquillais tes billes comme une assoiffée de monde.

De tes bras et de tes pieds, tu inventais ton rythme, tu créais ton propre espace.

J’avais du mal à suivre mais je t’encourageais. Je t’applaudissais.

Bravo mon amour, je te murmurais dans le cou et contre les joues.

Pour que tu frissonnes.

Et tu frissonnais en éclatant de rire.

(à suivre)

François Angelier : Interviewer James Ellroy est un vrai sport de combat

Au Festival Quais du Polar ce week-end à Lyon, j’ai assisté à un passionnant moment de radio. James Ellroy face à François Angelier. Le boss du roman noir américain interviewé par le subtil producteur de Mauvais genres, l’émission du samedi soir sur France Culture, dédiée aux « polars, mangas, comics, et autre littérature érotique et fantastique ». Il a finement mené sa barque le journaliste, entraîné sur les flots tumultueux et sulfureux où navigue le romancier américain, entre passion pour Beethoven, amour de Los Angeles sa ville natale, et foi inébranlable en la supériorité de son Amérique. Angelier a pris plaisir – et nous aussi – à faire émerger la parole du romancier, toujours aux aguets, pas trop cabotin, très nationaliste et conservateur, un peu barré par moments et fasciné depuis toujours par le langage de la presse à scandale.

L’émission enregistrée à Lyon sera diffusée au mois de mai prochain sur France Culture. La page de l’émission, c’est par ici.

James Ellroy est aussi sur Wikipédia.

Extorsion

Extorsion, son dernier roman vient d’être publié chez Rivages.

Octobre rouge #1

Octobre rouge

 

– Plus que trois minutes, Monsieur Arthur !

Le milicien qui nous surveille depuis le crépuscule tient les comptes à jour.

Sablier en main, il semble guetter avec fébrilité l’instant “ T “.

La fraction de seconde où le dernier grain rejoindra la meute au fond du cône en verre et sonnera le glas de nos retrouvailles.

Toi mon coeur, tu as installé en douceur ton nid au creux de mon cou, contre ma clavicule.

Mon épaule épouvantée par le compte à rebours, tu l’as tapissée de ton crâne aux cheveux chauds.

En sourdine, je claque déjà des dents.

Tu souris comme à chacune de mes mimiques.

Tu n’as remarqué ni les menottes ni les armes. Tant mieux, je me dis. Tant mieux.

(à suivre)

Ibrahim Maalouf chante Nougaro

Ce moment de grâce est un cadeau. Mathilde me l’a adressé depuis Orthez. Samedi-soir, elle y a assisté au concert d’Ibrahim Maalouf au Festival Jazz naturel, sur la scène de la Moutète. Émerveillée, elle en est ressortie. Le trompettiste virtuose s’est montré à la hauteur de son talent immense. Et à la fin du concert, il a donné à entendre cet hommage à Claude Nougaro. Pour la première fois de sa vie en public. Il a raconté que comme lui, le chanteur toulousain était devenu père de sa fille Cécile à l’âge de 30 ans.

Sa générosité et son humilité, Ibrahim Maalouf les a exprimées aussi en invitant les jeunes trompettistes de l’École de musique d’Orthez à le rejoindre sur scène pour interpréter à ses côtés True sorry, le morceau qu’il joua aux Victoires de la Musique en février dernier au Zénith de Paris.

Daeninckx à Quais du Polar : écrire, dénoncer, Ellroy, le FN et Marseille

Rencontre passionnante avec Didier Daeninckx hier au Festival Quais du Polar à Lyon. Paisible et généreux, l’auteur de romans noirs imprégnés si fortement de réalité sociale et politique. Celui qui fut ouvrier imprimeur et journaliste poursuit son chemin d’écrivain engagé, enquêteur et dénonciateur du négationnisme et du colonialisme, entre autres. Son encre noire est teintée du rouge des luttes et des combats pour la liberté et la justice sociale. Prix Goncourt de la nouvelle en 2012, Didier Daeninckx s’adresse aussi aux jeunes, aux enfants, à travers nombre de BD, comme la remarquable « Missak, l’enfant de l’Affiche rouge », conçue avec Laurent Corvaisier.

Missak

Générique de fin #intégral

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Lorsqu’à la fin du film, le générique jaune a entamé sa remontée vers le sommet de la télé, j’ai décidé de mettre mon plan à exécution sur l’heure. Surtout, ne plus tergiverser.

Fini les on verra plus tard, c’est pas le moment, je ne suis pas encore prêt.

Terminé les c’est trop risqué. Rideau sur les reculades.

New York, j’en rêvais depuis mon premier Scorcese, alors maintenant, il fallait oser.

Partir. Emigrer.

Dehors, la tempête se déchaînait.

 

En commençant à trier mes affaires, à choisir celles qui resteraient ici et celles qui gonfleraient mon sac, je me suis dit que s’en aller, c’était d’abord comme taguer une planisphère.

A grands coups de feutre noir y imprimer son dégoût, sa colère.

Remplir de graffitis le pays délaissé.

Tirer un trait sur quarante ans de vieille Europe et autant de Provence, de plus en plus odieuse avec ses frileux relents d’avant-guerre.

Plein écran, j’ai fixé la rue noire et mouillée à peine masquée par l’ascension des caractères et j’ai frissonné en imaginant que ma vie s’écrirait bientôt là-bas, dans cet univers de cinéma.

Un décor sans Méditerranée mais avec l’Océan.

J’y perdrais sans doute en chaleur et en lumière mais j’y gagnerais en aventure, en espace, en majesté.

A New York, l’eau est plus froide et plus grise qu’à Marseille me répète mon frère à chaque fois que nous feuilletons les magazines.

Je lui réponds qu’aujourd’hui, sans s’en rendre compte, Marseille file au delà du gris.

Elle se tourne le dos et se renie à force de laisser parler ceux qui n’ouvrent plus leurs bras.

Marseille expulse en catimini, Marseille grelotte, s’épaissit et noircit à vue d’oeil.

Sans une once de honte.

Comme si elle avait revêtu des habits taillés dans l’oubli, coupés façon faisceau alla francese.

 

Dans la poche intérieure gauche de l’une de mes vestes, j’ai déniché une photo de mon grand-père Paul à vingt quatre ans, en quête de seconde chance sur la Côte d’Azur.

Il pose avec sérieux sur fond de palmiers et de villas blanches.

Casquette ronde à la main, il fixe l’objectif d’un air timide et impatient comme s’il étouffait dans son costume de paysan.

Un matin, il avait lu une petite annonce proposant un emploi de métayer plutôt bien payé.

Le soir même, sans prévenir, il quittait Zürich par le train de nuit destination son nouveau monde à lui.

Dans une heure j’allais l’imiter, passer de l’autre côté du ciel et j’étais fier d’être de sa lignée.

 

Lorsque mon sac n’a plus accepté la moindre chaussette, je me suis occupé de mes papiers.

Passeport, carte de presse, permis de conduire, photos d’identité, tout était en règle, à portée de main dans mon tiroir bien rangé d’homme marié.

Le plus dur, ça serait tout à l’heure d’aller réveiller Aglaé et de lui dire je m’en vais.

Elle ne comprendrait pas pourquoi. Elle ne comprendrait jamais. Elle me traiterait de traître.

Pour l’instant, elle dormait dans la pièce d’à côté. Je l’entendais ronfloter.

Insupportable ronronnement qui valse d’un mur à l’autre dans notre chambre.

Aglaé s’endort si vite qu’elle me prend de court.

A chaque fois, je dois calquer ma respiration sur son souffle agité par ses premiers rêves.

Déboussolé, j’échoue dans le salon pour retrouver ma propre musique.

Il me faut une bonne heure pour sentir le sommeil s’enrouler à nouveau autour de mes paupières.

J’ai abandonné mon canapé et je me suis glissé sur la terrasse pour tenter de fermer les volets.

Malgré la tourmente, Marseille frémissait au rythme du tango qui montait du balcon d’en dessous. Raphaël Medeiros et son jeu de braise je crois.

Dans la seconde, New York s’est effacée. La plainte acide du bandonéon a chloroformé les gratte-ciel et les enseignes fluo des clubs de jazz.

Sur le panneau lumineux géant de l’aéroport, Buenos Aires clignotait déjà de son soleil d’or.

Je sais si peu de l’Argentine sinon que la fierté secoue le sang des danseurs. Ces couples qui tournent et s’éloignent sur les parquets et les pavés me parlent d’un bout de monde où les corps et les âmes n’ont presque jamais peur.

J’aime le port de tête du bailador macho, mélancolique et délicat.

Il ressemble au matador qui aurait égaré sa muleta et s’abandonne avec passion dans la caresse, de ses seuls yeux. Une main à la hanche, l’autre aimantée par le dos souple de celle qui se tend et tourne et s’offre au plaisir singulier de ne plus faire deux.

A Buenos Aires, les Tanguerias portent des noms d’enfant, de femme ou d’artiste. Caminito, La Ventana, Michelangelo

J’aime la langue qui s’y enroule autour des dents et des palais comme un dessert secret. Un espagnol tantôt sucré, tantôt salé.

Un tango con cortes y quebradas del mas puro estilo de la guardia vieja…

 

Envie d’un dernier jus d’orange avant de vérifier encore une fois que je n’oublie rien.

Dans le salon, sur le rebord de la cheminée, m’apparaît le livre que je ne cherchais plus tant je croyais l’avoir perdu dans je ne sais quel déménagement.

“Le néant quotidien” de Zoé Valdés, petite soeur cubaine.

Il y a du Zeus dans cette écrivaine-là. La foudre est son style, teinté de vague à l’âme et de sensualité.

Ce livre me révéla la violence d’une existence de routine étriquée par l’embargo.

L’idéal révolutionnaire du Che assommé à petit feu.

Le poids de slogans ressassés comme des comptines usées jusqu’à la ixième génération de barbudos.

Et puis le sexe à fleur de mots pour sans cesse affirmer sa liberté envers et contre tous.

Les amours pitoyables et admirables d’une jeunesse havanaise promise à l’anesthésie du dollar.

Zoé. Le prénom de ma grand-mère.

Celle qui n’émigra jamais plus loin que de son village à Marseille.

Cent dix kilomètres sur les ailes d’une calèche pour tomber chez des riches et suer sa vie durant comme bonniche.

Ces histoires du coeur de l’Amérique lui auraient écarquillé les yeux.

Malgré l’absence de Dieu et la moiteur des tropiques, je suis sûr qu’elle ne se serait pas sentie étrangère à ces femmes cent fois brisées et cent fois ressuscitées.

Zoé, c’est promis, votre livre je ne le quitterai plus.

Je l’emporte avec moi et pourquoi pas à Cuba.

 

Je n’ai pas réveillé Aglaé.

A quoi bon se déchirer alors que la vie pour chacun s’effiloche ?

J’ai seulement scotché un mot sur la porte de la chambre : “Je pars loin sans billet-retour. Ne m’en veux pas. Vive la vie”.

La tempête m’a cueilli dans la rue, à quelques pas du taxi jaune.

Les immeubles craquaient comme d’immenses cercueils.

Une détonation du diable a secoué la ville et j’ai reçu un bac de géraniums sur la tête.

Avant que mon cerveau n’explose, je me suis demandé si les fleurs étaient rouges et si j’avais bien éteint la télé.

 

Chez Paul, le roi du Bouchon

Jamais mis les pieds dans un Bouchon lyonnais. Depuis hier-soir je ne pourrai plus le dire. De la régalade. Sept saladiers d’entrées, quenelle au brochet d’un autre monde, Saint-Marcellin et compote de pommes maison. Sans parler du Communard à l’apéro – Brouilly et crème de Cassis – qui annonçait une soirée très conviviale, menée de main de maître par Stéphane et Mathieu au service.

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En plus, la décoration est superbe, riche en photos anciennes et cartes postales. J’ai même croisé des gabians. À Lyon, ils appellent ça des mouettes 🙂

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Générique de fin #11

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Je n’ai pas réveillé Aglaé.

A quoi bon se déchirer alors que la vie pour chacun s’effiloche ?

J’ai seulement scotché un mot sur la porte de la chambre : “Je pars loin sans billet-retour. Ne m’en veux pas. Vive la vie”.

La tempête m’a cueilli dans la rue, à quelques pas du taxi jaune.

Les immeubles craquaient comme d’immenses cercueils.

Une détonation du diable a secoué la ville et j’ai reçu un bac de géraniums sur la tête.

Avant que mon cerveau n’explose, je me suis demandé si les fleurs étaient rouges et si j’avais bien éteint la télé.

Jour de pluie et de travaux

Le retour du Jeudi pluvieux. Jeudi de chantier. En bas dans la maison. Cette maison où nous habitons et qui se transforme. Il sera achevé mi-mai. Pour ce qui est de la maison France, je crains que le chantier dure bien plus longtemps et que nous devions sans tarder changer d’artisans… Pour changer vraiment.

Générique de fin #10

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Zoé. Le prénom de ma grand-mère.

Celle qui n’émigra jamais plus loin que de son village à Marseille.

Cent dix kilomètres sur les ailes d’une calèche pour tomber chez des riches et suer sa vie durant comme bonniche.

Ces histoires du coeur de l’Amérique lui auraient écarquillé les yeux.

Malgré l’absence de Dieu et la moiteur des tropiques, je suis sûr qu’elle ne se serait pas sentie étrangère à ces femmes cent fois brisées et cent fois ressuscitées.

Zoé, c’est promis, votre livre je ne le quitterai plus.

Je l’emporte avec moi et pourquoi pas à Cuba.

(à suivre)

Ai Weiwei ! Let’s sing 艾未未!

J’ai joint ma voix à celle de ces enfants, femmes et hommes chinois parce que je sais que nommer signifie faire un pied de nez à l’oubli, à la disparition, à l’effacement. Ai Weiwei n’a pas disparu de la scène, non. Seulement voilà,  il ne pourra pas assister au vernissage de l’exposition  » Ai Weiwei – Evidence  » que lui consacre à partir d’aujourd’hui le Musée Martin Gropius Bau à Berlin. L’artiste reste privé de passeport. Les autorités chinoises le lui ont confisqué en 2011. Ce qui l’empêche de sortir de Chine mais pas de créer.

aiweiwei

ARTE Creative n’oublie pas Ai Weiwei. Elle présente sa performance filmée « Fresh Flowers » : chaque jour depuis le 30 novembre 2013, il dépose un bouquet de fleurs fraichement coupées dans le panier d’un vélo garé devant son atelier de la banlieue pékinoise.

Générique de fin #9

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Il y a du Zeus dans cette écrivaine-là.

La foudre est son style, teinté de vague à l’âme et de sensualité.

Ce livre me révéla la violence d’une existence de routine étriquée par l’embargo.

L’idéal révolutionnaire du Che assommé à petit feu.

Le poids de slogans ressassés comme des comptines usées jusqu’à la ixième génération de barbudos.

Et puis le sexe à fleur de mots pour sans cesse affirmer sa liberté envers et contre tous.

Les amours pitoyables et admirables d’une jeunesse havanaise promise à l’anesthésie du dollar.

(à suivre)

Générique de fin #8

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À Buenos Aires, les tanguerias portent des noms d’enfant, de femme ou d’artiste. Caminito, La Ventana, Michelangelo

J’aime la langue qui s’y enroule autour des dents et des palais comme un dessert secret.

Un espagnol tantôt sucré, tantôt salé.

Un tango con cortes y quebradas del mas puro estilo de la guardia vieja…

 

Envie d’un dernier jus d’orange avant de vérifier encore une fois que je n’oublie rien.

Dans le salon, sur le rebord de la cheminée, m’apparaît le livre que je ne cherchais plus tant je croyais l’avoir perdu dans je ne sais quel déménagement.

Le néant quotidien” de Zoé Valdés, petite soeur cubaine.

(à suivre)

Découper, coller, peindre, c’est sa vie

Corinne Attali est une artiste singulière. Ses collages et ses peintures naviguent depuis quelques semaines sur Twitter. Ils en illuminent le flot et à chaque fois, c’est une invitation au voyage, l’on se prend à rêver. Mozart, Bach, Barbara, Ferrat, Chopin et bien d’autres l’accompagnent dans son atelier inondé de soleil. Elle raconte qu’elle crée tout le temps quantité d’oeuvres. Elle confie que ces oeuvres l’envahissent toute entière et la débordent par manque de place. Corinne Attali se dépeint comme un ovni, ignorant d’où lui vient cette frénésie créative depuis maintenant un bon quart de siècle. J’avoue être séduit par son audace, sa poésie et son talent de coloriste. Son imagination de découpeuse-colleuse. J’adore notamment ses élégantes Japonaises et ses images d’Afrique. Si tristes et si joyeuses aussi parfois. Je suis sensible à l’allure paisible de ses longues femmes. Ses natures mortes riches en théières me charment. Je retrouve des touches de Matisse, de Modigliani et de Cézanne dans cette artiste à la créativité foisonnante. Corinne Attali, vous pouvez l’approcher d’un peu plus près par ici.

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Générique de fin #7

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Dans la seconde, New York s’est effacée.

La plainte acide du bandonéon a chloroformé les gratte-ciel et les enseignes fluo des clubs de jazz.

Sur le panneau lumineux géant de l’aéroport, Buenos Aires clignotait déjà de son soleil d’or.

Je sais si peu de l’Argentine sinon que la fierté secoue le sang des danseurs. C

es couples qui tournent et s’éloignent sur les parquets et les pavés me parlent d’un bout de monde où les corps et les âmes n’ont presque jamais peur.

J’aime le port de tête du bailador macho, mélancolique et délicat.

(à suivre)

Le Chant des Marais résonne en Haute-Provence. Nie wieder faschismus !

Ce Chant des Marais est interprété par des élèves de 3ème du collège du Sacré-Cœur et du lycée Beau de Rochas de Digne-les-Bains, aux côtés des choristes de la Claire Fontaine. Cette aventure artistique et humaine correspond à un projet pédagogique « Mémoire et devenir » lancé à la rentrée 2013, à l’occasion du 70ème anniversaire des années 1944 et 1945, avec l’implication du Service des archives communales – et notamment de son responsable Rémi Garcin, très investi dans un travail de transmission de mémoire – et du Service culturel de la ville préfecture des Alpes de Haute-Provence.
Le Chant des Marais a été composé dès 1933 par quelques détenus politiques allemands du camp de Börgermoor, situé dans une région pauvre et marécageuse de Basse-Saxe, au Nord-ouest de l’Allemagne. Tout d’abord encouragé par les SS comme chant de travail, il a été ensuite interdit car reconnu comme subversif. Ce fut en fait l’un des premiers gestes de résistance aux nazis et il est devenu après la guerre l’hymne commémoratif de tous les anciens déportés, partout en Europe.
Après deux répétitions de travail début 2014, l’enregistrement du chant dans sa version française (harmonisée par César Geoffray), s’est déroulé durant 3 heures hier au centre culturel René Char. L’enregistrement va désormais être gravé sur CD par le technicien son du Service culturel, et il pourra être diffusé lors des cérémonies commémoratives, notamment la Journée Nationale de la Déportation.
Choristes adultes et adolescents se retrouveront une dernière fois le 27 mai prochain, Journée nationale de la Résistance. Ils chanteront ensemble le Chant des Marais dans 3 établissements scolaires dignois : le Sacré-Cœur, les lycées Alexandra David-Néel et Beau de Rochas.

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Au mémorial de Börgermoor.

Nie wieder faschismus ! – Plus jamais le fascisme !

Le Chant des Marais

Loin dans l’infini s’étendent
Les grands prés marécageux
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux

Refrain
O terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher ! (bis)

Bruits de chaînes, bruits des armes
Sentinelles jour et nuit
Des cris, des pleurs et des larmes,
La mort pour celui qui fuit

Mais un jour, dans notre vie,
Le printemps refleurira.
Libre alors, ô ma Patrie,
Je dirai : tu es à moi !

O terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse
Aimer, aimer !