Parfois, la nuit
je retombe en enfance
je me dédouble
je rêve de la vie rêvée
qui faisait tant rêver
le petit garçon que j’étais
Mois : mars 2016
Rien d’autre que de la pluie
Todoliste… en trichant un peu
Après avoir accompagné mes enfants dans leur moment d’écriture, j’ai acheté le livre de Christine Jeanney Les sirènes on ne les voit pas un couvercle est posé dessus – avec ses 180 premières Todolistes – et puis me suis essayé ici à tenter moi-aussi d’en imaginer une. En trichant un peu puisque écrite à partir de l’une de mes propres photos. Que Christine Jeanney me pardonne. Ce ne sera en tous cas sans doute pas la dernière …
Penser à bien refermer le volet
après ton escapade amoureuse au grenier
sur le carrelage tiède jonché de lavande séchée
Ne pas se pencher vers le haut
car parfois une tuile se détache
et ça pourrait te couper la tête
Frotter tes doigts sur le bleu passé
puis t’en tatouer les poignets
et renifler le parfum des journées d’autrefois
Sentir la pluie dévaler sur la façade
et goûter goulûment les gouttes
comme si du ciel tombait du chocolat
Francis Royo est parti
Je viens d’apprendre le décès de Francis Royo.
Ressens une profonde tristesse.
J’aimais découvrir chaque jour les billets poétiques qu’il postait sur son blog Analogos.
En avais lu deux à voix haute, que voici
Qu’il repose en paix au paradis des poètes.
Todoliste * de Pâques
Séduit par les Todolistes *de Christine Jeanney – j’ai adoré celles des lycéennes du Lycée Chartier de Bayeux écrites à son initiative et publiées avant-hier – j’ai proposé à Zoé et à Marius, mes deux jeunes enfants, d’écrire à partir de deux de mes photos. Ils ont pris plaisir. Moi aussi en les lisant. Voici leurs textes
– Manger la petite cocote en chocolat
– En avoir plein les doigts
– S’essuyer sur son beau chemisier
– Aller galoper dans les prés
Zoé
– Se laisser emporter par leurs regards lointains
– Imaginer leur imagination insistante
– Succomber à leurs regards à plein temps
– Regarder la fille avec de l’empathie par rapport à sa tristesse qui dure éternellement
Marius
Suivre Christine Jeanney sur Twitter, c’est par ici : @cjeanney
Fenêtre à livres
Sur le rebord de la fenêtre
ils attendent d’être choisis
livres en libre service
dormaient dans un coin
en attendant meilleur sort
après gros chantier à la maison
avec Chantal, ma femme, avons pensé qu’à la lumière du grand air
seraient plus heureux
plus ouverts à la vie qui va
aux passants qui passent
aux histoires à découvrir et à partager
Le monde de Sophie – Jostein Gardiner
Le parfum – Patrick Süskind
La mystérieuse flamme de la Reine Loana – Umberto Eco
Crime impuni aux monts Wuyi – He Jiahong
Vive la vie – Pierre Bonte
La queue du singe – Jorge Luis Camacho
Le dernier des Iroquois – Joseph O’Connor
C’est comment l’Amérique ? – Frank Mc Court
Chants d’été – Colette Matuszek
Une famille en péril – Carla Cassidy
Un dangereux admirateur – Sheryl Lynn
Nedjma – Kateb Yacine
L’enfer des ombres – Slaughter
Rouge Brésil – Jean-Christophe Rufin
Les petites filles modèles – Comtesse de Ségur
Le document secret – Cécile Aubry
Le baiser du congre – Del Pappas
Fantômette et le mystère de la tour – Georges Chaulet
Les trois jouvenceaux et les trois fées – Contes du XVIème siècle
Mémoires de porc-épic – Alain Mabanckou
Colette Matusek – Chants d’été
La Belle et la Bête – Mme Leprince de Beaumont & Mme d’Aulnay
Un instant d’abandon – Philippe Besson
Le voleur d’innocence – René Frégni
Mourir d’enfance – Alphonse Boudard
Le temps des secrets – Marcel Pagnol
Cascade de mots de nous trois #2
Avec Zoé et Marius, mes deux jeunes enfants, avons joué à nouveau au jeu de la cascade de mots.
Nous nous sommes bien amusés.
Voici le second épisode
L’ombre blanche
Le vois-tu le fantôme qui ouvre le feu ?
ne me dis pas non
tu le dévisages
il a pisté l’auteur du massacre
tu le sais
et lorsqu’il l’a coincé
là, à l’angle de la maison
de notre maison
là où tu venais prendre ta douche le soir après l’usine
lorsqu’il l’a mis en joue
le toit s’est effondré
seule son ombre est restée depuis
l’ombre blanche d’un tueur
d’un vengeur
de celui qui rend justice au nom des condamnés au deuil
au nom de ceux qui se taisent car un beau jour le passé s’est enfui en poussière
et toi tu restes là à compter les carreaux
à imaginer quelle lumière passait par les fenêtres de la maison
lorsque les murs tenaient encore
lorsque le trottoir n’existait pas
lorsqu’il faisait bon se prélasser sous l’eau chaude
l’épaule collée au carrelage
ne me dis pas que tu as oublié les voisins du dessus
qui passaient leurs nuits à crier leur plaisir dans cette chambre juste en haut
étaient si jeunes
notre âge ils avaient
sont partis à la ville maintenant
peut-être au-delà de l’océan car ici
il n’y a plus d’avenir
tu le sais
FKA Twigs – Pendulum
À travers l’Aragón
Je ne peux m’empêcher
de faire des travelling
là c’est l’Espagne
à travers l’Aragón
en direction de Zaragoza
les rares arbres nous tournent le dos
le paysage file à rebours
tandis que serions à l’arrêt
nous nous enfoncerions sous terre
puis happés par le ciel
nous ne résisterions pas à l’appel
de ces moulins à vent modernes
troupeaux de géants
certains déjà bien las
de tourner en rond dans le sens du temps
comme nous autres parfois
j’aime longer cette terre
ses champs ouverts comme une mer
ses entrepôts, ses silos
ses usines d’autrefois
leurs cheminées gratte-ciel
ses wagons de marchandises délaissés
ses voies ferrées qui espèrent les trains
j’aime deviner l’horizon de cette terre
au-delà de la caresse des arbres et des roseaux
Comme un totem effrayé
Un Bella Ciao pour Bruxelles
Bordilles
c’est je l’avoue le premier mot qui m’est venu à la bouche
en apprenant hier la nouvelle de Bruxelles ensanglantée
très laid ce bordilles
presque aussi laid que ordures
traduction en français de ce mot marseillais
bordilles ! j’ai hurlé devant mon écran mais n’ai pas voulu en rester là, non
me suis dit que l’horreur et la peur jamais ne doivent et ne devront
gagner contre la beauté et la paix
alors, ai entonné Bella Ciao *
comme chaque fois qu’il s’agit de penser à résister
puisse ce chant remonter
jusqu’à Bruxelles l’endeuillée
* La version de Bella Ciao ici publiée est l’œuvre de l’Académie de Chant Populaire fondée à Marseille en 1994 par Alain Aubin. Le chœur qu’il dirige interprète un répertoire de chants de résistance et de lutte.
Le temps des coquelicots
Je suis revenu sur nos pas
ce chemin bistre
où nous aimions jouer
c’était joli en été
tu te souviens ?
des coquelicots à foison
poussaient jusqu’à la porte
en apportions au chevrier
s’amusait de nos mains blanches
nous laissait caresser les bêtes sous le toit frais
se moquait de nos grimaces
quand buvions un coup de son vin
partagé à la bota
puis l’abandonnions à ses bêtes
collions nos bras contre les pierres
osions parfois quelques baisers
revienne le temps du vin vert
des murs chauds et du chemin bistre
des grimaces et des coquelicots
Parler le poule
Juste en face de l’église, le poulailler de Monsieur le curé
sur les coups de midi me suis délicatement approché des gallines
pas osé arracher le grillage pour les libérer
ai senti qu’elles auraient bien fait un tour dans le village
auraient apprécié de prendre l’air
de s’éloigner un peu du coq qui les surveillait sans avoir l’air
la moins timide me l’a fait comprendre
a osé cligner de l’œil d’un cot cot cot sans équivoque
lui ai répondu d’un cot cot cot cot cot complice
s’en est vite retournée au fond du réduit
cot cot cot cot cot ai-je ajouté
histoire de dire cette nuit je viendrai vous libérer
cette audace folle de parler le poule
je la dois à Lucien Suel
poète jardinier dada de Picardie
le tweet ci-dessous posté par lui samedi
m’a totalement décomplexé
qu’il en soit moulte fois remercié
#Dadadata 99. "BOUM ! BOUM !" ce n'est pas "BOUM ! BOUM ! BOUM !" "Ouah ! Ouah ! " ce n'est pas "Ouah ! Ouah ! Ouah ! "
— Lucien Suel (@LucienSuel) 19 mars 2016
Cascade de mots de nous trois #1
Avec Zoé et Marius, mes deux jeunes enfants, avons commencé à jouer au jeu de la cascade de mots.
Amusant, beaucoup. Déconcertant, un peu. Touchant, parfois.
Voici le premier épisode
Embrasser les chênes *
Paisibles et silencieux
m’attendaient tout en haut
les chênes aux troncs décorés
jumeaux ou solitaires
à peine hommes
ou vieux sages
m’ont parlé de paix
offert sérénité
pour les remercier
les ai embrassé
puis m’en suis allé
ma maison retrouver
remonterai les saluer
* Il y a même des gens qui ont tellement embrassé les arbres qu’ils ne peuvent s’empêcher d’avoir envie d’initier les autres gens à ces embrassades 🙂
Dans la moiteur de l’ascenseur
Tu n’en ressortiras pas vivant
de ces aller-retours saccadés
enfermé comme au jour dernier
tu étouffes à petit jeu
depuis quand ?
tu ne sais plus
alors, caresse les boiseries
lèche les poignées cuivrées
surtout ne t’enfuis pas
palpite encore près du miroir
ignore le bouton arrêt
imagine la place que prendrait
dans ta vie, Aimée la douce
là, juste devant ta face en feu
dirais les mots inavoués
et les paroles crues
oserais un baiser sur ses cils
tenterais de mordiller la langue
de celle qui te résisterait
dans la moiteur de l’ascenseur
l’ange bouillant s’en est allé
sans un regard vers ton visage
sens arriver la chute raide
déserté le chemin rêvé
la porte s’ouvre et tu t’écrases
sur le monde froid du rez-de-chaussée
Bastet
Dans les froides rues mouillées
t’ai aperçu à la fenêtre
ne m’as même pas regardé
chat blanc aux fins yeux perdus
ai tenté de te réveiller
tapé des mains, crié, sifflé
es resté figé sans broncher
peut-être es-tu, petit chat blanc
statue de Bastet la déesse
ramenée de lointaine Égypte
par quelque amoureuse éperdue
lasse de se rêver attendue
et de lancer en vain ses griffes
aux carreaux froids de la fenêtre
Petite mésange
En quête de miettes
sautillais sans peur
petite mésange
serais bien rentrée
piquer une miche
mais porte fermée
as raflé l’infime
sans te presser
puis t’es envolée
ai cherché tes noms
pour partir aussi
nonette ou lapone
noire ou azurée
bleue ou boréale
huppée ou lugubre
nord-africaine ou
charbonnière
crois que tu étais
petite mésange qui sans peur sautillais
Boléro du lundi
Un chantier en bas au rez-de-chaussée
frisquet il fait
ce fut un beau dimanche de bal, il se dit
bijoux légers, cous brûlants et baisers aux sourcils
sourires offerts contre l’épaule
et ce désir de balancer les corps ensemble
en volutes tendres, en arabesques souples
dans la grande salle de danse au parquet verni
hélas close aujourd’hui puisque c’est lundi
encore tout chaud dedans du parfum de sa belle
le travailleur du chantier siffle
le Boléro de Ravel
Soleil couchant, proche Orient
Redescendre vers le sud
au couchant
route toute droite
vieille connaissance
longe les pins sur kilomètres
on toucherait presque l’océan
juste à droite, là
de l’autre côté des arbres
dans cette lumière rose du printemps qui approche
au volant
paisible
souvent c’est vers l’Orient
que voyagent mes pensées
lointain
et pourtant si proche Orient
ses murs
ses grillages dressés
ses séparations sans mesure
ses cortèges de haine et de blessures
ses morts
ses fossés creusés profond
entre vies et cultures
il faudra passer par là-haut
pour s’enfuir
Orient rouge là-bas
ici Occident impuissant
Portulan
Portulan
n’avais jamais rencontré ce mot avant
la lecture de Les Choses
de Georges Perec le roman
les trouve jolies ces six lettres attachées à naviguer
repère de marins d’avant
carte experte ouvertes aux quatre vents
colorée de mille sels
ornée d’embruns et de pigments
Portulan
pour caboter en douce
lentement
lire qu’il existera toujours un port où passer
un port où aimer
un port où ne point rester longtemps
ou bien où se fixer pour un moment
Portulan
porte aussi le silence des choses tues
cachées ou dérobées
garde en lui les secrets emportés par ceux qui à jamais
se sont tus
Portulan
y lire aussi un mot d’ailleurs
un mot cadeau
un mot nourriture à faire rouler sur la langue
à faire saliver le palais
comme un baiser profond ouvert sur l’océan
Illustration : Atlas catalan 1375
Dis-moi, mimosa
Je n’oublie pas Kamaishi
Il y a cinq ans jour pour jour, le 11 mars 2011, un tsunami déferle sur la côte nord-ouest du Japon. Parmi les villes frappés, Kamaishi, située à 208 kilomètres au nord de Fukushima et 560 kilomètres de Tokyo. Des vagues hautes de plus de 30 mètres par endroits ravagent la ville.
Les survivants pleurent plusieurs milliers de morts et de disparus.
Me suis rendu à Kamaishi en mai 2013
pendant une semaine, j’ai pu constater les traces encore vivaces de la tragédie
le port avait retrouvé un semblant de souffle
les enfants étaient retournés à l’école
les pêcheurs d’algues avaient repris leur activité
les ostréiculteurs fêtaient leur première récolte
les tulipes refleurissaient
les bougies accompagnaient le travail de deuil des survivants
Je n’oublie pas Kamaishi
Je n’oublie pas le silence en entrant dans la ville
Je n’oublie pas les immeubles massacrés
Je n’oublie pas les maisons rasées
Je n’oublie pas les voix surgies des décombres
Je n’oublie pas la rade muette au petit matin
Je n’oublie pas le port meurtri de toutes parts
Je n’oublie pas les sinistrés accueillis dans les préfabriqués
Je n’oublie pas l’autel et ses bougies au centre de secours fracassé
Je n’oublie pas les bouddhas de mémoire
Je n’oublie pas les stèles noires dressées
Je n’oublie pas les dates et les chagrins inscrits
Je n’oublie pas les larmes versées
Je n’oublie pas les larmes contenues
Je n’oublie pas les tulipes violettes près du saccage
Je n’oublie pas les traces du tsunami sur la forêt
Je n’oublie pas le temple au moine et à l’enfant
Je n’oublie pas la blanche Kanon protectrice de la ville
Je n’oublie pas le rire timide des écoliers
Je n’oublie pas le sourire retrouvé des pêcheurs d’algues
Je n’oublie pas les jardins refleuris
Je n’oublie pas le retour vers Tokyo en Shinkansen
Je n’oublie pas le survol du Fuji qui m’éloignait de Kamaishi
Je n’oublie pas ce haiku d’Issa
Ainsi en ce monde
au-dessus de l’enfer
on admire les fleurs
Grêle et je me souviens
Venais juste ou presque d’achever la lecture de Les choses, le roman de Georges Perec lorsque soudain, orage de grêle de folie sur le toit d’en face
grêle comme celle qui l’été s’abattait sur les oliviers de Bauduen, mon village d’enfance en Provence
accompagner ensuite les vieux auprès du désastre
maudissaient les orages
serraient les mâchoires
ramassaient branchages fracassés de glaçons
les jetaient dans brouettes en bois
roues grinçaient sur le chemin du retour vers les maisons
noyés de cagnard étions tous
noyés
avons failli l’être en août 73
lorsqu’un projet de barrage EDF a voulu rayer villages de la carte
la providence ou pas du tout a fait que le notre fut épargné de la noyade
nourri par le Verdon un lac est né
au ras de Bauduen l’eau s’arrête
les pieds dans le lac sommes depuis
l’été, les orages de grêle poursuivent leur saccage
sur le peu d’oliviers qu’il reste à récolter sur les terrasses
là-haut vers Saint-Sauveur
reste ce Je me souviens publié ici il y a quelques années
Je me souviens de l’eau vive du Verdon
Je me souviens des bains dans le Verdon
Je me souviens du danger du Verdon
Je me souviens du carrefour de Sainte-Hélène au bout de la route
Je me souviens des paniers du goûter au bord de la rivière
Je me souviens des saules et des galets en face de Sainte-Croix
Je me souviens des truites de Fontaine l’Evêque
Je me souviens du pont de Garruby
Je me souviens des mûriers et des chênes truffiers disparus sous l’eau
Je me souviens des vergers du vallon aujourd’hui inondés
Je me souviens de l’allée de marronniers sur la route d’Aups
Je me souviens de l’estafette blanche qui nous montait d’Aups
Je me souviens du village des Salles, si proche, si loin de Bauduen
Je me souviens que ma mémé Zoé parlait patois avec Madame Rouvier
Je me souviens des Iscles et de ses champs bruns aux sillons réguliers
Je me souviens des départs aux champs de Monsieur Paix sur sa bicyclette
Je me souviens des remorques pleines à ras bord de lavande
Je me souviens des mas de Tante Berthe
Je me souviens des lucioles des soirées d’août
Je me souviens du cheval au sexe immense de mon grand-oncle
Je me souviens de Monsieur Coindet et de ses mouches pour la pêche
Je me souviens de Monsieur Gabin et de son pantalon bleu roi
Je me souviens de Elie le boulanger à la voix tonitruante
Je me souviens de Madame Cauvin et de son poulailler
Je me souviens du lait livré à la maison par Monsieur Bagarry
Je me souviens de Gisèle sur son balcon et moi en bas sur le parapet
Je me souviens de mon oncle Auguste partant à la chasse en face du village
Je me souviens de la trompettaïre et sa voix de crécelle
Je me souviens des marchands de légumes sur la place
Je me souviens des séances de cinéma sur la place
Je me souviens du miel de l’apiculteur
Je me souviens de l’école de ma mémé Zoé au Château
Je me souviens des bals devant l’Auberge du Lac
Je me souviens des cachettes dans la falaise
Je me souviens des amandiers en fleurs
Je me souviens des cailloux jetés à la nuit sur les terrasses
Je me souviens des fontaines au coin des rues et de leurs manivelles rondes
Je me souviens du grenier frais où couraient les souris
Je me souviens des bulldozers et des plaies sur la terre
Je me souviens que Bauduen faillit être noyé
Chat noir
Ce serait … un prunier sauvage *
Ce serait un prunier du Japon
aurait choisi d’offrir ses fleurs
aux moines d’un temple perché
Ce serait un prunier de Chine
se serait posé près des places
où rodent et hurlent les voix tues
Ce serait un prunier de Dakar
aurait migré vers les boubous
qui embrassent les âmes fières
Ce serait un prunier de Paris
ressusciterait les barricades
pour raviver les combats perdus
Ce serait un prunier de Marseille
prendrait ses quartiers au nord
où la lumière saigne souvent
Ce serait un prunier d’Avignon
se loverait près des remparts
où divaguent de belles rêveuses
* Je dédie ces quelques vers à Brigitte Célérier, auteure des superbes « Ce serait » publiés depuis août 2014 par Jan Doets sur son site Les Cosaques des Frontières.
Brigitte fait vivre aussi le blog « Paumée » que je prends plaisir à feuilleter chaque jour.
Le Rouge-gorge trempé
Sur le bouleau frissonnais
Rouge-gorge trempé
joyeux pourtant
t’ai fait un petit signe
pour attirer par ici
le beau temps
as sifflé puis silence
Rouge-gorge glacé
la pluie s’en est allée
De haut en haut
Là-haut
entre neige et nuages
serais bien resté
jusqu’au départ silencieux
du dernier flocon
aurais bien cheminé
jusqu’au bout de l’hiver
sans effrayer les bêtes
me serais attardé entre les arbres
caché près des cascades
loin des horizons perdus
des violences lues
aurais ressuscité l’espérance engloutie depuis ton envol
serais peut-être passé tout près
des traces laissées par toi du temps de ta splendeur
lorsque tu avançais toi aussi par là-haut
entre neige et nuages
et souriais aux sommets
Le tempo des gouttes
Vers le refuge
Monter tout là-haut
vers le refuge
dans la neige profonde
avancer à son rythme
prendre le temps de la lenteur
écouter l’infime
la fugace musique
neige qui fond sur les branches
et chute vers le blanc
l’immense blanc
le cœur accélère quand la pente se renforce
reprendre son souffle
face aux pics
aux cascades
à la roche fière
aux arbres accrochés
aux parois abruptes
aux forêts traversées
aux nuages qui glissent d’un sommet à l’autre
se dire – que c’est beau !
se contenter de ces mots-là
ne pas chercher autre chose que du simple
comme une offrande à la vie qui avance
s’arrêter pour caresser des yeux
et redescendre
accepter sa fatigue
puis l’oublier en songeant aux sherpas de l’Himalaya
éprouver sa petitesse
Petit homme
Colle-toi à l’écorce
petit homme de rien
laisse les flocons t’envelopper
élague tes vieilles peurs
racle tes chagrins
enfouis-les dans les crevasses
ne bronche pas contre les rafales
étonne-toi
regarde les bouleaux
comme ils mêlent leurs troncs au paysage
tente de suivre des yeux les tourbillons à travers les branches
glisse-toi en travers et écoute
devine les voix tues au creux des roches noires
cache-toi entre les mélèzes
entends comme ils parlent
comme ils racontent
la langue du silence
petit homme de peu